S21 Endocrinologie

S21 Endocrinologie

S21

Endocrinologie

 

Jean-Louis Wémeau

Partie 1 - Hypothalamus et hypophyse

Les pathologies de la post-hypophyse concernent des anomalies cliniques fréquentes de l’équilibre hydrique soit les déficits en eau comme les diabètes insipides ou les excès en eau comme les sécrétions inappropriées de l’hormone antidiurétique, la vasopressine. La soif, la libération de vasopressine et ses effets antidiurétiques au niveau rénal sont les éléments clefs de la régulation hydrique. Il existe une intégration hypothalamique de la régulation des liquides de l’organisme : bien au-dessus des processus excrétoires multifactoriels, des senseurs hypothalamiques, réagissant à la concentration sodée et d’autres senseurs hypothalamiques au niveau des organes circumventriculaires réagissant à la pression osmotique et à l’angiotensine II, sont responsables de l’appétit pour le sodium et de la soif [16]. La perception neuronale de l’hyper-osmolalité est réalisée au niveau hypothalamique par des cellules spécifiques exprimant un variant tronqué N-terminal du canal récepteur transitoire vanilloïde de type 1 [16]. La perception neuronale de l’hypo-osmolalité est réalisée, en périphérie, au niveau portal par des neurones exprimant un canal semblable de type 4 (TRPV4) [22].

L’acromégalie est liée à une hypersécrétion d’hormone de croissance (growth hormone [GH]) par un adénome hypophysaire somatotrope, responsable d’un syndrome dysmorphique acquis, d’évolution progressive, prédominant à la face et aux extrémités, d’où son nom, tiré du grec akros, « extrémités » et megas, « grand »). Les conséquences générales (rhumatologiques, cardiovasculaires, respiratoires, métaboliques…) font toute la gravité de la maladie.

Épidémiologie

L’acromégalie est rare (prévalence d’environ 100 cas par million d’habitants ; incidence de 3 à 4 cas par million par an) [6]. Du fait de son caractère insidieux, le diagnostic est souvent fait avec retard (3 à 5 années, voire plus), en moyenne à 40 ans.

Les adénomes à prolactine ou prolactinomes sont les plus fréquents des adénomes de l’hypophyse, pathologie concernant plus d’une personne sur 1 000 dans la population adulte [8]. Ce sont des tumeurs, en règle générale bénignes, issues de la prolifération d’une cellule lactotrope, selon des mécanismes non élucidés [6]. Les conséquences cliniques sont extrêmement variables selon la taille de la tumeur, allant du macroprolactinome « géant » avec compression des structures « éloquentes » cérébrales de voisinage au minuscule microprolactinome et ses seules conséquences hormonales mettant en jeu développement sexuel et fertilité. Les adénomes à prolactine ne sont qu’une étiologie des hyperprolactinémies, situation qui doit conduire à un diagnostic précis selon une démarche rigoureuse.

Adénomes hypophysaires thyréotropes

Les adénomes thyréotropes sont rares et représentent moins de 1 % des adénomes hypophysaires [3], [4], [6], [7] dans les séries autopsiques ou chirurgicales. Le diagnostic doit être évoqué devant une thyrotoxicose TSH (thyroid-stimulating hormone)-dépendante ou lors d’un bilan hypophysaire. Le diagnostic différentiel avec le syndrome de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes est parfois difficile. Sur le plan thérapeutique, si le traitement d’un micro-adénome à TSH reste chirurgical, la présence de récepteurs à la somatostatine [5] sur les cellules adénomateuses, l’efficacité et la tolérance des analogues de la somatostatine [7], [8], [11], [14], [27] font que les formes retard des analogues de première génération (octréotide, lanréotide) sont une alternative médicale au traitement primaire des macro-adénomes ou des adénomes thyréotropes invasifs [31].

L’hypophysite est une pathologie rare, correspondant à une inflammation chronique de la glande dont la pathogenèse est complexe. Les signes cliniques et radiologiques, non spécifiques, rendent son diagnostic difficile. De nouvelles formes ont été décrites ces dernières années.

Présentation clinique et anomalies hormonales

Les symptômes cliniques de l’hypophysite ne sont pas spécifiques, comprenant des signes neurologiques liés à la compression des structures adjacentes à l’hypophyse : céphalée (compression des méninges et de la dure-mère), diplopie (compression des nerfs oculomoteurs en cas d’expansion latérale dans les sinus caverneux), amputation du champ visuel (compression du chiasma optique) et baisse de l’acuité visuelle. Les céphalées et les troubles du champ visuel sont souvent les premiers symptômes. Des déficits hypophysaires sont également fréquemment associés : isolés, ou touchant plusieurs lignées (liés à l’atteinte de l’antéhypophyse par le processus inflammatoire), parfois un diabète insipide (atteinte de la neurohypophyse), ou bien encore une hyperprolactinémie. L’axe le plus atteint est l’axe corticotrope, puis l’axe thyréotrope, puis l’axe gonadotrope et enfin l’axe somatotrope [11]. Cette présentation n’est pas classique dans les autres atteintes hypophysaires où l’axe somatotrope et gonadotrope sont principalement atteints. Toutefois, une étude allemande récente, sur 76 patients présentant une hypophysite primaire, montre que l’hypogonadisme était la dysfonction hypophysaire la plus fréquente dans cette cohorte et que la prise de poids était identifiée comme un signe d’hypophysite (suggérant une implication hypothalamique) [30].

Il est exceptionnel que l’hypophysite soit découverte de façon fortuite sur une IRM.

