S03-P01-C08 Périartérite noueuse (Chapitre archivé)

S03-P01-C08 Périartérite noueuse (Chapitre archivé)

Médecine interne

LOÏC GUILLEVIN

Chapitre S03-P01-C08

Périartérite noueuse

Loïc Guillevin et Maxime Samson
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
Lien vers la mise à jour

La périartérite noueuse (PAN) est une vascularite nécrosante touchant les artères de moyen calibre. Elle fut décrite en 1866 par Küssmaul et Maier. C’est la seule vascularite systémique dont une cause a pu être identifiée, puisqu’un certain nombre de cas sont liés au virus de l’hépatite B (PAN-VHB). Depuis les campagnes de dépistage et de vaccination contre le VHB en France, les cas de PAN sont devenus de plus en plus rares. Nous aborderons ici les principales manifestations cliniques ainsi que la pathogénie, l’évolution et le traitement de la PAN, qu’elle soit ou non liée à une infection.

Classification et diagnostic

La classification établie par l’American College of Rheumatology (ACR) ne permet pas de faire la distinction entre la PAN et polyangéite microscopique et ne doit pas être employée pour ces deux vascularites. On lui préfère la nomenclature de Chapel Hill [10] (voir chapitre S03-P01-C07). La PAN intéresse de façon prédominante les artères de moyen calibre et, parfois, des vaisseaux de plus petit calibre. L’atteinte rénale de la PAN est l’un des éléments classant la maladie : elle est la conséquence d’une sténose ou occlusion des artères rénales de moyen calibre, se traduisant par des infarctus parenchymateux et/ou une hypertension artérielle rénovasculaire. De même, les anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA) sont absents dans la PAN et leur présence permet d’exclure son diagnostic. Les critères de l’ACR et de la nomenclature de Chapel Hill sont des critères de classification et ne doivent pas être employés à titre diagnostique. Nous avons récemment validé une liste de critères diagnostiques, qui pourrait être utilisée chez les patients dont la PAN n’a pas été ou n’a pas pu être prouvée histologiquement (Tableau S03-P01-C08-I) [9].

Tableau S03-P01-C08-I Proposition de critères diagnostiques de périartérite noueuse [9].

Critères

Odds-ratio

Intervalle de confiance à 95 %

R2

Critères positifs de PAN

– infection par le VHB

16,85

6,30-45,08

0,320

– myalgies

1,93

1,06-3,53

0,517

– mononévrite (simple ou multiple) ou polynévrite

3,36

1,93-5,86

0,619

– anomalies angiographiques artérielles

20,40

7,30-56,99

0,640

– orchite

5,27

1,98-28,26

0,661

Critères négatifs (d’exclusion) de PAN

– ANCA+

0,11

0,05-0,23

0,668

– glomérulonéphrite

0,07

0,02-0,29

0,674

– asthme récent

0,01

0,01-0,06

0,433

Critères fondés sur l’analyse des données cliniques initiales de 582 patients atteints de vascularites systémiques, issus de la base de données du Groupe français d’étude des vascularites : 194 PAN (dont 117 PAN-VHB) et 388 autres vascularites systémiques (144 granulomatoses avec polyangéite [Wegener], 115 granulomatoses éosinophiliques avec polyangéite [Churg-Strauss], 101 polyangéites microscopiques, 28 vascularites cryoglobulinémiques).

ANCA : antineutrophilic cytoplasmic antibody ; PAN : périartérite noueuse ; VHB : virus de l’hépatite B.

Épidémiologie

La PAN est une maladie rare, qui touche aussi bien les hommes que les femmes et peut être rencontrée à tout âge, mais surtout entre 40 et 60 ans. Il n’y a pas de prédominance d’un groupe ethnique.

