S07-P01-C04 Décompensation aiguë des insuffisances respiratoires chroniques (Chapitre archivé)

S07-P01-C04 Décompensation aiguë des insuffisances respiratoires chroniques (Chapitre archivé)

Médecine intensive-Réanimation

Christian Richard

Chapitre S07-P01-C04

Décompensation aiguë
des insuffisances respiratoires chroniques

Martin Dres, Thomas Similowski et Alexandre Demoule
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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Décompensation aiguë des insuffisances respiratoires chroniques obstructives

L’insuffisance respiratoire chronique (IRC) obstructive est caractérisée par une symptomatologie respiratoire (dyspnée, toux et expectorations) et un trouble fonctionnel obstructif. Ce dernier est défini par une réduction disproportionnée du volume expiré maximal en une seconde (VEMS) par rapport à la capacité vitale (CV) (VEMS/CV < 70 %). Toutes les pathologies respiratoires obstructives et notamment la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’étiologie la plus -fréquente des IRC obstructives, sont susceptibles d’évoluer vers l’insuffisance respiratoire chronique (Tableau S07-P01-C04-I). Celle-ci apparaît lorsque la fonction du système respiratoire est altérée au point de compromettre les échanges gazeux, c’est-à-dire le renouvellement de l’oxygène et l’élimination du gaz carbonique. En pratique clinique, toute perturbation chronique des gaz du sang (PaO2 δ 60 mmHg ou PaCO2 ≥ 50 mmHg) définit l’IRC. S’il est habituel de retenir une définition gazométrique de l’IRC, il faut souligner qu’un certain nombre de patients porteurs de pathologies pulmonaires « non shuntantes » (emphysème panlobulaire, certaines grandes déformations thoraciques, certaines pathologies vasculaires pulmonaires) ou à métabolisme bas (neuromusculaires), en sont exclus du fait de l’absence d’altération des échanges gazeux et en dépit d’un véritable handicap respiratoire et d’un véritable risque de décompensation.

 

Tableau S07-P01-C04-I  Principales causes de l’insuffisance respiratoire chronique obstructive.

Bronchopneumopathies chroniques obstructives

Dilatation des bronches

Asthme

Mucoviscidose

Bronchiolite post-greffe de moelle/rejet post-transplantation

Contrairement à l’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) survenant sur poumons antérieurement sains qui ne fait pas de l’objet de débat dans sa définition, la survenue d’une insuffisance aiguë sur insuffisance chronique est vague et sous-entend un éventail très large de situations. Le terme « décompensation » est à ce propos parfaitement approprié, car il décrit justement l’impossibilité pour un système respiratoire déjà « suractivé » à surmonter la charge imposée par l’aggravation de la symptomatologie (Figure S07-P01-C04-1). Dans ce chapitre, ne seront traitées que les décompensations aiguës d’IRC obstructives « graves », c’est-à-dire associées à une IRA.

 

Figure S07-P01-C04-1  Représentation schématique du déséquilibre entre force et charge, survenant au cours d’une décompensation d’insuffisance respiratoire chronique. L’augmentation de la charge mécanique peut être la conséquence d’une augmentation des résistances des voies aériennes. Pour tenter de compenser cette augmentation de la charge, le système suractive sa commande, mais l’effecteur musculaire est insuffisant.

 

Le pronostic des décompensations aiguës des IRC obstructives est lié à la survenue d’une acidose respiratoire traduisant la décompensation ultime du système. Dans cette situation, les patients requièrent une assistance ventilatoire délivrée par ventilation non invasive (VNI) en première intention [22]. Incontournable, la recherche d’une étiologie, notamment infectieuse, est systématiquement réalisée. Si le pronostic à court terme de ces épisodes s’est transformé ces dernières années, les interrogations actuelles se portent sur les pronostics à moyen et à long terme après la sortie de réanimation et sur l’indication à la ventilation mécanique invasive en cas d’échec de ventilation non invasive. La BPCO étant l’étiologie la plus fréquente des IRC obstructives (voir Tableau S07-P01-C04-I), dans ce chapitre, le terme d’IRC obstructive renverra systématiquement, sauf mention contraire, à l’IRC secondaire à la BPCO.

Épidémiologie

La décompensation de BPCO est une pathologie couramment prise en charge dans les services de réanimation, pouvant constituer jusqu’à 60 % des IRA [11], [13], [25] et près de 10 % des admissions annuelles. Le séjour en réanimation est le plus souvent justifié par la nécessité d’une assistance ventilatoire. Le pronostic de ces épisodes dépend du critère d’évaluation utilisé. Outre la mortalité, d’autres variables doivent être considérées, notamment le recours à une assistance ventilatoire invasive (par sonde endotrachéale), la durée de séjour en réanimation ou en soins intensifs ou encore la survenue d’une nouvelle décompensation. La mortalité de ces séjours en réanimation reste relativement faible, entre 10 et 20 % [12], [19], [31]. L’explication de ce faible taux s’explique par l’amélioration de la prise en charge, notamment avec la généralisation de l’utilisation de la ventilation non invasive en première ligne, mais aussi parce qu’une partie du pronostic de ces patients se joue plus tard [8]. En effet, l’épisode de décompensation en soi accélère le déclin naturel du VEMS. Ces épisodes sont d’ailleurs associés de façon indépendante à la mortalité des patients à moyen et long terme. Les décompensations d’IRC obstructives sont associées à une augmentation de la mortalité à long terme pouvant atteindre 45 % dans une étude française ayant suivi des patients jusqu’à 4 ans [19], 59 % à un an dans une étude nord-américaine [8] et 32 % à 6 ans dans une étude espagnole [21].

