S03-P01-C42 Méningites chroniques (Chapitre archivé)

S03-P01-C42 Méningites chroniques (Chapitre archivé)

Médecine interne

LOÏC GUILLEVIN

Chapitre S03-P01-C42

Méningites chroniques

Constance Lesoil et Hassan Hosseini
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Les méningites chroniques sont définies par l’association d’une inflammation du liquide céphalorachidien (LCR) et d’une symptomatologie évocatrice, persistant depuis 4 semaines au moins. Bien que peu de données épidémiologiques soient disponibles, on estime qu’elles représentent environ 10 % de toutes les méningites [1], [9]. Leurs causes regroupent un spectre large de pathologies : infectieuses, carcinologiques ou inflammatoires, dont la répartition en termes de fréquence est conditionnée à la zone géographique considérée [1], [9] ainsi qu’au statut immunitaire du patient. Le délai au diagnostic est souvent important, en raison du caractère insidieux de la symptomatologie, et de la prise de traitements symptomatiques variés prescrits en première intention.

Physiopathologie

Les mécanismes de l’inflammation méningée chronique dépendent du processus pathologique en cause. L’inflammation est constituée majoritairement de cellules mononuclées; une réaction cellulaire à polynucléaires persistante est plus rarement observée [10]. Certaines affections peuvent en outre entraîner la formation de granulomes (par exemple, sarcoïdose), d’abcès ou de kyste. La constitution d’une hydrocéphalie est fréquente, elle résulte de mécanismes exsudatifs et de fibrose adhésive secondaires à l’inflammation, ou de mécanismes obstructifs. Elle se complique dans des proportions non négligeables d’hypertension intracrânienne ou d’hydrocéphalie à pression normale. L’infiltration inflammatoire peut également toucher le système vasculaire (vascularite), et être à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux.

Clinique

La présentation clinique des méningites chroniques est extrêmement variable [3], [4], [5], [8], et un interrogatoire minutieux est nécessaire pour retracer l’historique et le mode d’installation des symptômes, qui est le plus souvent insidieux. Le tableau clinique initial est principalement caractérisé par des céphalées, associées à une fièvre modérée et fluctuante, parfois isolée, et plus rarement à des cervicalgies ou à une raideur de la nuque. Une présentation encéphalitique est également fréquente, allant du simple ralentissement psychomoteur, au tableau démentiel. Les signes d’hypertension intracrânienne (céphalées matinales, vomissements, diplopie, flou visuel) doivent être rapidement identifiés, afin de faire l’objet d’une prise en charge spécifique. Une atteinte des paires crâniennes n’est pas rare et peut orienter le diagnostic étiologique vers une sarcoïdose, par exemple [7], ou une tuberculose en cas d’atteinte multiple (méningite basilaire). La symptomatologie peut aussi comporter des déficits neurologiques focaux, une comitialité, une ataxie, ou encore une atteinte spinale et des racines nerveuses.

Afin d’orienter le bilan paraclinique, un interrogatoire rigoureux doit être mené concernant les facteurs d’exposition (voyages, emploi, rapports sexuels, contacts animaliers), les traitements reçus et leur chronologie, le statut immunitaire du patient, et le contexte de survenue des symptômes (pathologie systémique connue, bilan de néoplasie en cours). L’examen physique neurologique doit comporter un examen du système nerveux périphérique et la recherche de symptômes extraneurologiques, notamment cutanéomuqueux, ganglionnaires, pulmonaires, digestifs ou rénaux, qui sont d’une grande aide sur le plan étiologique [1], [3], [4], [5], [8].

Examens paracliniques

La ponction lombaire est indispensable au diagnostic positif. Sa rentabilité diagnostique est augmentée par la répétition des prélèvements, la quantité de liquide prélevée, et la réalisation d’examens ciblés selon les pathogènes recherchés [2], [5]. Elle doit être précédée d’une imagerie cérébrale en cas d’hypertension intracrânienne ou de suspicion de processus expansif intracrânien. La prise de la pression d’ouverture, doit être systématique. L’examen cytologique retrouve une pléiocytose, majoritairement lymphocytaire, persistante à 4 semaines d’intervalle. Les caractéristiques de la formule peuvent orienter le diagnostic étiologique [2] : un nombre d’éléments inférieurs à 50/mm3 évoque une néoplasie, plus de 200/mm3 une tuberculose chez l’immunocompétent. Une pléiocytose à éosinophiles devra faire rechercher une origine parasitaire ou néoplasique. La glycorachie peut être basse lors des infections, la protéinorachie est en règle générale élevée. L’électrophorèse des protéines du LCR traduit un processus inflammatoire intrinsèque (synthèse intrathécale d’immunoglobulines). L’examen anatomo-pathologique nécessite de prélever un volume de LCR important pour la détection de cellules carcinologiques, un typage lymphocytaire par cytométrie de flux est utile. Pour l’examen bactériologique et fongique, les colorations de Gram, de Ziehl et à l’encre de Chine sont indiquées, les cultures sont réalisées sur milieux standard et spécifiques (anaérobie, Sabouraud, Lowenstein) [2]. Les PCR (polymerase chain reaction) virales, les sérologies (maladie de Lyme, syphilis), la recherche d’antigène solubles, et la biochimie spécifique (lacticodéshydrogénase [LDH], 2-microglobuline, enzyme de conversion de l’angiotensine), font également partie du bilan étiologique du LCR.