Son incidence a été estimée à 4 à 6 par million d’habitants en Grande-Bretagne [18]. Dans une population d’Esquimaux, largement infectés par le VHB, l’incidence était plus élevée, de 77 par million d’habitants [15]. La PAN paraît plus rare en Europe du Nord qu’en Europe du Sud. En France, nous avons constaté une prévalence de la maladie de 34 par million d’habitants [14]. Son incidence a aujourd’hui diminué, essentiellement à la suite des campagnes de vaccination contre le VHB, qui ont entraîné une quasi-disparition de cette maladie.

Pathogénie

Le mécanisme le plus communément retenu, du moins au cours de la PAN-VHB, est le dépôt de complexes immuns circulants, au sein desquels la présence d’antigènes de surface du virus a en effet été démontrée, entraînant des lésions inflammatoires vasculaires endothéliales. La PAN pourrait ainsi être la conséquence d’une difficulté d’épuration par le système réticulo-endothélial de ces complexes immuns, induits par un excès d’antigènes viraux. Le VHB en cause dans ces formes de PAN est le plus souvent un virus sauvage, mais des virus mutants sont de plus en plus fréquemment rencontrés. Parmi les autres mécanismes invoqués, on retiendra une possible atteinte endothéliale directe par le virus, suivie d’une réplication in situ.

Les anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), ne sont jamais détectés chez les patients atteints de PAN.

Des anticorps anticellules endothéliales, dirigés contre des antigènes exprimés à la surface des cellules de la paroi vasculaire ont été mis en évidence mais leur rôle reste à préciser.

Un certain nombre de cytokines pourraient également intervenir dans la physiopathologie de la PAN. Une élévation de la concentration sérique d’interféron α (IFN-α) et d’interleukine 2 (IL-2), et de façon plus discrète de TNF-α (tumor necrosis factor α) et d’IL-1β ont été mis en évidence au cours de la PAN comme dans d’autres vascularites nécrosantes.

Étiologie et facteurs précipitants

La seule cause dûment identifiée est l’infection par le VHB. D’autres virus peuvent être impliqués de façon anecdotique.

Périartérite noueuse due au virus de l’hépatite B

Le mode de contamination le plus souvent observé autrefois était la transfusion sanguine. Aujourd’hui, les contaminations sont d’origine sexuelle ou liées à une toxicomanie par voie intraveineuse. Dès 1970, un lien a été fait entre l’infection virale par le VHB et la maladie. Au début des années 1990, la moitié des cas de PAN était liée à une infection par le VHB. L’incidence de l’infection par le VHB et de la PAN-VHB a aujourd’hui diminué, suite aux campagnes de vaccination et à une amélioration de la sécurité transfusionnelle. Dans la mesure où la prévalence de la PAN elle-même a diminué, on constate toutefois que les cas de PAN-VHB représentent 10 à 25 % des cas de PAN [6].

Autres causes infectieuses

D’autres virus ont été associés à la survenue d’une PAN, mais ils ne rendent compte que de cas exceptionnels : virus de l’hépatite C, parvovirus B19, virus de l’immunodéficience humaine (VIH), virus du groupe herpès ou virus d’Epstein-Barr.

Outre ces agents infectieux, la PAN a parfois été décrite en association à des tumeurs malignes ou à des hémopathies, notamment la leucémie à tricholeucocytes. Les syndromes myélodysplasiques dont les leucémies myélomonocytaires chroniques et les anémies réfractaires pourraient également être concernés.