Physiopathologie

Au cours des IRC obstructives, la défaillance du système respiratoire est mixte, associant une défaillance « ventilatoire » et une défaillance de la fonction « échanges gazeux ». Au cours des décompensations, les anomalies « pompe » jouent un rôle prédominant par rapport aux anomalies « échanges » et déterminent une très large part des schémas thérapeutiques. En effet, les traitements visent moins à améliorer l’oxygénation qu’à absorber une partie du travail respiratoire ou à réduire la charge à laquelle doit faire face le système respiratoire.

Anomalies de la mécanique respiratoire

Les deux principaux phénomènes qui perturbent la mécanique respiratoire au cours des IRC obstructives sont l’augmentation des résistances des voies aériennes proximales et la distension dynamique. Le premier est lié d’une part à l’encombrement bronchique et d’autre part à la perte des propriétés élastiques du poumon se traduisant par un collapsus bronchique expiratoire (PEP [pression expiratoire positive] intrinsèque). La distension dynamique est une conséquence directe du premier mécanisme. Elle est générée par un effet de clapet (l’air entre, mais ne sort pas) qui s’ajoute à la distension structurelle des espaces aériens distaux (emphysème). Le raccourcissement absolu du temps expiratoire, conséquence mathématique de la polypnée, aggrave la distension pulmonaire liée à la distension dynamique. Cette dernière majore la dyspnée et entraîne une polypnée (Figure S07-P01-C04-2). La distension dynamique gêne aussi le début de l’inspiration puisqu’une partie du travail inspiratoire est utilisée pour lutter contre la PEP intrinsèque avant de générer du volume courant. La distension dynamique perturbe également la fin de l’inspiration du fait d’une ventilation à volumes courants s’approchant progressivement de la capacité pulmonaire totale (zone plate de la relation pression-volume), ce qui contribue à la sensation de dyspnée [17].

 

Figure S07-P01-C04-2  Représentation schématique des mécanismes physiopathologiques à l’origine d’une décompensation de BPCO. L’augmentation de la commande ventilatoire (stress, hyperthermie, douleur, infection, etc.) induit une augmentation du travail respiratoire. Pour satisfaire cette demande, le système doit notamment augmenter la fréquence respiratoire, ce qui génère une diminution mathématique du temps expiratoire. Avec un temps expiratoire plus court, et une majoration de la pression télé-expiratoire positive déjà présente, le système induit de la distension dynamique, elle-même à l’origine d’une hypoventilation alvéolaire et, in fine, de la dyspnée.

 

La lutte contre la PEP intrinsèque génère une augmentation du travail musculaire respiratoire. Cette dépense supplémentaire est un coût énergétique important pour le système et n’est pas dénuée de conséquences sur le fonctionnement du ventricule gauche (voir plus loin). Face à ce surcroît de travail respiratoire, le système respiratoire finit par échouer à maintenir la ventilation alvéolaire : malgré une commande ventilatoire intense, les muscles respiratoires ne sont plus capables de surmonter la charge qui leur est imposée, et l’hypercapnie se développe. Une éventuelle encéphalopathie hypercapnique, qui peut cliniquement faire croire à un état de « dépression respiratoire », peut donc parfaitement correspondre à un état « d’hyperactivité » respiratoire centrale.

Interactions cardiopulmonaires et conséquences lors des décompensations d’IRC obstructives

Le tabagisme, substratum commun aux pathologies cardiovasculaires et pulmonaires, explique la coexistence fréquente d’une BPCO avec une hypertension artérielle ou une cardiopathie ischémique. L’une des particularités de l’association IRC obstructive et cardiopathie gauche est que la décompensation de l’une des pathologies peut retentir sur l’autre, voire en déclencher une poussée aiguë [2]. La distension dynamique augmente la post-charge ventriculaire droite (par augmentation de la pression artérielle pulmonaire) et la négativation de la pression intrathoracique augmente le retour veineux. Ces deux phénomènes perturbent le remplissage du ventricule gauche du fait de l’interdépendance entre les deux ventricules. Deux autres mécanismes notables sont impliqués dans la dysfonction ventriculaire gauche. Le premier est l’ischémie myocardique induite par une augmentation du travail respiratoire au cours des efforts inspiratoires et expiratoires. Enfin, et peut-être le plus important des mécanismes, est lié à l’augmentation de la post-charge du ventricule gauche induite par la négativation extrême de la pression intrathoracique inspiratoire. Le ventricule gauche éjectant le sang à l’extérieur de la cage thoracique, la négativation de la pression intrathoracique lui impose un effort supplémentaire pour que le sang quitte le thorax. En d’autres termes, la réduction de la pression intrathoracique est équivalente à élever la pression artérielle d’une proportion similaire, et les deux conditions sont ressenties comme une augmentation de post-charge ventriculaire gauche.