L’insuffisance hypophysaire antérieure est définie par la déficience partielle ou complète, congénitale ou acquise, d’un ou de plusieurs des axes hormonaux hypophysaires (axes somatotrope, thyréotrope, corticotrope, gonadotrope et lactotrope). Lorsque toutes les sécrétions sont abolies, on parle de panhypopituitarisme antérieur. Celui-ci peut ou non s’accompagner d’un déficit de la sécrétion post-hypophysaire en hormone antidiurétique (ADH), responsable d’un diabète insipide central, qui est abordé au chapitre S21-P01-C01.

C’est une affection très hétérogène causée par diverses pathologies sous-jacentes pouvant affecter la glande hypophyse elle-même, l’hypothalamus ou la tige pituitaire qui constitue le lien anatomique et fonctionnel indispensable au bon fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Les manifestations cliniques peuvent être modérées à sévères, en fonction du nombre d’axes hormonaux déficients, de la rapidité d’installation, de l’âge du patient et de la pathologie hypophysaire initiale.

Nous reverrons ici les principales causes d’hypopituitarisme de l’adulte. L’insuffisance hypophysaire de l’enfant est traitée au chapitre S21-P01-C07.

La croissance en longueur ou staturale constitue tant un enjeu psychosocial qu’un indicateur sanitaire. Dans l’espèce humaine, elle se déroule pendant une proportion particulièrement importante de la durée de la vie

Croissance normale

Étude descriptive

La taille doit être mesurée en position couchée avant l’âge de 2 ans. Puis, elle doit être mesurée debout, avec une toise dont l’équerre doit être rigoureusement horizontale. Si besoin, les mesures segmentaires peuvent être effectuées, avec notamment celle du segment supérieur sur un tabouret muni d’une toise ou de l’envergure, selon la distance séparant les deux extrémités des membres supérieurs tendus en croix ; les mesures segmentaires peuvent s’avérer utiles pour la détection de maladies ostéo-cartilagineuses. Physiologiquement, les rapports segmentaires dépendent de l’âge : par exemple, le rapport segment supérieur sur segment inférieur diminue de 1,7 à légèrement en dessous de 1 du stade néonatal à l’âge adulte. Les courbes de croissance dépendent de l’ethnie et du sexe et celles concernant la population française, ainsi que les tables pour chaque mois de vie correspondantes, étaient basées sur des mesures longitudinales établies par Michel Sempé des années 1953 à 1975. Vu leur ancienneté et l’évolution séculaire de la croissance, ces mensurations ont été remplacées par de nouvelles constituées en données massives, destinées à être incluses dans les carnets de santé à venir et différant nettement des anciennes données, ce qui peut considérablement influencer la suspicion du caractère pathologique d’une courbe de croissance (par exemple, la taille moyenne actuellement enregistrée chez une fille de 13 ans est supérieure de 5 cm par rapport aux anciennes, ce qui probablement reflète une différence de tempo pubertaire) [8]. La répartition mensuelle des tailles est de type gaussien, si bien qu’il existe une superposition du 3e percentile avec – 2 DS et du 97e avec 2 DS, bornes généralement admises pour définir une situation pathologique. L’appréciation de la vitesse de croissance, faisant également l’objet de tables et de courbes, permet souvent d’anticiper une telle situation.

Partie 2 - Thyroïde

L’hyperthyroïdie est une pathologie fréquente, essentiellement féminine, dont la prévalence est estimée entre 0,5 et 2 %, chez l’adulte [6], [8]. Ses causes sont nombreuses, dominées par la maladie de Basedow chez le sujet jeune et les goitres autonomisés chez le sujet âgé. Le développement des thérapeutiques immunomodulatrices conduit, actuellement, à une augmentation de la prévalence des hyperthyroïdies iatrogènes. Quelle qu’en soit l’étiologie, l’hyperthyroïdie se manifeste par un syndrome de thyrotoxicose dont le diagnostic facile dans la forme typique peut être difficile dans les formes tronquées. L’étape du diagnostic étiologique est, ensuite, primordiale car elle conditionne la prise en charge thérapeutique qui repose, dans la majorité des cas, sur un traitement médical par antithyroïdiens de synthèse ou un traitement radical par chirurgie ou iode radioactif.

L’hypothyroïdie est l’endocrinopathie la plus fréquente en pathologie humaine. Sa symptomatologie est souvent fruste et peu spécifique, mais son diagnostic est aisé par le dosage de la TSH (thyroid-stimulating hormone). Ce diagnostic étant souvent définitif et impliquant un traitement substitutif à vie, il est indispensable de vérifier la permanence de l’hypothyroïdie, d’éliminer les autres causes d’élévation non thyroïdienne de la TSH et de s’interroger sur l’étiologie.

Constituant la plus fréquente des endocrinopathies, les goitres simples et multinodulaires sont observés chez environ 10 % de la population adulte, souvent dans un contexte familial et avec une large prédominance féminine.

Initialement diffuses et homogènes, les hypertrophies thyroïdiennes normofonctionnelles, non inflammatoires et non cancéreuses définissent l’entité dénommée goitre simple. À ce stade, elles sont latentes, ne sont responsables d’aucun désagrément, si ce n’est parfois un préjudice esthétique et sont accessibles à une thérapeutique médicale.

Au fil des années et des décennies, les goitres se remanient par l’apparition de nodules. La majorité de ces nodules sont bénins. Un certain nombre d’entre eux sont fonctionnels, captant les isotopes (de l’ordre de 10 %), et à risque d’évoluer vers l’hyperthyroïdie. D’autres enfin sont des cancers (environ 5 %). La plupart de ces cancers nodulaires sont de petites dimensions et peu agressifs. Mais au sein des goitres même asymptomatiques, les cancers nodulaires supracentimétriques et évolutifs doivent être identifiés et traités.

C’est donc au stade plurinodulaire que les goitres deviennent symptomatiques, et sont à risque de complications.