Anatomopathologie

La lésion histologique élémentaire définissant la PAN est une vascularite nécrosante segmentaire qui affecte les vaisseaux de moyen calibre avec une répartition ubiquitaire (Figure S3-P1-C8-1). Toutes les artères de l’organisme peuvent être touchées à l’exception de l’atteinte de l’aorte et/ou des artères pulmonaires. À la phase aiguë, l’inflammation de la paroi artérielle se caractérise par de la nécrose fibrinoïde de la média et une infiltration par des cellules polymorphes composées en majorité de polynucléaires neutrophiles à noyaux souvent pycnotiques et associés à un nombre variable de lymphocytes et d’éosinophiles. Les structures élastiques et surtout la limitante élastique interne sont progressivement envahies par la nécrose fibrinoïde. L’atteinte de l’endothélium peut conduire à la thrombose. Lorsque l’atteinte vasculaire n’est pas circonférentielle, des micro-anévrysmes peuvent se développer. À un stade ultérieur, l’évolution se fait vers la cicatrisation avec une endartérite fibreuse qui rend impossible tout diagnostic histologique rétrospectif de PAN. Une autre donnée histologique caractéristique de la PAN est la coexistence de lésions de vascularite d’âges différents, avec des lésions fraîches côtoyant des lésions cicatricielles au sein du même tissu ou de tissus différents. Par ailleurs, l’atteinte est segmentaire.

Figure S03-P01-C08-1

Nécrose fibrinoïde et réaction inflammatoire adventitielle d’une branche de l’artère temporale, permettant de porter le diagnostic de vascularite nécrosante.

Il faut de préférence biopsier les sites touchés par la maladie ; c’est notamment le cas de la peau, mais aussi parfois de l’artère temporale. Chez les patients présentant des douleurs musculaires, la biopsie doit être pratiquée de préférence en distalité des membres : mollets ou loge antéro-externe de jambe. En cas de neuropathie périphérique, une biopsie neuromusculaire donne le diagnostic dans approximativement 60 % des cas. En cas d’intervention chirurgicale, notamment abdominale à la suite d’une perforation intestinale, d’une appendicite ou d’une cholécystite aiguë, l’analyse des pièces opératoires peut donner le diag-nostic. La biopsie rénale est contre-indiquée car elle peut être responsable d’hématomes rénaux ou périrénaux suite à la rupture de micro-anévrysmes.

Manifestations cliniques

Les principales manifestations cliniques observées au cours de la PAN et leurs fréquences selon les principales séries de la littérature sont résumées dans le Tableau S03-P01-C08-II. Les chiffres mentionnés dans les séries les plus anciennes doivent toutefois être lus avec précaution, car ces séries regroupent souvent des observations de PAN et de polyangéite microscopique.

Tableau S03-P01-C08-II Fréquence (en pourcentage) des principales manifestations cliniques et/ou atteintes d’organe au cours de la périartérite noueuse, selon les plus importantes séries de la littérature.

Référence

Nombre
de patients

Âge moyen

Atteinte
cardiaque

HTA

Atteinte
rénale

Atteinte cutanée

Atteinte
du SNC

Neuropathie périphérique

Atteinte
digestive

Pagnoux et al., 2010 [17]

348

51

22

34 (récente)

51

50

4

74

38

Fortin et al., 1995 [2]

45

54

18

44

44

24

51

53

Cohen et al., 1980 [1](1)

53

54

4

14

66

58

60

25

Leib et al., 1979 [11](1)

64

47

30

25

63

28

25

72

42

Frohnert et Sheps, 1967 [3](1)

130

10

8

58

3

52

14

Guillevin et al., 1988 [4]

165

48

23

31

29

46

17

67

31

Mowrey et al., 1954 [16](1)

607

58

83

25

66

48

(1) Ces séries les plus anciennes incluaient, sans distinction, des patients atteints de PAN et de polyangéite microscopique.

HTA : hypertension artérielle ; SNC : système nerveux central.

Signes généraux

Dans les formes systémiques, l’état général est habituellement altéré, avec amaigrissement et fièvre, dans deux tiers des cas. Ces manifestations sont précoces et peuvent être inaugurales. Lorsque ces signes généraux sont isolés, le diagnostic de PAN est difficile à porter.

Myalgies et arthralgies

Les myalgies sont présentes chez la moitié des patients. Elles peuvent être intenses, diffuses, spontanées et/ou aggravées par la pression des masses musculaires. Le taux d’enzymes musculaires est normal. Une amyotrophie est fréquente. Les arthralgies prédominent sur les grosses articulations. Les arthrites sont rares et non érosives.