Chez les patients placés sous ventilation mécanique invasive, ces interactions seront à prendre en compte au cours du processus de séparation du ventilateur. Elles peuvent être responsables d’une dysfonction ventriculaire gauche par majoration des effets délétères qui surviennent en ventilation spontanée et retarder ainsi l’extubation.

Diagnostic et évaluation de la gravité

Le diagnostic de décompensation d’IRC obstructive doit être évoqué systématiquement en présence d’une dyspnée aiguë chez un patient fumeur. Cliniquement, plusieurs signes suggèrent l’existence d’une BPCO lorsque l’inspection retrouve un thorax augmenté de volume, une descente inspiratoire de la trachée, une dépression inspiratoire des fosses sus-claviculaires et sus-sternale ou encore un signe de Hoover. À l’imagerie thoracique, la distension peut théoriquement entraîner une augmentation du volume de la cage thoracique osseuse, un abaissement du diaphragme ou une combinaison des deux (Figure S07-P01-C04-3). Enfin, aux gaz du sang, l’existence d’une IRC peut se traduire par une élévation des bicarbonates.

 

Figure S07-P01-C04-3  Radiographie de thorax d’une patiente atteinte de BPCO. Plusieurs signes indirects permettent de suspecter le diagnostic de BPCO associée, dans le cas présent, à un emphysème : augmentation du nombre d’espaces intercostaux (distension), hyperclarté (emphysème), aplatissement des coupoles (distension), horizontalisation des côtes (distension), cœur en goutte.

 

Critères de sévérité

Certaines caractéristiques de l’état de base sont corrélées à la mortalité hospitalière et doivent faire partie intégrante de l’évaluation initiale : âge élevé, sexe masculin, tabagisme actif, nombre de comorbidités, dénutrition, altération fonctionnelle (qualité de vie, dyspnée de repos, hospitalisations répétées, emphysème, hypercapnie chronique, oxygénothérapie de longue durée). La sévérité de l’état de base de la maladie respiratoire chronique doit également être prise en compte avec le stade GOLD selon la valeur du VEMS [6].

Lors de l’évaluation d’une décompensation d’IRC obstructive, le diagnostic de la sévérité doit être prioritairement fondé sur l’analyse des signes cliniques. La mise en jeu des muscles respiratoires accessoires, l’existence d’une polypnée, d’une cyanose et la présence d’une encéphalopathie témoignent logiquement de la gravité et de l’indication à une prise en charge en réanimation. L’évaluation de la gravité de l’épisode doit être aidée par la saturation en oxygène complétée au besoin par l’obtention d’une gazométrie artérielle. Les critères de gravité gazométriques sont : une hypoxémie inférieure à 50 mmHg, une acidose respiratoire sévère avec un pH inférieur ou égal à 7,35 et/ou une hypercapnie avec une PaCO2 supérieure ou égale à 45 mmHg. Dans les cas extrêmes, l’épisode peut être associé à des troubles de la vigilance, un état de choc ou un arrêt cardiaque hypoxique.

Causes et facteurs de risque

Les infections respiratoires (virales ou bactériennes) sont responsables de la majorité des décompensations [16]. L’imputabilité directe des infections virales, notamment par rhinovirus, est vraisemblablement associée à une susceptibilité accrue aux infections bactériennes. Par ailleurs, la mauvaise observance ou la rupture thérapeutique, l’exposition tabagique ou la prise de certains médicaments (psychotropes) peuvent être à l’origine d’une décompensation. L’embolie pulmonaire est aussi classiquement une étiologie à évoquer, même si les données de la littérature sont contradictoires concernant sa prévalence au cours des épisodes de décompensations de BPCO [30], [23]. Du fait d’une association fréquente à un emphysème, la recherche d’un pneumothorax est indispensable dans le contexte. Enfin, comme mentionné dans les paragraphes « Physiopathologie », du fait de l’interaction cœur-poumons, un nombre important de patients BPCO peuvent présenter une décompensation d’origine cardiaque. Dans une étude portant sur des patients de réanimation présentant une décompensation de BPCO, Abroug et al. retrouvaient une association certaine avec une insuffisance ventriculaire gauche chez 31 % des patients et vraisemblable chez 13 % [2]. À l’origine ou en association, un syndrome coronarien aigu peut être impliqué dans la survenue d’une décompensation de BPCO. D’autres facteurs déclenchants doivent être recherchés, notamment chez les patients âgés : tassement vertébral, fracture de côte. Pour finir, il doit être rappelé que chez 30 % des patients, aucune cause ne peut être identifiée.

Investigations paracliniques

La prise en charge d’une décompensation d’IRC obstructive nécessitant une hospitalisation doit comprendre un bilan étiologique minimal. L’existence d’une acidose respiratoire, indication à l’assistance ventilatoire, doit être recherchée par l’analyse des gaz du sang. Un électrocardiogramme recherche des signes de souffrance coronaire ou des troubles du rythme. La radiographie de thorax recherche particulièrement un pneumothorax qui justifierait alors une prise en charge urgente, surtout en cas de nécessité de mise en place de la ventilation non invasive. L’examen cytobactériologique des crachats n’est justifié qu’en cas de facteur de risque de germe résistant aux antibiotiques de première ligne (échec d’une première ligne d’antibiothérapie, antibiothérapie récente ou fréquente, BPCO sévère [stade III ou IV de GOLD]).

