S03-P01-C40 Maladie de Rendu-Osler (Chapitre archivé)

S03-P01-C40 Maladie de Rendu-Osler (Chapitre archivé)

Médecine interne

LOÏC GUILLEVIN

Chapitre S03-P01-C40

Maladie de Rendu-Osler

Sophie Dupuis-Girod
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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La maladie de Rendu-Osler, ou télangiectasies hémorragiques héréditaires (HHT, OMIM 187300 et 600376) est une maladie génétique vasculaire dominante autosomique constitutionnelle qui concerne les capillaires. Cette pathologie est rare mais ubiquitaire, et concerne 1/6 000 à 1/10 000 patients avec des différences régionales liées à un effet fondateur.

La maladie de Rendu-Osler a d’abord été décrite comme une maladie familiale caractérisée par la gravité des hémorragies nasales et -gastro-intestinales récurrentes associées à l’anémie et à la dilatation visible des capillaires (télangiectasies) sur les lèvres et le bout des doigts. La majorité des patients présentent également des malformations artérioveineuses qui peuvent être pulmonaires, hépatiques, cérébrales, pancréatiques, et médullaires [8]. Ces caractéristiques sont utilisées comme critères pour diagnostiquer la maladie de Rendu-Osler.

Diagnostic clinique

Il repose sur plusieurs critères (critères de Curaçao) [13] :

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Télangiectasies muqueuses (a) et cutanées (b).

– Le caractère héréditaire : la transmission est autosomique dominante (50 % à chaque enfant). La pénétrance est quasi complète vers 50 ans.

– Les télangiectasies : elles sont l’une des lésions caractéristiques de la maladie, et sont cutanées (lèvres, doigts, visage, mains et pieds) et muqueuses (face interne des lèvres, langue, palais, muqueuse nasale et digestive) (Figure S3-P1-C40-1).

– Les épistaxis sont la forme d’expression majeure de ces télangiectasies muqueuses par leur fréquence et le handicap qu’elles entraînent. L’anémie chronique invalidante devient la conséquence inéluctable et prédominante chez ces patients.

– Les malformations artérioveineuses viscérales sont des lésions vasculaires dont le retentissement est toujours aggravé par l’anémie. Une atteinte viscérale peut remplacer l’un des trois signes cardinaux externes dans le diagnostic positif. La localisation de ces malformations artérioveineuses peut être :

– hépatique, fréquente (30 à 80 % selon les techniques de dépistage utilisées),

– pulmonaire (30 à 50 % des malades),

– neurologique cérébrale ou médullaire (8 à 25 % des patients).

Le diagnostic clinique est :

– certain si au moins 3 critères sont présents ;

– suspecté ou possible si 2 critères sont présents ;

– peu probable si 1 seul critère est présent.

Chaque complication viscérale typique peut constituer un des trois critères nécessaires au diagnostic, remplaçant alors les épistaxis, les télangiectasies ou le caractère héréditaire [13]. Certains patients peuvent avoir jusqu’à 4 ou 5 signes de la maladie, avec plusieurs atteintes viscérales.

Histologie

Comme cela a été décrit, les télangiectasies sont des dilatations focales des veinules post-capillaires [2]. Ces veinules, puis les artérioles dilatées avec perte du lit capillaire, évoluent vers des communications artérioveineuses. Ces anomalies vasculaires sont observées non seulement dans la peau, mais aussi dans la circulation pulmonaire [14] où elles sont responsables d’un shunt droit-gauche. Les grandes malformations artérioveineuses sont considérées comme provenant de l’évolution de ces petites lésions par « remodelage » vasculaire progressif.

Génétique et physiopathologie

Les gènes connus responsables de la maladie de Rendu-Osler sont au nombre de trois :

– endogline (ENG) responsable du phénotype HHT1 de la maladie ;

activin-like-receptor type 1 (ALK-1) responsable du phénotype HHT2 de la maladie ;

SMAD 4, responsable d’un phénotype plus rare (2 %) associant maladie de Rendu-Osler et polypose juvénile chronique.