Atteinte neurologique

L’atteinte du système nerveux périphérique est fréquente, celle du système nerveux central plus rare.

Neuropathie périphérique

Une neuropathie périphérique est présente dans 50 à 75 % des cas. C’est la première manifestation de la maladie dans 20 à 30 % des cas. Le tableau clinique le plus habituel est celui d’une mononévrite multiple sensitivo-motrice, caractérisée par un déficit évolutif prédominant aux jambes, tout particulièrement dans le territoire des nerfs sciatiques poplités externes et/ou internes. L’atteinte neurologique peut intéresser, à un moindre degré, les membres supérieurs, dans les territoires médian(s), ulnaire(s) ou radial(ux). L’atteinte neurologique peut être précédée, aux membres inférieurs, par des œdèmes segmentaires. Une polyneuropathie distale, symétrique, sensitive ou sensitivo-motrice est plus rare et s’observe dans 20 % des cas d’atteinte du système nerveux périphérique. L’atteinte des paires crâniennes est exceptionnelle (< 1 % des malades) et touche les nerfs III, VI, VII, VIII. L’électromyogramme montre la présence d’une neuropathie axonale.

Sous traitement, la mononévrite multiple de la PAN s’améliore lentement, dans la plupart des cas. Le degré de récupération est très variable d’un malade à l’autre et demeure imprévisible.

Atteinte du système nerveux central

Les localisations neurologiques centrales sont rares. Toute la symptomatologie neurologique centrale peut s’observer.

Atteinte cutanée

Des manifestations cutanées sont rapportées chez 20 à 60 % des patients atteints de PAN. Le purpura est fréquent, vasculaire et infiltré (Figure S3-P1-C8-2). Les nodules sous-cutanés témoignent davantage d’une atteinte des vaisseaux de moyen calibre. Le livedo reticularis est plus rare, de même que les ulcérations vasculaires et les gangrènes distales.

Figure S03-P01-C08-2

Purpura vasculaire infiltré.

(Collection Professeur L. Guillevin.)

La PAN peut rester strictement localisée à la peau, s’accompagnant éventuellement de quelques manifestations neurologiques périphériques et/ou articulaires peu marquées. Ces formes sont bénignes mais rechutent.

Atteinte rénale

Une néphropathie vasculaire peut s’observer et peut évoluer vers une insuffisance rénale. Une hypertension artérielle peut compliquer la néphropathie vasculaire et est parfois sévère, voire maligne. Lorsqu’une insuffisance rénale aiguë survient, elle apparaît habituellement tôt dans l’histoire de la maladie ou lors d’une poussée évolutive. Certaines néphropathies évoluent favorablement après une période d’épuration extrarénale transitoire. Chez d’autres, une insuffisance rénale terminale peut survenir plusieurs années après le début de la PAN et conduire à la dialyse. Lorsque l’angiographie rénale est faite, elle peut montrer des sténoses segmentaires, alternant avec des dilatations et/ou des micro-anévrysmes siégeant sur les artères rénales.

Atteinte cardiaque

La PAN lèse essentiellement le myocarde soit par le biais d’une vascularite des artères coronaires ou de leurs branches, soit par celui d’une hypertension artérielle sévère non contrôlée. L’atteinte péricardique est rare. Une insuffisance cardiaque peut survenir. Dans une étude récente reprenant 348 cas de PAN, une cardiomyopathie était retrouvée dans 7,5 % des cas [17]. La coronarographie ou le coroscanner peuvent mettre en évidence des irrégularités de calibre des vaisseaux, des images d’infarctus du myocarde ou des lésions de myocardite (Figure S3-P1-C8-3).

Figure S03-P01-C08-3

Coronarographie montrant des irrégularités multiples de l’artère interventriculaire antérieure.