Mesures thérapeutiques

Orientation de l’hospitalisation

La stratégie d’orientation des patients est guidée par le degré de sévérité, et dans une moindre mesure par les éléments étiologiques. Dans ce chapitre ne sont traitées que les situations graves. Ces situations imposent l’intervention d’un réanimateur pour porter l’indication à l’assistance ventilatoire. L’orientation de ces patients est contrainte par l’offre locale. La décision doit être pragmatique et idéalement reposer sur la mise en place de procédures collégiales. À ce jour, aucun score ni critère objectif n’est disponible pour un « tri » rationnel des patients, et dans un certain nombre de cas, des admissions « préventives » en réanimation peuvent être justifiées.

Principes de la prise en charge

Depuis le début des années 1990, la prise en charge des décompensations d’IRC obstructives a été bouleversée par l’utilisation de la ventilation non invasive. Cette assistance ventilatoire au masque dite non invasive a profondément modifié le pronostic au moins à court terme de ces patients [14]. Dans ces situations, le recours à la ventilation non invasive est un standard de soins ; elle est recommandée par la conférence de consensus française qui lui a été consacrée [22] (Tableau S07-P01-C04-II). Notons que son efficacité sur le pronostic des patients présentant une décompensation de BPCO n’est pas impactée en cas d’échec et de recours final à l’intubation orotrachéale [10], [27]. En d’autres termes, un échec de la ventilation non invasive, suivie d’une intubation orotrachéale, n’est pas délétère dans ce cadre spécifique de patients insuffisants respiratoires chroniques présentant une IRA.

 

Tableau S07-P01-C04-II  Indications et contre-indications à la ventilation non invasive (VNI) au cours d’une décompensation de BPCO.

Indications

Signes de détresse respiratoire aiguë

Acidose respiratoire (pH < 7,35 ; PaCO2 > 45 mmHg)

Contre-indications

Environnement inadapté, expertise insuffisante de l’équipe

Patient non coopérant, agité, opposant à la technique

Indication à une intubation immédiate (sauf VNI en pré-oxygénation)

Coma (sauf coma hypercapnique lié à l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique)

Épuisement respiratoire

État de choc, troubles du rythme ventriculaire graves

Sepsis sévère

Immédiatement après un arrêt cardiorespiratoire

Pneumothorax non drainé

Obstruction des voies aériennes supérieures (sauf apnées du sommeil obstructives)

Vomissements incoercibles

Hémorragie digestive haute

Traumatisme craniofacial

Tétraplégie traumatique aiguë à la phase initiale

IRA : insuffisance rénale aiguë.

 

Ventilation non invasive

Les objectifs de la mise sous assistance ventilatoire au cours des décompensations de BPCO sont de soulager la dyspnée, de corriger une hypoxémie, une acidose ou une hypercapnie menaçant le pronostic vital et de diminuer du travail respiratoire et la consommation d’oxygène, tout en évitant d’aggraver la distension thoracique. La ventilation non invasive est un mode d’assistance ventilatoire utilisant une interface s’adaptant au visage du patient (Figure S07-P01-C04-4) pour le connecter au ventilateur. Son usage s’est largement diffusé lors de ces vingt dernières années pour la prise en charge des patients BPCO en insuffisance respiratoire aiguë [7], [12], [28]. L’utilisation de la ventilation non invasive dans cette indication est associée dans les méta-analyses les plus récentes à une réduction de la mortalité, du recours à l’intubation orotrachéale, à la durée de séjour en réanimation et aux complications associées [14]. Il n’y a pas d’efficacité démontrée d’une interface sur une autre. Il faut donc proposer et essayer celle qui offre le meilleur compromis entre efficacité et tolérance, puisque la bonne tolérance des patients est un des critères déterminant son succès. Le recours à la ventilation non invasive et son succès dépendent de l’expérience des équipes médicales et paramédicales qui la pratiquent [12]. Lorsqu’elle est débutée, une stratégie de surveillance et de contrôle doit être prévue afin de ne pas méconnaître un échec (Tableau S07-P01-C04-III) et de ne pas retarder le recours à la ventilation mécanique invasive. Pour cette raison, la structure de soins (service d’accueil des urgences, déchoquage, unité de soins intensifs, réanimation, pneumologie) où est réalisée la ventilation non invasive doit faire l’objet d’une discussion pré-établie entre les différents partenaires locaux impliqués dans la prise en charge de ces patients (médecins urgentistes, réanimateurs, pneumologues). Concernant la durée et le sevrage de la ventilation non invasive, il n’existe pas de processus standardisé. Le sevrage s’effectuera de manière progressive en espaçant les séances. L’arrêt complet sera envisagé après stabilisation clinique et gazométrique.

 

Tableau S07-P01-C04-III  Facteurs prédictifs d’échec de la ventilation non invasive (VNI).

Avant la mise en route de la VNI

Âge > 75 ans

Comorbidités sévères

Limitation importante de l’activité quotidienne

Score IGS II élevé

Défaillance extrarespiratoire

Après la mise en route de la VNI (après 2 à 6 heures de VNI)

Intolérance à la VNI (fuites importantes autour du masque, agitation, claustrophobie)

Absence d’amélioration clinique

Absence d’amélioration gazométrique (pH, PaCO2)

Complications liées à la VNI (distension gastrique, lésions cutanées)

IGS : indice de gravité simplifié.