Ainsi l’évaluation, le pronostic, les attitudes concernant la prise en charge thérapeutique et la surveillance dépendent au plus haut point du stade auquel est vu le patient consultant pour un goitre [11], [12], [16].

Les nodules correspondent à des anomalies morphologiques focales du tissu thyroïdien, parfois perçues comme des formations arrondies. Ils résultent du développement adaptatif et du vieillissement de la thyroïde. La majorité des nodules, souvent de petite taille et inapparents, sont et resteront bénins. D’autres nodules, plus volumineux, visibles ou gênants, peuvent être responsables de compression, se remanier par des hémorragies ou de la nécrose. Un faible nombre de nodules sont fonctionnels, capables de capter l’iode et de déterminer un jour ou l’autre une hyperthyroïdie. Enfin, 5 à 10 % des nodules correspondent à des tumeurs malignes. Il est vraisemblable que la moitié de la population française adulte héberge un ou des nodules thyroïdiens. Le défi est d’identifier la faible proportion de patients porteurs de cancers cliniques à opérer et, à l’inverse, d’éviter aux autres une chirurgie inutile et loin d’être anodine, tout en proposant une surveillance efficace, non anxiogène et médico-économiquement raisonnable. Comment comprendre, évaluer, surveiller et traiter le nodule thyroïdien ? Que retenir de l’échographie thyroïdienne et de la cytoponction, qui sont actuellement les examens clefs de l’évaluation du nodule ?

La prise en charge des cancers de la thyroïde est codifiée par des recommandations internationales [3], [6], [10], [12]. Ces recommandations permettent une prise en charge individualisée, peu agressive dans les formes à faible risque et au contraire, cherchant de nouvelles voies thérapeutiques en cas de maladie avancée. Nous envisagerons les cancers différenciés de souche folliculaire les plus fréquents, puis les cancers médullaires et les cancers anaplasiques.

Cancers différenciés de souche folliculaire

Classification histologique

Les cancers différenciés de souche folliculaire sont papillaires, folliculaires ou peu différenciés. Ils représentent plus de 90 % de tous les cancers de la thyroïde.

Les cancers papillaires représentent plus de 80 % des cancers de la thyroïde et sont caractérisés par des anomalies nucléaires (noyaux volumineux et chevauchants, clairs avec inclusion cytoplasmique). Les métastases ganglionnaires sont fréquentes. Les métastases à distance siègent au niveau des poumons. La forme classique est la plus fréquente avec des papilles et des follicules. Il existe de nombreux variants, parmi lesquels le variant folliculaire qui est peu agressif lorsqu’il est encapsulé, et le variant à cellules hautes qui est plus agressif.

Le diagnostic des thyroïdites est l’un des plus difficiles de la pathologie endocrinienne et générale [4], [5], [6]. Les thyroïdites sont d’évolution aiguë ou chronique. Leur expression clinique est parfois bruyante ou, à l’inverse, totalement silencieuse. Elles sont responsables de goitres, ailleurs d’atrophie de la glande. Elles préservent l’euthyroïdie ou déterminent des dysfonctions hormonales. Elles répondent à des étiologies diverses, infectieuses, auto-immunes. Il n’apparaît pas nécessairement aisé d’établir une distinction entre leurs différentes variétés, ni de les distinguer d’autres affections thyroïdiennes ou générales (Tableau S21-P02-C06-I).

Partie 3 - Parathyroïdes

On désigne sous le nom d’hyperparathyroïdie (HPT) l’hyperfonctionnement d’une ou plusieurs des glandes parathyroïdes. Cette situation relève d’entités très différentes, au plan des mécanismes, de l’expression clinique et biologique, de la prise en charge thérapeutique :

– l’HPT est dite primaire quand elle résulte d’une pathologie primitive de l’une ou de plusieurs parathyroïdes : adénome solitaire (80 à 90 % des cas), hyperplasie d’une ou plusieurs glandes (10 à 20 %), exceptionnellement un carcinome (moins de 1 %) ;

– l’HPT est secondaire lorsque l’hyperfonctionnement des parathyroïdes est réactionnel à une cause de carence calcique : insuffisance rénale, déplétion en vitamine D, hypercalciurie en apparence idiopathique par défaut de réabsorption tubulaire rénale du calcium, état de résistance à l’hormone parathyroïdienne caractérisant la pseudo-hypoparathyroïdie ;

– enfin, l’HPT est tertiaire lorsque, succédant à la situation précédente, l’hyperplasie d’une ou plusieurs glandes fait place à un adénome autonomisé. Celui-ci est désormais responsable d’une production hormonale excessive, même si la cause initiale de carence calcique a été corrigée.

Ces situations, lorsqu’elles sont responsables d’hypercalcémie, sont à distinguer des hypercalcémies humorales malignes, résultant de la production paranéoplasique d’un facteur hypercalcémiant.

La parathormone (PTH) est une hormone peptidique dont le rôle essentiel est de maintenir la calcémie à une concentration située entre 2,2 et 2,65 mmol/l. Elle favorise également l’excrétion urinaire de phosphate. La PTH agit sur des tissus cibles en se liant à son récepteur (PTHR1) qui appartient à la famille des récepteurs couplés aux protéines G. Les défauts de sécrétion de la PTH (hypoparathyroïdie) sont dus à des anomalies du gène de la PTH, des anomalies des glandes parathyroïdiennes qui synthétisent la PTH, ou des anomalies du récepteur-sensible au calcium (CaSr) dont le rôle est d’adapter le taux de PTH au niveau de calcium ambiant. Les défauts d’action de la PTH – aussi appelés « syndrome de résistance à la PTH » ou pseudo-hypoparathyroïdie – sont des anomalies du récepteur ou de la voie de signalisation du récepteur. Les anomalies d’action ou de sécrétion de la PTH ont pour conséquence une hypocalcémie, une hyperphosphatémie et une augmentation de la réabsorption tubulaire de phosphate.