Chez les patients avec atteinte cardiaque, une tachycardie est fréquente et des troubles du rythme, principalement supraventriculaire, ou de la conduction sont parfois observés. Une artérite nodulaire coronarienne a été rapportée par Küssmaul et Maier. Ces lésions ont été retrouvées dans environ un tiers des autopsies. Des anévrysmes coronariens sont détectés occasionnellement. Leur présence peut faire discuter l’existence d’une maladie de Kawasaki. La dissection aortique est exceptionnelle. L’occlusion d’une artère distale des membres peut entraîner une gangrène des orteils ou des doigts. L’angiographie montre la présence de sténoses ou de micro-anévrysmes. Le phénomène de Raynaud peut être isolé ou compliqué de nécrose.

Atteinte digestive

Les atteintes digestives sont l’une des manifestations les plus graves de la PAN. C’est la première cause de décès à 1 an. Au cours d’une étude reprenant 348 patients atteints de PAN, une atteinte digestive nécessitant le recours à la chirurgie au moment du diagnostic faisait partie des facteurs prédictifs indépendants de mortalité [17]. Les signes cliniques varient de la douleur abdominale isolée à des tableaux plus sévères, notamment chirurgicaux qui survenaient chez 10,7 % des patients avec une PAN non VHB et 19,5 % des patients présentant une PAN-VHB. Les hémorragies digestives et les perforations intestinales sont graves. Une atteinte de la vésicule biliaire (cholécystite) ou de l’appendice peut être la première manifestation clinique de PAN. La nécrose aiguë du pancréas ou le développement de kystes ou faux kystes pancréatiques sont retrouvés chez 2 à 3 % des patients [17]. L’atteinte pancréatique est souvent associée à une ischémie digestive et à des perforations qui peuvent être méconnues, expliquant en pratique son très mauvais pronostic. La survie à 5 ans des patients ayant ces manifestations digestives n’est que d’environ 50 % [7].

Autres atteintes

L’orchite, non infectieuse, est l’une des manifestations les plus caractéristiques de la PAN chez l’homme et est plus fréquente chez les patients atteints de PAN-VHB. Elle fait partie des critères de classification établis par l’ACR [12]. Cependant, elle constitue rarement la manifestation inaugurale de la maladie.

Des appositions périostées ont été observées, précédées par un œdème localisé de la jambe. La biopsie montre une vascularite nécrosante du périoste.

Une vascularite rétinienne, un décollement exsudatif de rétine, une conjonctive ou une uvéite peuvent être observés.

Atteinte pulmonaire

Les poumons sont habituellement épargnés au cours de la PAN.

Manifestations spécifiques de la PAN-VHB

La PAN-VHB survient habituellement dans les semaines ou mois qui suivent la contamination. L’hépatite est habituellement silencieuse ou ne se traduit que par une augmentation modérée des transaminases. Les manifestations cliniques de la PAN-VHB ne sont pas différentes de celles de la PAN non liée à l’infection par le VHB. Toutefois, les patients présentant une PAN-VHB ont une maladie plus grave : amaigrissement plus important, plus d’atteinte neurologique périphérique, plus d’atteinte digestive nécessitant le recours à la chirurgie, plus d’atteinte cardiaque spécifique et plus souvent une hypertension artérielle (HTA) sévère et une orchite.

Formes localisées de périartérite noueuse

La PAN peut se manifester initialement par une atteinte localisée. Il n’est pas rare de voir une PAN systémique survenir dans les mois suivant une cholécystite ou une appendicite isolée, quand l’analyse histologique révélait des aspects de vascularite nécrosante.

Les formes cutanées localisées sont récidivantes et de bon pronostic. Des formes musculaires isolées ont également été décrites. Une neuropathie périphérique peu marquée s’y associe dans quelques cas.