Les examens d’imagerie recommandés sont l’IRM cérébrale, en première intention, sans et avec injection de produit de contraste, incluant des séquences vasculaires (angio-IRM), ou une tomodensitométrie cérébrale, également avec injection. Les anomalies de signal méningé observées sont le plus souvent non spécifiques [11] (prise de contraste linéaire, pachyméningite), mais peuvent parfois pointer vers une cause (par exemple, prises de contraste nodulaires hautement évocatrices d’une méningite carcinomateuse), les prises de contraste doivent être considérées avec prudence, car peuvent aussi faire suite à une ponction lombaire avec hypotension du LCR, et devront être contrôlées. La présence d’abcès, de kystes, de granulomes, ou d’une lésion gliomateuse, doivent orienter les prélèvements [11]. L’existence d’une hémosidérose ou un aspect de vascularite doit faire discuter la réalisation d’une angiographie. La réalisation d’une simple radiographie de thorax, d’une tomodensitométrie thoraco-abdomino–pelvienne, d’un examen ophtalmologique avec recherche d’uvéite à la lampe à fente, d’examens bactériologiques des crachats, d’un hémogramme, de dosage de l’enzyme de conversion, et un bilan d’auto-immunité peuvent également être hautement contributifs au bilan étiologique, et sont à réaliser rapidement [4], [5].

Les biopsies de sites périphériques aisément accessibles (glandes salivaires accessoires, adénopathie, cutanée), peuvent faire partie du bilan de première intention. La réalisation d’une biopsie neuroméningée doit être discutée au même titre que le traitement d’épreuve, en cas de négativité d’un bilan exhaustif et répété, et de critères d’évolutivité et de sévérité clinique. La biopsie de lésions visibles en imagerie, notamment des prises de contrastes, augmenterait la rentabilité de l’examen [4].

Étiologie

Les causes infectieuses de méningites chroniques dépendent de la zone d’endémie d’où le patient est originaire ; en Europe, la tuberculose et la crytococcose sont les plus représentées [1]. La présence de matériel de dérivation du LCR, d’un foyer infectieux chronique paraméningé (otite chronique, par exemple), d’un point d’appel systémique, ou d’une immunodépression (VIH, corticothérapie, greffe) doit être recherchée. Il peut s’agir d’infections :

Figure S03-P01-C42-1  IRM d’une méningite chronique révélant une neurosarcoïdose avec hydrocéphalie. Les prises de contraste autour du mésencéphale sont évocatrices (ad).

– bactériennes : avant tout la tuberculose, dont le diagnostic est souvent difficile [13], brucellose pour le bassin méditerranéen, maladie de Lyme avec méningoradiculite très évocatrice, neurosyphilis ;

– fongiques : principalement la cryptococcose, survenant préférentiellement chez les sujets immunodéprimés ou diabétiques, qui réalise des tableaux d’hydrocéphalie fébrile avec arachnoïdite suprachiasmatique [9] ;

– virale : encéphalite du VIH, méningoradiculite du cytomégalovirus (CMV), virus du syndrome immunodéficitaire acquis 1 (HTLV-1) ;

– parsitaires : angiostrongylose et trypanosomiase.

Les méningites néoplasiques affectent jusqu’à 15 % des patients atteints de cancer. Elles peuvent être secondaires à :

– des tumeurs solides qui sont, par ordre de fréquence, les tumeurs primitives cérébrales (gliomateuses notamment), le cancer du sein, le cancer du poumon et le mélanome ;

– des pathologies hématologiques, principalement les leucémies aiguës lymphoblastiques, le lymphome B et le lymphome de Burkitt.

Elles peuvent survenir dans un tiers des cas pendant la rémission.

La présentation clinique est souvent celle de céphalées associées à des cervicalgies ou des dorsalgies, intenses et migratrices, de signes d’encéphalite, et d’atteintes neurologiques multifocales extensives, impliquant notamment les nerfs crâniens [6].