Des mutations des gènes ENG ou ALK1 sont retrouvées à l’état hétérozygote chez environ 90 à 92 % des patients. Plus de 600 mutations différentes des gènes ENG et ALK1 ont été répertoriées. De plus, un effet fondateur a été mis en évidence dans certaines régions. Très récemment, le gène BMP9 a été incriminé chez certains patients et au moins deux autres gènes ont été localisés mais non identifiés.

Ces gènes interviennent tous dans la voie de signalisation de la famille TGF-β (transforming growth factor β) dans la cellule endothéliale. La découverte récente de BMP9 comme étant le ligand du récepteur ALK1 et de son co-récepteur l’endogline montre que cette voie de signalisation contrôle la phase de maturation de l’angiogenèse (Figure S3-P1-C40-2) [7]. L’invalidation de ces gènes dans des modèles murins reproduit la maladie et a permis de confirmer que cette pathologie serait due à une hyperprolifération endothéliale.

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Implication de la voie BMP9/ALK1/endogline dans la maladie de Rendu-Osler [1]. Le BMP9 se lie sur un hétérocomplexe constitué de deux récepteurs ALK1 et de deux récepteurs de type 2 (BMPR2 ou ActR2). Le récepteur de type 2 phosphoryle ALK1 qui, à son tour, phosphoryle les facteurs de transcription Smad1/5/8. L’addition de BMP9 entraîne l’inhibition de la migration et de la prolifération des cellules endothéliales, ce qui suggère un rôle pour cette voie de signalisation dans la phase de maturation de l’angiogenèse. (Selon Sabine Dailly.)

L’angiogenèse est la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir d’un réseau vasculaire existant. On distingue deux phases au cours de l’angiogenèse. Pendant la phase d’activation, la matrice extracellulaire est dégradée et les cellules endothéliales migrent et prolifèrent (Figure S3-P1-C40-3). Le VEGF (vascular endothelial growth factor) est un des facteurs clefs de cette phase d’activation. Cette phase est suivie par une phase de maturation où les cellules endothéliales arrêtent de migrer et de proliférer, la matrice cellulaire est reconstituée et il y a un recrutement de cellules mésenchymateuses qui se différencient en péricytes ou en cellules musculaires lisses suivant le type de vaisseaux. L’angiogenèse est normalement quiescente chez l’adulte.

On parle de balance angiogénique qui résulte d’une homéostasie entre les facteurs impliqués dans la phase d’activation et ceux impliqués dans la phase de maturation de l’angiogenèse. Le rôle du récepteur ALK1 est important dans l’inhibition de la prolifération, de la migration et du bourgeonnement des cellules endothéliales in vitro ainsi que de la néo-angiogenèse in vivo. Le ligand d’ALK1, BMP9 serait donc un facteur clef de la phase de maturation de l’angiogenèse et sa présence dans le sang suggère son rôle dans le maintien de la quiescence vasculaire chez l’adulte. Lorsque la voie BMP9/ALK1/endogline est perturbée, la quiescence est diminuée, ce qui entraîne un dérèglement de la balance angiogénique, et donc une néo-activation de l’angiogenèse.

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Angiogenèse. PDGF : platelet-derived growth factor, SMC : cellules musculaires lisses ; TGF-β : transforming growth factor β ; VEGF : vascular endothelial growth factor). (Selon Sabine Dailly.)

Épistaxis

Caractéristiques

Elles sont l’expression principale de la maladie de Rendu-Osler et sont souvent sa complication la plus gênante en termes de qualité de vie et de morbidité.

Les épistaxis concernent plus de 95 % des patients [8]. Elles sont spontanées, répétées, irrégulières, diurnes et nocturnes, anémiantes, invalidantes, et socialement très gênantes, à l’origine d’arrêts de travail répétés et parfois d’une mise en invalidité. La durée des épistaxis peut être supérieure à 24 heures par mois chez certains patients et nécessiter des transfusions itératives et des hospitalisations et, du fait de la sévérité de l’anémie, des traitements ORL répétés avec risque de complications (perforation de la cloison nasale, infections après méchages)

Leur évaluation objective est réalisée au moyen d’une grille de décompte mensuel du nombre d’épistaxis et du temps de saignement.