Périartérite noueuse de l’enfant

Alors que la maladie de Kawasaki ou le purpura rhumatoïde sont plus fréquemment observés dans l’enfance, la PAN est exceptionnelle. Récemment, une classification européenne des vascularites de l’enfant a été proposée par des rhumatologues européens (voir chapitre S03-P01-C07). L’âge moyen au diagnostic est de 9 ans avec un sex-ratio à 1. Les manifestations cliniques de la PAN chez l’enfant sont comparables à celles de l’adulte, à l’exception des formes cutanées qui paraissent plus fréquentes. Des infections microbiennes, notamment streptococciques, pourraient être impliquées dans la survenue de ces vascularites juvéniles.

Biologie et autres investigations complémentaires

Le diagnostic de PAN repose dans l’idéal sur une preuve histologique. Une biopsie musculaire et/ou neuromusculaire, de préférence dans un territoire jambier, peut permettre un diagnostic histologique dans les trois quarts des cas. La biopsie rénale est déconseillée. Les biopsies cutanées montrent une vascularite dans la moitié des cas, le plus souvent leucocytoclasique et souvent nécrosante.

Examens biologiques

Aucun examen biologique n’est spécifique de la PAN. Un syndrome inflammatoire est présent dans trois quarts des cas. Une hyperéosinophilie modérée peut être retrouvée, exceptionnellement supérieure à 1 500/mm3. Une infection par le VHB doit être systématiquement recherchée par un test sérologique, puis une quantification de son ADN (acide désoxyribonucléique) en cas de positivité. Chez l’enfant, les sérologies streptococciques doivent également être effectuées.

La présence d’ANCA constitue, en principe, un critère d’exclusion du diagnostic.

Examens radiologiques

Bien que non pathognomonique, la présence de micro-anévrysmes et de sténoses irrégulières des artères de moyen calibre à l’artériographie rénale et cœliomésentérique est très évocatrice de PAN. La fréquence de ces anomalies, focales, segmentaires et fluctuantes dans le temps, est de 90 % en cas de signes digestifs et de 40 à 60 % en leur absence. Des micro-anévrysmes artériels identiques peuvent être constatés. Un infarctus viscéral est la conséquence directe de l’obstruction artérielle (Figure S3-P1-C8-4). Les autres explorations radiologiques sont guidées par la clinique. Une IRM (imagerie par résonance magnétique) musculaire peut être réalisée en cas de myalgies. Elle peut montrer des hypersignaux.

Figure S03-P01-C08-4

Infarctus splénique.

(Collection Professeur L. Guillevin.)

Autres examens

L’électromyogramme est l’un des examens les plus utiles pour analyser une neuropathie, parfois infraclinique. Les examens à visée cardiaque ou digestive sont effectués lorsqu’il existe des signes cliniques.

Évolution

La PAN est habituellement une maladie aiguë qui, dans sa forme systémique, se manifeste par une poussée unique, mais parfois sévère, voire mortelle si le traitement adéquat n’est pas rapidement prescrit. Depuis l’utilisation des corticoïdes, puis leur association aux immunosuppresseurs, et aux traitements antiviraux combinés aux échanges plasmatiques dans les formes liées au VHB, le pronostic de ces patients s’est amélioré, avec un taux de survie à 1, 5 et 10 ans de 92, 83 et 74 % respectivement pour la PAN et de 83, 73 et 60 % respectivement pour la PAN-VHB [17].

Rechutes

Une fois la rémission obtenue, les rechutes sont peu fréquentes au cours de la PAN. Dans une précédente étude portant sur 348 patients atteints de PAN suivis pendant 68 mois en moyenne, 10,6 % des PAN-VHB et 28 % des PAN ont rechuté, dans un délai moyen de respectivement 43 et 26 mois par rapport à la première poussée [17].

Décès

Décès liés à la vascularite

Un certain nombre de patients meurent rapidement, durant les premiers mois de la maladie, dans un tableau d’atteinte multiviscérale, non contrôlable par les traitements disponibles. La plupart de ces décès sont la conséquence d’une atteinte digestive.