Partie 4 - Pancréas endocrine

Alors que l’hypoglycémie du sujet non diabétique est un événement rare, la consultation pour une symptomatologie évocatrice d’hypoglycémies chez un sujet non diabétique est fréquente. L’objectif du clinicien, au terme de cette première consultation, est d’obtenir des arguments anamnestiques et cliniques en faveur (ou non) d’une hypoglycémie organique. Si, au terme de ce premier entretien, la conviction du clinicien pour un malaise hypoglycémique est forte mais qu’un prélèvement veineux lors d’une hypoglycémie n’a pas pu être obtenu, une épreuve de jeûne de 72 heures pourra être proposée. Cette épreuve de jeûne aura deux objectifs : d’une part, affirmer la réalité de l’hypoglycémie et, d’autre part, orienter le diagnostic étiologique. L’absence d’hypoglycémie au terme des 72 heures de jeûne permet, dans l’immense majorité des cas, d’éliminer le diagnostic d’hypoglycémie organique. Nous détaillerons dans cet article les étapes de la prise en charge d’un sujet non diabétique consultant pour une suspicion d’hypoglycémie.

Épidémiologie

Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) digestives, anciennement dénommées tumeurs carcinoïdes, représentent un groupe hétérogène de tumeurs développées aux dépens des cellules du système endocrinien diffus. Ces tumeurs sont rares et représentent environ 1 % de toutes les tumeurs digestives, avec une incidence annuelle d’environ 1 000 nouveaux cas en France [33]. Néanmoins, les TNE constituent le second cancer digestif en prévalence après le cancer colorectal du fait de leur évolution généralement lente. Les TNE digestives bien différenciées les plus fréquentes proviennent de l’intestin grêle puis du rectum (Figure S21-P4-C2-1) [12], [33], [35]. Au stade métastatique, elles sont le plus souvent d’origine intestinale ou pancréatique. Plus rares (12 à 15 %), les carcinomes neuro-endocrines (CNE) peu différenciés sont des tumeurs de mauvais pronostic dont les localisations les plus fréquentes sont l’œsophage et l’estomac (15 %), le pancréas (25 %) et le côlon et le rectum (30 %) [30].

Partie 5 - Surrénales

Définitions

L’insuffisance surrénale correspond au syndrome clinicobiologique résultant du déficit de sécrétion des hormones glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes et androgènes produites par le cortex de la glande surrénale. On peut distinguer deux grands mécanismes physiopathologiques distincts à son origine :

– l’insuffisance surrénale primaire ou maladie d’Addison, de mécanisme périphérique par atteinte directe du cortex surrénalien ;

– l’insuffisance surrénale secondaire ou déficit corticotrope par atteinte centrale hypothalamo-hypophysaire qui est caractérisée par un déficit en corticotrophine (ACTH).

Les glucocorticoïdes synthétiques sont largement utilisés en thérapeutique pour leurs propriétés anti-inflammatoires et immunosuppressives. Toutefois, l’utilisation de ces molécules au long cours et à des doses supra physiologiques expose à de nombreux effets secondaires, notamment métaboliques, osseux et cutanés. Par ailleurs, le freinage de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est associé à un risque d’insuffisance corticotrope post-corticothérapie dont la fréquence et la sévérité sont l’objet de controverses. Surtout, la gestion du risque lié au sevrage en glucocorticoïde reste très débattue. Les données de la littérature sont insuffisantes pour comparer les effets des différentes prises en charge possibles, que ce soit sur le dépistage de l’insuffisance corticotrope ou sur le bénéfice sur le traitement substitutif. Nous proposons un encadrement de l’arrêt de la corticothérapie centrée sur l’information et l’éducation thérapeutique du patient, mais comportant également un dépistage de l’insuffisance corticotrope dans certains cas.

Les hyperplasies congénitales des surrénales sont des pathologies génétiques de transmission autosomique récessive qui se définissent par un déficit d’une des enzymes de la stéroïdogenèse, entraînant, selon l’enzyme atteinte, un défaut de synthèse d’une ou plusieurs hormones et parfois un excès de synthèse d’autres. Le déficit en 21-hydroxylase, en rapport avec des mutations du gène CYP21A2 est impliqué dans 90 % à 95 % des cas [18], [29].

Physiopathologie

Les stéroïdes surrénaliens sont issus d’une succession de réactions enzymatiques dont le produit de départ est le cholestérol. Le cortisol est synthétisé dans la zone fasciculée de la surrénale, l’aldostérone dans la zone glomérulée, et les androgènes (Δ4-androstènedione, déhydroépiandrostènedione [DHEA]) dans la zone réticulée (Figure S21-P5-C3-1).

Le syndrome de Cushing correspond aux manifestations d’un excès chronique de glucocorticoïdes endogènes. Il doit son nom à la description par le neurochirurgien Harvey Cushing en 1912 du tableau clinique lié à l’excès de cortisol chez des patients ayant un adénome basophile hypophysaire. Le syndrome de Cushing est considéré comme une maladie rare avec une incidence annuelle de l’ordre de 1 à 6 cas par million d’habitants et par an. Des données suggèrent cependant que la prévalence de formes atténuées, paucisymptomatiques serait plus importante dans certains groupes de patients tels que des patients diabétiques, hypertendus ou psychiatriques « atypiques » et les sujets présentant un adénome surrénalien de découverte fortuite dans le cadre d’un incidentalome de la loge surrénale.