 

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Figure S07-P01-C04-4  Exemples de différentes interfaces utilisées pour la ventilation non invasive.

La ventilation mécanique invasive doit être instaurée en cas de menace vitale immédiate, de contre-indication à la ventilation non invasive ou d’échec de celle-ci [22]. Les troubles de la conscience en contexte d’hypercapnie ne sont pas une contre-indication [22], mais justifient la mise en place d’une surveillance rapprochée évitant de retarder indûment un recours à la ventilation sur intubation qui deviendrait nécessaire. Il faut souligner que l’efficacité de la ventilation non invasive sur le pronostic des patients présentant une IRA sur IRC obstructive n’est pas impactée en cas d’échec et de recours à l’intubation orotrachéale [10], [27].

Décision de mise en place de la ventilation mécanique sur sonde endotrachéale

La ventilation non invasive a transformé le pronostic des décompensations d’IRC obstructives, si bien qu’il est de moins en moins fréquent d’avoir recours à la ventilation mécanique sur sonde endotrachéale [7], [12]. Néanmoins, en cas d’échec, cette alternative doit être envisagée. La décision n’est pas simple, car l’IRC obstructive est un facteur de risque bien identifié de difficulté de sevrage de la ventilation mécanique. Compte tenu de la probabilité élevée d’exposer le patient à un sevrage prolongé, voire impossible, la décision d’instaurer une ventilation mécanique invasive doit être discutée. Parmi les éléments de discussion, figure certainement la formalisation par le patient d’éventuelles directives anticipées. S’il n’est pas en mesure de les communiquer, le recueil du témoignage de son entourage doit être recherché. Malheureusement, les patients sont rarement informés de l’évolution attendue de la maladie et du risque d’hospitalisation en réanimation [24]. Les éléments alimentant les processus décisionnels thérapeutiques ne sont pas les mêmes entre les pneumologues et les réanimateurs [24]. Cette différence plaide pour une meilleure collaboration entre les équipes et pour une anticipation des risques de décompensation grave [24]. La sévérité de la pathologie respiratoire estimée par les données des épreuves fonctionnelles respiratoires et la notion d’un appareillage chronique par ventilation non invasive ou par oxygénothérapie de longue durée plaideraient plutôt contre l’instauration d’une ventilation mécanique invasive. L’autonomie du patient et son évaluation de sa qualité de vie sont certainement des données à prendre en compte dans la décision d’intubation.

Il doit être souligné que la décision de ne pas placer le patient sous ventilation mécanique invasive ne conduit pas nécessairement à son décès et ne doit pas décourager l’équipe soignante. À cet égard, l’étude oVNI, en s’intéressant au pronostic de 134 patients (80 % porteurs d’une IRC et avec une décompensation d’IRC obstructive comme cause d’IRA dans 60 % des cas) avec décision de limitation thérapeutique portant sur la ventilation mécanique invasive, a montré que quatre patients sur dix étaient vivants à 3 mois [24]. Cette étude souligne l’efficacité de la ventilation non invasive dans les décompensations d’IRC obstructive, y compris dans les situations où l’intubation orotrachéale est jugée déraisonnable par l’équipe médicale.

Autres mesures du traitement médical

Oxygénothérapie

Le but de l’oxygénothérapie est de corriger une hypoxémie menaçante et de réduire l’intensité de la dyspnée. Lorsqu’il existe une insuffisance respiratoire aiguë, il est recommandé d’administrer une oxygénothérapie avec un objectif de saturation de 88-90 %. Même si la correction de l’hypoxémie prime sur une éventuelle aggravation de l’état de vigilance, l’oxygénothérapie doit être titrée et administrée avec précaution, car il existe un risque d’aggravation respiratoire et neurologique liée à une majoration de l’hypercapnie (combinaison de l’effet Haldane et de l’augmentation du rapport volume de l’espace mort/volume courant (VT) secondaire à la diminution du VT lors des décompensations). Il faut donc une surveillance clinique étroite de l’apparition des signes d’hypercapnie associée à une surveillance gazométrique de la PaCO2. L’adaptation et le sevrage de l’oxygénothérapie se feront en fonction de l’évolution clinique et gazométrique. La poursuite de l’oxygénothérapie initiée à la phase aiguë d’une décompensation doit être réévaluée à la sortie et peut être maintenue si besoin au maximum 3 mois avant une réévaluation et la mise en place éventuelle d’une oxygénothérapie de longue durée en cas de persistance de l’hypoxémie.

Bronchodilatateurs inhalés de courte durée d’action

Les deux classes pharmacologiques principalement utilisées sont les ß2-mimétiques et les anticholinergiques. Une méta-analyse de neuf études comparant l’efficacité des anticholinergiques aux ß2-mimétiques dans cette indication a montré que l’effet bronchodilatateur du bromure d’ipratropium n’était pas plus efficace que les ß2-mimétiques de courte durée d’action [15]. En pratique, les deux molécules sont utilisées en alternance. L’intérêt des bronchodilatateurs repose sur la diminution de la distension pulmonaire et, in fine, sur la diminution du travail respiratoire et la dyspnée. L’intensité de la décompensation, associant dyspnée et diminution du débit inspiratoire, fait préférer l’emploi de la voie nébulisée.