Décès liés aux traitements

Bien qu’ils aient augmenté le taux de survie des patients, les traitements peuvent être responsables d’un certain nombre d’effets secondaires, certains sévères, éventuellement responsable de décès. Les infections bactériennes avec septicémies représentent la première cause de mortalité liée aux traitements. Les infections virales surviennent plus tardivement, favorisées par l’immunodépression profonde induite par les immunosuppresseurs. De rares cas de pneumonie à Pneumocystis jiroveci ont été rapportés, moins fréquemment qu’au cours de la granulomatose avec polyangéite. L’attitude actuelle est de diminuer et de raccourcir au maximum les traitements corticoïdes et immunosuppresseurs, afin de réduire le risque de complications infectieuses, sans pour autant diminuer le taux de rémission de la maladie ni majorer le taux de rechute.

Traitement

Principes généraux

Choix thérapeutique initial

Il convient de prescrire un traitement adapté à la sévérité de la maladie. Pour cela des scores pronostiques et de surveillance ont été établis. Le five factor score (FFS) [7] peut prédire la mortalité des malades atteints de vascularite nécrosante. Un autre score d’évaluation, le Birmingham vasculitis activity score (BVAS) [13] est également utilisé pour le suivi des malades, mais sa valeur pronostique n’a pas été validée de façon prospective. Le traitement doit ensuite être régulièrement adapté à la réponse clinique et en fonction de sa tolérance.

Quelques aspects essentiels du traitement

Un certain nombre de complications des traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs peuvent être prévenues ou du moins atténuées. Une prophylaxie par le cotrimoxazole, systématique pendant la durée du traitement par cyclophosphamide et tant que le taux de lymphocytes T CD4+ est inférieur à 250/mm3, permet de prévenir la pneumonie à Pneumocystis jiroveci. L’ostéoporose cortisonique doit être prévenue par les bisphosphonates (sauf contre-indication) et le calcium, débutés dès que la corticothérapie est instituée. Les traitements physio- et kinésithérapeutiques sont également nécessaires chez les malades présentant une neuropathie périphérique. La pression artérielle doit être contrôlée, avec la prescription, lorsque cela est nécessaire, d’antihypertenseurs. Une perte importante et rapide de poids justifie une nutrition parentérale. Bien que l’amaigrissement n’ait pas été démontré, jusqu’à présent, comme étant un facteur de mauvais pronostic, un bon état général est toujours préférable et limite la survenue des infections.

Chez ces patients âgés, la minimisation de la dose de corticoïdes et d’immunosuppresseurs permet d’améliorer le pronostic vital, essentiellement en réduisant le nombre d’effets secondaires des médicaments.

Principaux médicaments

Corticoïdes

Le traitement initial de la PAN sans infection par le VHB comprend une corticothérapie. La dose initiale est de 1 mg/kg/j. Elle peut parfois être précédée, selon la gravité, d’un à trois bolus de méthylprednisolone (15 mg/kg/j). Après un traitement initial de 3 à 4 semaines, les corticoïdes doivent être diminués rapidement.

Cyclophosphamide

La prescription ou non d’immunosuppresseurs au cours de la PAN sans infection par le VHB, et notamment de cyclophosphamide, repose sur l’utilisation du score pronostique FFS, élément clef de la décision thérapeutique.

Le schéma d’administration du cyclophosphamide est le suivant : trois bolus de 0,6 g/m2 espacés de 14 jours puis trois bolus supplémentaires espacés de 21 jours, à la posologie de 0,7 g/m2. Il est recommandé de ne jamais dépasser 1 200 mg par bolus et de diminuer la posologie de cyclophosphamide chez les personnes âgées de plus de 65 ans et en cas d’insuffisance rénale (créatinine > 300 μmol/l ou débit de filtration glomérulaire < 25 ml/min) (protocole national de soins, novembre 2007) [8].