Définition et enjeux

Le terme « incidentalome » surrénalien désigne une masse surrénalienne découverte fortuitement lors d’une imagerie abdominale. Ceci exclut les lésions découvertes dans le suivi d’un antécédent néoplasique ou recherchées intentionnellement (bilan d’hypertension artérielle [HTA], etc.). La prévalence des incidentalomes surrénaliens croît avec l’âge et est de l’ordre de 4 % après 50 ans, pouvant atteindre près de 10 % chez les sujets âgés, obèses, hypertendus et diabétiques, une prévalence qui rejoint celle des problèmes de santé publique [10]. Face à cette problématique, il est important de considérer qu’en dehors du contexte des syndromes de prédisposition aux tumeurs surrénaliennes, les nodules surrénaliens infracentimétriques ne méritent pas d’être explorés [37], [40].

Définition

Les paragangliomes sont des tumeurs dérivées du neuro-ectoderme se développant aux dépens des ganglions sympathiques ou parasympathiques. Les ganglions sympathiques se situent le long de la colonne vertébrale dans le thorax et le rétropéritoine. Ils sont composés de cellules chromaffines qui peuvent sécréter des catécholamines de type adrénaline, noradrénaline ou dopamine. Quand ils proviennent du tissu parasympathique, ils se développent le plus souvent dans la région cervicale le long des nerfs glossopharyngiens et vagues, ou à la base du crâne et sont généralement non sécrétants. Lorsque les paragangliomes sécrètent des catécholamines, on les appelle paragangliomes fonctionnels.

Les phéochromocytomes sont des paragangliomes qui se développent aux dépens des cellules chromaffines de la médullosurrénales. Ils représentent 80 à 85 % des paragangliomes.

Hyperaldostéronisme primaire

Définition

L’HAP est une affection due à la surproduction d’aldostérone par la zone glomérulée de la surrénale. Elle se caractérise par l’association d’une rétention de sodium et d’une excrétion urinaire de potassium accrue qui se traduit par une hypertension artérielle (HTA) pouvant être associée à une hypokaliémie. Cette surproduction d’aldostérone peut provenir d’une seule surrénale, nodulaire ou non, ou des deux surrénales.

Partie 6 - Gonades

Un hypogonadisme est par définition, une baisse de la testostérone chez l’homme ou de l’œstradiol chez la femme. Après un rappel de la physiologie de l’axe gonadotrope masculin et féminin, les différentes causes des hypogonadismes seront présentées, en distinguant les causes périphériques ou centrales ainsi que les causes congénitales et/ou acquises. Dans la troisième partie de ce chapitre, la démarche diagnostique ainsi que la thérapeutique des hommes et des femmes présentant un hypogonadisme seront développées.

La gynécomastie est liée à la prolifération excessive et bénigne du tissu glandulaire mammaire dans le sexe masculin. Une influence dominante des œstrogènes, relative ou absolue, est responsable d’une stimulation de la prolifération du tissu glandulaire mammaire dont les capacités de réponse sont identiques dans les sexes masculin ou féminin [41]. Il ne s’agit pas d’une maladie spécifiquement mammaire, mais du symptôme d’un déséquilibre hormonal dont la cause est à identifier. Cela s’avère indispensable car certaines des étiologies sont susceptibles de menacer le pronostic vital. Au terme d’une démarche diagnostique, guidée par l’identification du mécanisme physiopathologique sous-jacent, l’attitude pratique à adopter pourra être choisie.

Définitions

L’hyperandrogénie féminine est la conséquence d’une sécrétion excessive d’androgènes et/ou d’une hypersensibilité du follicule pilosébacé aux androgènes. Son principal symptôme est l’hirsutisme, auquel peut s’associer une acné, une hyperséborrhée, une alopécie ou un trouble du cycle. D’autres symptômes de virilisation, plus rares, peuvent exister.

L’hirsutisme, chez la femme, est défini par le développement d’une pilosité dure et pigmentée dans des territoires masculins. Le score de Ferriman et Gallwey modifié évalue cette pilosité dure et pigmentée, cotée de 0 à 4, sur neuf zones du corps [10].

L’hirsutisme est un motif fréquent de consultation. Sa prévalence dans la population générale des femmes adultes est d’environ 10 %. Elle est d’intensité variable selon les ethnies : plus faible (4 %) dans les populations asiatiques [13] et plus élevée dans les populations méditerranéennes ou australienne [10].

La puberté représente le processus qui mène à une capacité reproductive. Le terme d’adolescence inclut les modifications psychologiques qui accompagnent ce bouleversement somatique.

Description clinique et chronologique

Signes génitaux

La puberté a été décomposée dans les deux sexes par Tanner en 5 stades, selon le développement mammaire dans le sexe féminin, de la pilosité pubienne dans les deux sexes et du volume testiculaire dans le sexe masculin (Figure S21-P6-C6-1). Ce dernier est apprécié à l’aide d’un orchidomètre (Figure S21-P06-C06-2). La virilisation s’accompagne de signes annexes : odeur forte de la sueur, séborrhée, acné. Chez la fille, les organes génitaux internes sont explorés par l’échographie pelvienne. Leurs dimensions dépendent de l’âge (Figure S21-P06-C06-3). Le volume de l’utérus et des ovaires est égal à la moitié du produit : longueur × hauteur × profondeur pour les deux types d’organes. La longueur utérine marquant le début de la puberté est de 35 mm, tandis que le rapport col/corps devient supérieur à 1 ; l’endomètre ne s’épaissit qu’en fin de puberté. La longueur et le volume de l’ovaire à ce stade initial de la puberté sont respectivement de 3 cm et de 3 cm3. Alors qu’en période prépubertaire les ovaires avaient un aspect multifolliculaire, constitué de petits follicules homogènes, les follicules deviennent plus rares en début de puberté pour se multiplier en cours du processus. L’âge minimal de survenue du développement mammaire (thélarche) n’a cessé de diminuer au fil du temps, le seuil actuellement retenu étant de 8 ans pour les filles caucasiennes, tandis qu’il est de 6 ans pour les filles noires américaines ; l’âge moyen de survenue des premières menstruations (ménarche) s’étant stabilisé à partir des années 1960 à 12 ans 8 mois, la durée de la puberté s’est réduite. Chez le garçon, cette avancée séculaire du début de la puberté dont le premier signe est l’accroissement du volume testiculaire (au-delà 3 cm3), a également été constatée, l’âge minimal actuellement retenu étant de 9 ans et demi. [7]. Les âges maximaux du début de la puberté sont physiologiquement de 14 ans et 14 ans et demi, et médians de 11 ans et 12 ans, respectivement chez la fille et le garçon.