Corticothérapie systémique

Les données épidémiologiques révèlent que les corticoïdes systémiques sont largement utilisés dans la prise en charge des décompensations de BPCO. Néanmoins, leur utilisation est mal codifiée, et le bien-fondé même de leur utilisation systématique reste débattu. Les arguments théoriques en faveur de leur utilisation font retenir le fait que l’inflammation au cours des épisodes de décompensation de BPCO diffère de celle présente à l’état stable et qu’il est parfois difficile de différencier, chez un patient donné, BPCO et asthme. En revanche, il peut être opposé les effets délétères de cures répétées notamment infectieux et métaboliques (diabète, ostéoporose).

On dispose de nombreuses études ayant étudié l’impact d’une corticothérapie systémique. L’interprétation des résultats est rendue difficile par les différentes modalités d’administration (intraveineuse, orale), de molécules (prednisone, méthylprednisolone), de posologies (0,3 à 1,0 mg/kg/j), de durées (5 à 14 jours), de critères de jugement considérés (échec du traitement, durée d’hospitalisation, variation du VEMS) et de populations ciblées (patients ambulatoires, hospitalisation traditionnelle, réanimation).

Chez les patients de réanimation placés sous ventilation mécanique, deux études randomisées contre placebo ont été publiées avec des résultats contradictoires [1], [3]. L’étude espagnole utilisait un schéma reposant sur l’administration de méthylprednisolone pendant 10 jours à doses progressivement décroissantes. Les résultats retrouvaient une diminution significative de la durée de ventilation (3 versus 4 jours, p = 0,04) [3]. L’étude tunisienne utilisait un schéma reposant sur l’administration de prednisone à la dose quotidienne de 1 mg/kg pendant 10 jours. Dans cette étude, aucune différence n’était retrouvée dans les deux groupes en termes de mortalité, critère de jugement principal [1]. L’une des différences importante entre les deux études est le recours à la ventilation non invasive, davantage utilisée dans l’étude d’Abroug et al. (76 versus 44 %) et, de façon surprenante, aucun échec de la ventilation non invasive dans l’étude d’Alia et al. [3]. Les deux études n’ont pu atteindre l’effectif initialement prévu en raison de difficulté d’inclusion liée aux critères qui excluaient les patients préalablement traités par corticothérapie systémique.

En conclusion, pour les patients de réanimation, il n’existe pas d’argument pour une attitude systématique. L’utilisation d’une cortico-thérapie systémique ne peut être envisagée qu’au cas par cas, tenant compte de la balance bénéfices risques [26].

Antibiothérapie

Une grande part des facteurs déclenchants des décompensations d’IRC obstructives est représentée par les infections respiratoires, ce qui justifie pour certains auteurs la prescription d’une antibiothérapie. À cet égard, notons que les recommandations nationales et internationales préconisent une antibiothérapie en cas de décompensation grave. Toutefois, cela ne signifie pas que l’administration systématique d’antibiotiques ait des bénéfices documentés. Elle n’est pas justifiée quand il existe un facteur déclenchant non infectieux, en l’absence de signes de sepsis et quelle que soit la gravité du tableau clinique (patient ventilé ou non). Le choix de la molécule doit être fondé sur l’existence de colonisation, d’épisodes infectieux récents avec utilisation récente (< 3 mois) d’antibiotiques. L’absence de ces facteurs de risque doit faire préférer en première intention l’utilisation d’une ß-lactamine type amoxicilline-acide clavulanique ou une céphalosporine de 3e génération injectable (céfotaxime ou ceftriaxone). Les nouvelles fluoroquinolones (lévofloxacine, moxifloxacine), actives sur le pneumocoque, peuvent être une alternative, mais doivent être utilisées avec précaution compte tenu du risque d’émergence de germes multirésistants. En cas de pneumopathie infectieuse, il doit être rappelé que l’antibiotique doit suivre les stratégies anti-infectieuses de ce cadre nosologique bien individualisé.

L’intérêt de la protéine C réactive (CRP) ou de la procalcitonine pour déterminer l’origine bactérienne ou virale de la décompensation n’est pas démontré. La procalcitonine semble être un meilleur marqueur de sepsis que la CRP et pourrait avoir un intérêt pour guider la mise en route et/ou la durée de l’antibiothérapie [29]. À ce titre, il a été rapporté une réduction significative de la consommation d’antibiotiques lorsque la stratégie antibiotique est fondée sur le dosage de la procalcitonine [27].

Autres traitements

Quel que soit le critère de jugement clinique considéré, aucun traitement adjuvant n’a fait la preuve d’une efficacité significative. En cas d’encombrement, la kinésithérapie doit être proposée, bien qu’il n’existe aucune preuve formelle de son efficacité. La prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse doit être envisagée comme pour tout patient en contexte aigu médical. La poursuite des traitements habituels doit également être envisagée à l’exception évidente des situations les plus sévères.