Tableau S03-P01-C42-I Principales causes des méningites chroniques.

Causes infectieuses

Bactériennes

– Mycobacterium tuberculosis(1)

– Treponema pallidum

– Borrelia burgdoferi, Brucella spp., Rickettsiæ

– Nocardia spp., Actinomyces spp.

– Staphylococcus epidermidis, S. aureus, Propriobacterium acnes

– Tropheryma whipelii

– Listeria spp., Leptospira spp.

– foyer infectieux paraméningé, infection de matériel, méningite décapitée

Fongiques

– Cryptococcus neoformans(1)

– Candida spp., Aspergillus spp.

– Coccidioides imitis, Bastomyces dermatidis, Histoplasma capsulatum

– Pseudallescheria boydi, Sporothrix scenckii, Zydomycetes,

– Trichosporon beigelii

Parasitaires

– Angiostrongylus cantonensis, Strongyloides stercoralis

– Toxoplasma gondii

– Trypanosoma sp.

– Baylisascaris procyonis

– cysticercose, toxocarose, sparganose, trichinellose, distomatoses, bilharzioses, échinococcoses, gnathostomiases

Virales

– VIH

– cytomégalovirus

– HTLV-1, virus varicelle-zona, virus herpès simplex 2

– entérovirus, echovirus, virus JC, arbovirus

Causes néoplasiques

Méningites carcinomateuses

– tumeurs primitives cérébrales(1)

– cancers du sein, du poumon, mélanome

Méningites lymphomateuses, leucémiques

– leucémie lymphoïde chronique(1)

– lymphome B, Lymphome de Burkitt

Causes inflammatoires et dysimmunitaires

Sarcoïdose(1)

Maladie de Behçet(1)

Lupus érythémateux systémique

Syndrome de Goujerot-Sjögren

Granulomatose avec polyangéite (Wegener)

Vascularite primitive granulomateuse du système nerveux central

Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada

Polyarthrite rhumatoïde

Maladie cœliaque

Autres causes

Maladie de Fabry

Méningites iatrogènes (AINS, immunoglobulines, chimiothérapie)

Méningite chronique idiopathique(1)

(1) Causes fréquentes.

HTLV : human T-cell leukemia virus.

L’atteinte du système nerveux au cours des maladies systémiques, inflammatoires ou dysimmunitaires, est de fréquence variable (jusqu’à 25 % dans la maladie de Behçet, 5 % dans la sarcoïdose), et parfois révélatrice, rendant leur diagnostic peu aisé. Les anomalies du LCR sont le plus souvent aspécifiques [3], [5], [8] dans ces pathologies, et la recherche d’une atteinte systémique (par exemple, pulmonaire, cutanée), le bilan d’auto-immunité et les biopsies périphériques, voire neuroméningées, sont le plus souvent indispensables au diagnostic. La recherche d’une vascularite du système nerveux central est souvent indiquée. La sarcoïdose est l’une des principales causes [8], elle est évoquée lors de la mise en évidence d’une atteinte granulomateuse leptoméningée (Figure S3-P1-C42-1), avec implication des paires crâniennes ou de l’hypothalamus. Parmi les autres causes, on peut citer la maladie de Behçet, le lupus érythémateux systémique, le syndrome de Goujerot-Sjögren, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (associant uvéite granulomateuse et signes cutanés) ou la polyarthrite rhumatoïde.

Jusqu’à 30 % des méningites chroniques restent sans diagnostic au terme du bilan, parmi lesquelles peuvent être définies les méningites chroniques idiopathiques, d’évolution le plus souvent favorable, spontanément ou sous corticothérapie [12]. Le Tableau S03-P01-C42-I récapitule les principales étiologies des méningites chroniques.

Prise en charge thérapeutique

La prise en charge thérapeutique est spécifique à chaque cause. L’introduction d’un traitement antibactérien (hors antituberculeux) empirique d’emblée n’est pas recommandée, une identification du germe étant toujours à privilégier. Le traitement des complications, notamment de l’hydrocéphalie, peut nécessiter le recours à la neurochirurgie, qui permettra en outre d’effectuer des prélèvements liquidiens ou de réaliser une biopsie. Le suivi évolutif du LCR est un élément important de la prise en charge. La décision d’un traitement antituberculeux [13], ou d’une corticothérapie d’épreuve [12], doit être prise au cas par cas, elle est guidée par les hypothèses étiologiques, la sévérité du tableau clinique, réelle ou potentielle (existence d’une immunodépression), et l’évolutivité [4]. La réponse au traitement antituberculeux d’épreuve constitue parfois l’élément du diagnostic positif.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Lesoil C, Hosseini H. Méningites chroniques. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S03-P01-C42 : 1-3.