Les anomalies du déterminisme et de la différenciation sexuels regroupent un grand nombre de pathologies diverses et complexes, qui, lorsqu’elles s’accompagnent d’une anomalie de développement des organes génitaux externes, peuvent poser le choix difficile du sexe dans lequel le patient va être élevé. Cette décision repose sur une prise en charge et des investigations menées par une équipe pluridisciplinaire expérimentée, associant endocrinologues pédiatres, urologues pédiatres, néonatologistes, psychologues, biochimistes, biologistes moléculaires et cytogénéticiens.

L’infertilité du couple est, de par sa fréquence et l’impact sur la qualité de vie, un problème important de santé publique.

Sa prévalence exacte est difficile à établir du fait du manque de données précises à l’échelle planétaire [2, 27, 36]. Mais un certain nombre d’études estiment que le nombre de couples infertiles à travers le monde atteindrait des valeurs comprises entre 50 et 130 millions [2, 27, 36]. Au sein d’un couple, l’infertilité peut être d’origine exclusivement féminine ou masculine, mais aussi souvent la conséquence d’une hypofertilité chez les deux membres du couple qui, par synergie, va altérer leur capacité à procréer ensemble [36]. Chez la femme, l’âge avancé au-delà de 34 ans est en soi un facteur potentiel d’infertilité et peut assombrir le pronostic, quelle que soit la pathologie responsable de l’altération de la fertilité qui affecte l’un ou l’autre des membres du couple [16, 22, 40]. La grande majorité des infertilités féminines s’expliquent par des anomalies de l’ovulation, des lésions de l’utérus et/ou des trompes ou par des altérations quantitatives et/ou qualitatives du capital folliculaire.

Partie 7 - Atteintes endocriniennes multiples

Les néoplasies endocriniennes multiples représentent un groupe d’affections héréditaires, transmises selon un mode autosomique dominant, associant plusieurs atteintes endocriniennes survenant simultanément ou successivement chez un même patient. Selon les associations rencontrées, on distingue la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM-1), les néoplasies endocriniennes multiples de type 2A et 2B (NEM-2A et NEM-2B), et la néoplasie endocrinienne multiple de type 4 (NEM-4).

Dans sa forme de description initiale, la NEM-1, anciennement appelée syndrome de Wermer, associe une hyperparathyroïdie primaire, une tumeur endocrine duodénopancréatique et un adénome hypophysaire. En réalité ces trois atteintes peuvent être diversement associées d’un patient à l’autre, et de multiples autres atteintes, endocriniennes ou non endocriniennes, peuvent également être observées (Tableau S21-P07-C01-I).

Les polyendocrinopathies auto-immunes (PEAI) correspondent à l’atteinte de plusieurs des glandes endocrines, principalement sous forme de syndromes déficitaires. Elles se constituent progressivement, le plus souvent dans un cadre familial.

La description des états de défaillances glandulaires multiples avait déjà été rapportée en 1904 par Paul Ehrlich en Allemagne, par Claude et Gougerot en France en 1908. Elle n’a cessé depuis lors de s’enrichir. Tenant compte des importantes disparités concernant l’âge de début, le tropisme des atteintes, la sévérité évolutive et les facteurs pathogéniques, les auteurs ont été conduits à distinguer essentiellement deux cadres nosologiques [11], [14] :

– les PEAI de type 1, très rares, à début pédiatrique, monogéniques sont principalement responsables de défaillances parathyroïdiennes et corticosurrénaliennes et s’associent à une atteinte mycosique sévère et invalidante ;

– les PEAI de type 2, plus communes, polygéniques, prédominent largement dans le sexe féminin. Leurs manifestations apparaissent ordinairement à l’âge adulte, atteignent principalement la thyroïde, le pancréas endocrine, la surrénale et l’ovaire.

L’hémochromatose est une affection liée à une surcharge en fer, qu’elle soit héréditaire ou secondaire à des transfusions répétées. L’hémochromatose héréditaire est une maladie autosomique récessive liée à une mutation génétique conduisant à une absorption élevée de fer par le tube digestif.

L’hémochromatose peut être responsable essentiellement de deux complications endocriniennes et métaboliques : l’hypogonadisme hypogonadotrope et le diabète sucré. Leur prévalence est fonction de l’importance et de l’ancienneté de la surcharge en fer. Elles sont de moins en moins fréquentes car le diagnostic d’hémochromatose est souvent porté avant le stade des complications.