Les comorbidités cardiovasculaires sont très souvent présentes chez les patients BPCO. Il peut alors être opportun d’instaurer un traitement cardiotrope (bêtabloquant, cordarone, diurétiques) au décours d’un épisode de décompensation de BPCO lorsqu’une insuffisance ventriculaire gauche ou un trouble du rythme supraventriculaire est documenté. Ce type de décision devra être confirmé et donner lieu à un suivi spécifique en milieu spécialisé.

Perspectives de recherche

Sans être exhaustif, il peut être mentionné l’intérêt des épurateurs extracorporels de CO2 (ECCO2-R pour extracorporeal CO2 removal) et l’utilisation de l’oxygénothérapie à haut débit comme pistes actuelles de recherche dans la prise en charge des décompensations de BPCO.

L’ECCO2-R est une technique d’épuration du CO2 à faible débit par circulation extracorporelle. L’objectif est de corriger l’hypercapnie et l’acidose respiratoire observées au cours des décompensations de BPCO. L’ECCO2-R s’apparente à la technique d’oxygénation par membrane (ECMO [extracorporeal membrane oxygenation]), mais a recours à des débits sanguins plus faibles. À la différence de l’ECMO qui utilise des canules pour aborder les axes vasculaires, l’ECCO2-R nécessite des cathéters à double lumière, plus fins, permettant un abord vasculaire unique. À cet égard, l’ECCO2-R se rapproche de la technique d’épuration d’hémofiltration continue. Les premières données cliniques démontrent essentiellement la faisabilité de la technique [9] sans démontrer l’intérêt clinique. Une des limites notables est le risque hémorragique lié à la nécessité de maintenir une anticoagulation curative. L’intérêt de l’ECCO2-R au cours des décompensations de BPCO serait d’éviter l’intubation orotrachéale en cas d’échec de ventilation non invasive et au cours des sevrages difficiles de la ventilation mécanique afin de permettre l’extubation.

L’oxygénothérapie humidifiée réchauffée à haut débit (OHD) est une alternative à l’oxygénothérapie conventionnelle ayant fait l’objet d’un développement croissant ces dernières années. Initialement développée en néonatologie, son application chez l’adulte ne date que du début des années 2000. Jusqu’à maintenant, l’OHD chez l’adulte a principalement été appliquée au cours de l’IRA hypoxémique, lors de sa prise en charge initiale ou au décours de l’extubation. Il existe des arguments physiologiques (effet PEP modéré, lavage-rinçage de l’espace mort, réduction des résistances des voies aériennes supérieures) et cliniques (absence d’élévation de la PaCO2 dans l’IRA hypoxémique ou en période post-extubation) pour proposer l’OHD dans la prise en charge de l’IRA hypercapnique du patient BPCO tant à sa phase initiale qu’au décours du sevrage/extubation. La conduite d’études comparatives est maintenant nécessaire pour tester l’intérêt de l’OHD dans l’IRA hypercapnique du BPCO.

Conclusion

Les épisodes de décompensation d’IRC obstructive sont des situations fréquentes pour le réanimateur médical. La présence de critères de sévérité clinique et gazométrique oriente la prise en charge vers les structures les plus adaptées. La recherche d’un facteur déclenchant est dans tous les cas indispensable. Les situations les plus sévères nécessitent une assistance ventilatoire où la ventilation non invasive est proposée en première intention. Elle nécessite de respecter les contre-indications et de réévaluer précocement le succès ou l’échec de cette technique afin de ne pas retarder le recours à la ventilation mécanique invasive. Au décours, le patient devra bénéficier d’une prise en charge spécialisée pneumologique afin de réévaluer le traitement de fond, s’assurer du sevrage tabagique et envisager la mise en route d’un programme de réhabilitation respiratoire.

Décompensation aiguë des insuffisances respiratoires chroniques restrictives

La présentation d’une décompensation aiguë d’IRC restrictive est aussi pléiomorphe que le tableau des causes d’IRC restrictives (Tableau S07-P01-C04-IV). Quel que soit son mécanisme, la nature restrictive de l’insuffisance respiratoire est en général de diagnostic facile sur l’examen du patient (grande déformation thoracique) ou de sa radiographie de thorax (séquelles pariétopleurales, syndrome interstitiel). Les données épidémiologiques, physiopathologiques sont extrêmement distinctes et spécifiques selon l’étiologie de l’IRC restrictive. De même, la prise en charge, y compris l’admission en réanimation, doit être envisagée en tenant compte du pronostic de la pathologie à l’origine de l’IRC restrictive. Les contingents les plus caractérisés de l’IRC restrictive étant représentés par les affections neuromusculaires et l’obésité, la suite de la discussion portera essentiellement sur ces deux entités. Les caractéristiques des décompensations des affections pulmonaires interstitielles diffuses, également pourvoyeuses d’IRC restrictives, sont moins connues. Compte tenu de leur pronostic péjoratif, ces patients sont rarement admis en réanimation.

 

Tableau S07-P01-C04-IV  Principales causes de l’insuffisance respiratoire chronique restrictive.