Autres traitements immunosuppresseurs. Nouveaux et « anciens » médicaments

Un certain nombre d’autres immunosuppresseurs peuvent être utilisés mais n’ont pas été validés. Ils peuvent toutefois constituer une alternative au cyclophosphamide dans certaines situations, notamment chez les patients qui présentent des rechutes. Ils ont surtout un intérêt en relais du cyclophosphamide, une fois la rémission obtenue et après un minimum de six bolus, au cours de la PAN non liée au VHB.

L’azathioprine est le traitement d’entretien recommandé de première intention dès que la rémission a été obtenue avec l’association de corticoïdes et de cyclophosphamide. La dose habituelle est de 2 à 3 mg/kg/j. La durée optimale du traitement d’entretien pour les patients mis en rémission doit être d’environ 12 à 18 mois. Le méthotrexate peut aussi être prescrit une fois la rémission obtenue.

D’autres médicaments sont parfois prescrits, mais sans qu’aucune étude contrôlée n’ait pu confirmer leur intérêt.

Échanges plasmatiques

Les échanges plasmatiques n’améliorent pas le taux de survie au cours de la PAN non liée à une infection virale. En revanche, ils sont utiles dans le traitement de la PAN-VHB avec des bénéfices qui y ont été clairement démontrés [5].

Stratégie thérapeutique

Le traitement de la PAN est différent selon que la maladie est primitive ou secondaire à une infection par le VHB ou un autre agent infectieux.

Traitement de la périartérite noueuse non associée à une étiologie infectieuse

Le traitement initial de la PAN sans infection par le VHB comprend une corticothérapie initiale à fortes doses, comme décrite précédemment. Les critères de prescription de corticoïdes éventuellement associés à un immunosuppresseur sont définis par le five factor score (FFS). À ce jour, le traitement recommandé chez les patients dont le FFS est égal à 0 est une corticothérapie seule. Les immunosuppresseurs ne seront associés qu’en cas d’échec de ce traitement ou de rechute, situation qui concerne malgré tout 40 % des patients, après 5 ans de suivi. Un traitement associant d’emblée corticoïdes et cyclophosphamide permet de réduire ce taux à 15 à 20 %, mais au prix d’effets secondaires chez 40 à 60 % d’entre eux.

Dans les formes sévères (FFS  1), nous avons démontré que l’association de corticoïdes et de cyclophosphamide était en revanche indispensable d’emblée et améliorait le pronostic vital.

Traitement de la PAN-VHB et des autres périartérites noueuses liées à une infection virale

En cas d’infection virale, une approche thérapeutique différente et spécifique doit être choisie. Bien que les corticoïdes et les immunosuppresseurs agissent efficacement sur les symptômes de la vascularite, ce traitement « standard » perpétue l’infection, stimule la réplication virale, aggrave l’évolution des hépatites chroniques et facilite la progression vers la cirrhose qui, à plus long terme, peut se compliquer de cancer du foie.

Connaissant l’efficacité des médicaments antiviraux contre l’infection par le VHB et des échanges plasmatiques dans la PAN-VHB, nous avons combiné ces deux traitements [5] dans la stratégie thérapeutique suivante : corticothérapie initiale et brève permettant de contrôler les manifestations les plus sévères de la PAN, puis arrêt brutal des corticoïdes facilitant la séroconversion ; adjonction d’échanges plasmatiques afin de mieux contrôler le cours évolutif de la PAN ; combinaison aux antiviraux (vidarabine autrefois, puis plus récemment interféron α, lamivudine, adéfovir, entécavir…). Sous traitement, le pronostic vital est favorable et le taux de séroconversion HBe/antiHBe augmente notablement (> 50 % des cas).

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Guillevin L, Samson M. Périartérite noueuse. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S03-P01-C08 : 1-6.