Partie 8 - Diabète

Le maintien de la glycémie à l’équilibre autour de 5,5 mM (à l’exception des repas où se produit une hyperglycémie transitoire dépendant de l’index glycémique des aliments consommés) est un enjeu majeur de survie pour les mammifères et notamment l’espèce humaine. Toute variation de glycémie, que ce soit à la baisse (hypoglycémie) ou à la hausse (hyperglycémie) peut avoir des conséquences délétères sur le court terme ou le long terme pouvant engager la vie de l’individu. Le glucose est en effet un nutriment essentiel dans le fonctionnement des cellules. Son oxydation conduit à la formation d’adénosine triphosphate (ATP), carburant de toutes les cellules. D’autres fournisseurs d’énergie sont les acides gras (2 fois plus énergétiques que le glucose à masse égale), mais toutes les cellules ne sont pas capables de les utiliser. Ainsi, les neurones n’utilisent que le glucose comme source d’énergie (et dans une certaine mesure les corps cétoniques après un jeûne prolongé chez l’Homme ou dans des conditions pathologiques avec un défaut d’utilisation du glucose, comme chez les sujets diabétiques). Les hématies, dépourvues de mitochondries, ne sont pas capables non plus d’oxyder les acides gras, mais peuvent métaboliser le glucose car les premières étapes de sa dégradation (glycolyse anaérobie) ne nécessitent pas d’oxygène et produisent 2 ATP (le glucose est d’ailleurs le seul nutriment qui peut être partiellement dégradé et fournir de l’ATP en absence d’oxygène). Le glucose est donc une molécule essentielle dont la concentration sanguine est finement régulée par de nombreuses hormones (insuline, glucagon, catécholamines, glucocorticoïdes) qui agissent principalement sur la production hépatique de glucose, l’utilisation du glucose par les muscles squelettiques ou le tissu adipeux. À côté de cette régulation endocrine, le système nerveux joue également un rôle clef dans le contrôle de la glycémie : en modulant directement la production et l’utilisation du glucose mais aussi indirectement en agissant sur la sécrétion d’insuline et de glucagon.

Le diabète est une entité pathologique ambiguë. C’est globalement un véritable problème de Santé publique par sa fréquence, ses complications, les handicaps associés, la diminution de l’espérance de vie et le coût de sa prise en charge. Cette charge pour les systèmes de soins et de couverture sociale ne se limite plus aux pays industrialisés puisque les pays en voie de développement assistent à l’expansion rapide du diabète, particulièrement dans les villes. À l’opposé, les scientifiques considèrent que le diabète n’est qu’un syndrome correspondant à une multitude de maladies impactant différemment le mode de prise en charge ou le pronostic. Il existe donc deux attitudes opposées mais simultanées, l’une tendant à globaliser l’approche du diabète et l’autre à insister sur les particularités des diverses formes nosologiques. Ce chapitre tient compte de ce dualisme en montrant que, si la définition biologique du diabète est globale, elle doit être associée à une analyse nosographique basée sur la classification des diabètes.

En 2015, le diabète est devenu un véritable problème de santé publique, avec un coût majeur pour les individus et pour la société, essentiellement du fait du développement « épidémique » du diabète de type 2 dont la croissance rapide est liée au vieillissement des populations et aux changements du mode de vie dans les domaines de l’activité physique et de l’alimentation, entraînant une explosion de l’obésité. L’International Diabetes Federation (IDF) indiquait une prévalence du diabète chez l’adulte (de 20 à 79 ans) dans le monde entier de 8,3 % en 2013, qui devrait atteindre 10,1 % en 2035, avec un nombre de diabétiques adultes devant passer de 382 à 592 millions, surtout du fait d’une augmentation explosive dans les pays en voie de développement [6].

Nous allons tout d’abord donner la définition du diabète avec ses critères diagnostiques puis voir la classification des diabètes avant de présenter les données épidémiologiques descriptives (prévalence et incidence) et les facteurs de risque permettant d’envisager des moyens de prévention, avant de terminer par l’épidémiologie des complications du diabète, incluant les données de mortalité. Nous nous limiterons aux données épidémiologiques concernant le diabète de type 1 et le diabète de type 2, les plus fréquents et les seuls types de diabète ayant fait l’objet d’études épidémiologiques, et nous ne parlerons pas du diabète gestationnel.

Le diabète de type 1 résulte de la destruction des cellules insulino-sécrétrices (cellules β) des îlots de Langerhans du pancréas par le système immunitaire. La présence d’une insulite, décrite pour la première fois de façon extensive par W. Gepts en 1965 [17], la détection d’auto-anticorps par immunofluorescence indirecte sur coupes de pancréas humain par D. Doniach et G.F. Bottazzo en 1974 [8], la survenue de la maladie chez des sujets exprimant des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) particulières, identifiées dès le début des années 1970 et la caractérisation de lymphocytes T activés contre des antigènes exprimés par les cellules β dès les années 1980 font du diabète une maladie auto-immune.

Les étapes successives de la réponse auto-immune, de l’expansion initiale des lymphocytes autoréactifs à l’activation des effecteurs responsables de la destruction des cellules β, sont aujourd’hui assez bien connues. Leur démembrement a largement bénéficié de modèles murins, en particulier la souris NOD (non obese diabetes) et le rat BB (biobreeding), puis de l’apport des techniques de transgenèse qui a permis de tester le rôle de différentes voies du système immunitaire dans la rupture de tolérance qui conduit au diabète.