Affections parenchymateuses pulmonaires

Fibrose pulmonaire

Pneumopathies interstitielles chroniques

Pneumoconioses

Affections pleurales

Séquelles d’hémothorax, de pleurésie purulente

Séquelles de pneumothorax thérapeutique de la tuberculose

Affections pariétales

Obésité majeure

Déformations thoraciques (scoliose, séquelles de thoracoplastie)

Spondylarthrite ankylosante

Affections neuromusculaires

Sclérose latérale amyotrophique

Neuropathies périphériques

Myasthénie

Dystrophie musculaire congénitale

Myopathies

Myotonie

 

Insuffisance respiratoire chronique secondaire à l’obésité

Les conséquences de l’obésité sur le fonctionnement de l’appareil respiratoire constituent une entité spécifique appelée syndrome obésité-hypoventilation (SOH) [18]. La définition associe une hypercapnie (> 45 mmHg) diurne chez des patients avec un indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m2 après avoir écarté toute autre cause d’hypoventilation diurne. Les mécanismes impliqués dans le SOH procèdent d’une diminution des volumes pulmonaires, d’une augmentation des résistances et d’une diminution de la compliance thoracique [18]. Les épisodes de décompensation d’IRC restrictive secondaire à un SOH se caractérisent par une présentation relativement similaire aux décompensations d’IRC obstructives. Une seule étude de grande ampleur a comparé le pronostic de patients avec une IRC obstructive et/ou restrictive avec SOH présentant une IRA hypercapnique [5]. Cette étude a montré que l’efficacité de la ventilation non invasive était équivalente dans les deux cas de figure en termes de taux d’échec de celle-ci, de taux d’intubation endotrachéale et avec même moins d’échec tardif de la ventilation non invasive et une plus faible mortalité hospitalière chez les patients avec une IRC restrictive avec SOH [5]. Les épisodes de décompensation aiguë sont souvent inauguraux de la maladie et doivent inciter à une prise en charge spécialisée où l’indication à une ventilation nocturne sera discutée.

Insuffisance respiratoire chronique secondaire aux pathologies neuromusculaires

Les maladies neuromusculaires constituent un groupe hétérogène de pathologies qui se caractérisent par des modifications musculaires progressives entraînant une atrophie des muscles, notamment respiratoires. Les décompensations d’IRC restrictives liées aux affections neuromusculaires représentent une part modeste (environ 10 % [13]) mais non négligeable des admissions en réanimation pour IRA.

Le retentissement respiratoire des pathologies neuromusculaires entraîne une dégradation chronique des capacités respiratoires dont la caractéristique essentielle est d’être insidieuse et progressive. D’une part parce que la limitation des capacités locomotrices supprime les plaintes liées à l’effort physique et d’autre part parce que la production de CO2 de l’organisme est diminuée. La résultante est le maintien d’une capnie normale malgré une ventilation diminuée. Par conséquent, l’absence d’hypercapnie ne doit pas rassurer quant au degré d’atteinte respiratoire et la présence d’une hypercapnie témoigne forcément d’une dégradation significative de la ventilation alvéolaire. Ce principe explique les dégradations respiratoires très brutales de ces patients dont la ventilation alvéolaire ne peut pas augmenter comme elle le devrait dans les situations susceptibles d’augmenter brutalement la production de CO2 au premier rang desquelles les infections respiratoires souvent causées par des troubles de déglutition.

Ces épisodes de décompensation voient se poser la question de l’assistance ventilatoire. Son efficacité est clairement établie dans la prise en charge chronique par l’intermédiaire de la ventilation non invasive [20]. Au cours des épisodes aigus, la poursuite ou l’instauration de la ventilation non invasive est souvent pratiquée. En revanche, le recours à la ventilation invasive sur sonde endotrachéale est loin d’être la règle. Derrière cette décision, se pose la question de la trachéotomie éventuelle, avec le risque de rendre le patient dépendant d’un ventilateur et de reculer le problème. La trachéotomie peut aussi avoir un effet pervers : une prolongation de vie non désirée. L’alternative à la trachéotomie fait discuter la limitation de soins. Le choix d’une ventilation sur trachéotomie au long cours chez les patients atteints de maladies neuromusculaires porte une forte dimension éthique, mais aussi logistique. Les contraintes de cette technique sont considérables et viennent augmenter la dépendance d’un patient déjà très handicapé. Dans la mesure du possible, le recueil de directives anticipées réalisé en amont facilite grandement la prise en charge de ces patients éprouvés par leur handicap chronique. Toutefois, dans le cas des patients souhaitant être trachéotomisés, il faut souligner que l’organisation du système de soins français rend possible cette alternative. Le recours aux filières spécialisées et aux réseaux de ventilation à domicile facilite grandement le retour des patients près de leurs proches, à la condition évidente que cette décision soit acceptée par les intéressés.

Conclusion

Les décompensations d’IRC restrictives connaissent autant de présentations et de spécificités que d’étiologies. Le rassemblement arbitraire dans un seul et même chapitre ne restitue pas fidèlement la réalité clinique de cette diversité. Un des points de distinction crucial est lié au pronostic. Si l’IRC restrictive du patient obèse est habituellement associée à un bon pronostic et ne doit pas, a priori, faire l’objet de discussions sur l’indication à une prise en charge en réanimation, ce n’est pas le cas des autres situations, notamment pour les affections neuromusculaires.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Dres M, Similowski T, Demoule A. Décompensation aiguë des insuffisances respiratoires chroniques. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S07-P01-C04 : 1-8.