Il est classique de distinguer deux grandes variétés de diabète : le type 1 (ancien diabète insulino-dépendant) et le type 2 (ancien diabète non-insulino-dépendant). L’hyperglycémie est commune aux deux affections qui sont cependant très différentes à la fois dans leur fréquence (3 millions de personnes pour le type 2 et 200 000 pour le type 1) et dans leur expression physiopathologique et clinique. L’approche thérapeutique est évidemment différente même si la frontière entre diabète insulino-dépendant et non-insulino-dépendant est un peu moins tranchée depuis plusieurs décennies, dans la mesure où 20  % des diabétiques de type 2 sont sous traitement insulinique. La détérioration progressive de la fonction β langerhansienne peut, au cours de l’histoire naturelle du diabète de type 2, conduire à une insulino-dépendance. Certains l’appellent insulino-requérance pour la distinguer du caractère « bruyant » de l’insulino-dépendance du diabète de type 1. Dans les faits, c’est 650 000 personnes diabétiques qui sont traitées par insuline en France. Les deux tiers sont des types 2 arrivés au stade de l’insulino-requérance, le tiers restant étant des types 1. En dépit de cette convergence vers l’insulinothérapie (tardive et non inéluctable dans le diabète de type 2, inaugurale et impérative dans le diabète de type 1), les deux affections restent très différentes. Ceci explique que la physiopathologie et la clinique du diabète de type 2 nécessitent un développement spécifique, lui-même indispensable pour comprendre son traitement.

Le diabète a subi ces dernières décennies un démembrement nosographique considérable. La conception classique qui distinguait le diabète de type 1 auto-immun et le diabète de type 2, maladie de surcharge, auxquels il fallait ajouter quelques formes de diabète secondaire ou quelques syndromes rares a vécu. Cette maladie est devenue un véritable défi diagnostique non seulement pour les diabétologues mais aussi pour les internistes d’autant que le diabète peut s’intégrer dans des tableaux cliniques complexes débordant largement la sphère métabolique ou endocrinienne.

L’enquête étiologique à laquelle le praticien doit se soumettre en face de tout cas de diabète nécessite une approche progressive. Il doit d’abord s’interroger sur d’éventuels éléments de l’histoire clinique suggérant que la maladie pourrait ne pas être un classique diabète de type 1 ou de type 2 : un âge de survenu trop précoce ou trop tardif, une évolution trop rapide vers l’insulino-dépendance ou au contraire une rémission surprenante, un poids qui ne correspond pas au standard de la typologie du diabète ou un amaigrissement trop rapide et/ou persistant après la normalisation glycémique, une histoire familiale évocatrice d’un mode de transmission génétique particulier, des manifestations associées non attendues dans le diabète (on parle d’associations « illégitimes »), certaines incohérences comme l’absence d’auto-anticorps chez un patient au tableau clinique évocateur d’un diabète de type 1… Cette mise en éveil permettra au médecin d’envisager des examens complémentaires appropriés et orientés (imagerie, dosages biologiques, séquençage de certains gènes…).

Le traitement de l’hyperglycémie chez tout patient diabétique reste la pierre angulaire de la prévention des complications de microangiopathie : rétine et rein surtout, neuropathies, complications infectieuses et métaboliques aigues enfin. Ceci a été particulièrement bien démontré pour le diabète de type 1 (DT1) d’abord puis de type 2 (DT2). Sa contribution à la prévention cardiovasculaire (CV) est plus discutée, mais à long terme elle y joue un rôle aujourd’hui admis. Les sujets ayant un DT2 sont le plus souvent hypertendus et dyslipidémiques, chez eux, le traitement strict de ces deux facteurs de risque joue le rôle majeur pour prévenir ou réduire les complications cardiovasculaires qui demeurent la première cause de mortalité de ces patients. De plus, dans toutes les formes de diabètes, la prise en charge tensionnelle et lipidique contribue aussi à prévenir ou à réduire les atteintes rétiniennes et rénales.

Céto-acidose diabétique

Kanza Benomar et Marie-Christine Vantyghem

Définition et prévalence

Définition

La céto-acidose diabétique se définit biologiquement par l’association d’une hyperglycémie avec glycosurie et cétose et d’une acidose métabolique. Le coma franc y est rare et incite à rechercher une cause associée, parfois déclenchante.

Prévalence

Chez le diabétique de type 1, il s’agit de l’urgence métabolique la plus fréquente après l’hypoglycémie. La fréquence exacte de la céto-acidose est difficile à évaluer dans la mesure où la définition varie selon les auteurs. Les études prospectives sont rares. La récurrence des épisodes de céto-acidoses concerne 10 % des diabétiques. Les principales causes déclenchantes sont l’infection et la non-compliance au traitement. Quatre-vingt pour cent des céto-acidoses surviennent chez des diabétiques connus, ce qui pose le problème de la prévention et donc d’une meilleure éducation.

En effet, le taux de mortalité demeure de l’ordre de 5 %, plus élevé chez les personnes de plus de 65 ans ou d’origine africaine. La céto-acidose serait à l’origine d’un décès/100 000 habitants/an. Le pronostic vital est corrélé au pH et au degré d’osmolalité plasmatique, c’est-à-dire à la sévérité de la déshydratation intracellulaire qui détermine souvent le niveau de conscience.

Les complications dégénératives spécifiques du diabète grèvent le pronostic et accroissent considérablement le coût de la prise en charge de cette affection définie par une hyperglycémie chronique. Depuis près de 3 décennies, elles sont en reflux relatif grâce à un contrôle métabolique plus précoce et plus rigoureux et à une stratégie de dépistage et de gestion des risques. L’hyperglycémie chronique est le facteur principal des complications microvasculaires (rétinopathie, néphropathie, neuropathie) et macrovasculaires (athérome accéléré).

Complications de l’hyperglycémie chronique

L’hyperglycémie chronique n’a pas de conséquences graves à court terme. Après quelques années, elle favorise la survenue de complications liées à une micro-angiopathie (rétinopathie, néphropathie, neuropathie) et à une macro-angiopathie (complications cardiovasculaires). Les premières sont plus fréquentes et plus précoces dans le diabète de type 1, les secondes font la gravité du type 2 qui survient à un âge où d’autres facteurs de risque sont présents.