Traitement

Aucun traitement chirurgical ne permet de traiter définitivement les épistaxis. La répétition de ces traitements est souvent à l’origine d’une iatrogénie importante, dont la perforation de cloison nasale, responsable d’une aggravation des épistaxis. Aucune étude de « haut niveau de preuve » n’a montré l’efficacité des traitements médicaux ou chirurgicaux.

Dans tous les cas, une humidification pluriquotidienne régulière par le patient de la muqueuse nasale associant des pommades, spray et du sérum physiologique permet une amélioration des épistaxis.

La supplémentation martiale est conseillée pour tous les patients qui ont des épistaxis répétées, responsables d’une anémie ferriprive au long cours. Les patients ayant une intolérance au fer per os peuvent bénéficier d’injections intraveineuses de fer. Les transfusions sanguines sont réalisées en accord avec les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour la maladie de Rendu-Osler, élaboré par le(s) centre(s) de référence labellisé(s) avec le soutien de la Haute Autorité de santé (HAS), contient les informations et recommandations suivantes quant au traitement des épistaxis.

Le PNDS regroupe les différents traitements de type médicaux et chirurgicaux :

– L’acide tranexamique (antifibrinolytique) qui a un effet positif modéré sur l’anémie et les épistaxis. Dans une étude récente randomisée contre placebo (étude ATERO en cours de publication), il a été montré que l’acide tranexamique diminuait de manière significative la durée des épistaxis de manière modérée.

– L’acide aminocaproïque et les œstrogènes : l’emploi des œstrogènes est limité par l’existence de leur risque thrombo-embolique et ne devrait être envisagé que dans le cadre d’essais cliniques.

– Le tamoxifène : il a montré son intérêt dans une étude, mais reste actuellement peu prescrit.

En deuxième intention sont proposées :

– la photocoagulation par laser ;

– des injections de colles biologiques ;

– des injections de produits sclérosants (Ethibloc, Aetoxisclérol).

En troisième intention sont proposées :

– l’embolisation artérielle sélective isolée ou associée aux techniques précédentes ;

– la ligature artérielle des artères sphénopalatines et/ou ethmoïdales ;

– l’opération de Saunders (suppression de la muqueuse nasale), la dermoplastie ou la septodermoplastie sans ou avec greffe (cellules amniotiques, cellules de muqueuse jugale cultivée ou lambeau cutané) ;

– l’obstruction nasale de Young (fermeture chirurgicale des fosses nasales), unilatérale ou bilatérale.

Perspectives

Les traitements anti-angiogéniques sont en cours d’évaluation.

Le bévacizumab est un anticorps monoclonal de 149 kDa qui se lie au VEGF et inhibe de ce fait la liaison du VEGF à ses récepteurs, situés à la surface des cellules endothéliales, aussi bien in vitro qu’in vivo. Il est constitué d’une partie constante d’origine humaine et d’une partie variable d’origine murine. Son mécanisme d’action est fondé sur la liaison entre le VEGF et ses récepteurs sur la surface des cellules endothéliales. Sous l’effet de la stimulation, les cellules endothéliales prolifèrent et de nouveaux petits vaisseaux apparaissent.

Le bévacizumab a été administré par voie intraveineuse chez des patients atteints de maladie de Rendu-Osler avec une forme sévère et a montré son efficacité également sur les épistaxis [10]. En 2009 et 2011, des cas ont été rapportés de patients atteints de maladie de Rendu-Osler compliquée d’épistaxis, avec une efficacité du bévacizumab par voie systémique, mais avec une rechute après plusieurs mois. Il n’a actuellement pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication et peut être discuté ponctuellement.

Le bévacizumab administré en spray nasal a fait l’objet de cas rapporté dans la maladie de Rendu-Osler. Deux études randomisées ont été réalisées et n’ont pas confirmé son intérêt dans le traitement des épistaxis en spray nasal [7bis], [16bis].

La thalidomide a montré une action anti-angiogénique dans la maladie de Rendu-Osler, mais aucune étude d’efficacité prospective n’a été faite à ce jour.

Télangiectasies

Les télangiectasies buccales sont parfois hémorragiques et le traitement est chirurgical ou laser. Au niveau des doigts, les problèmes sont plus rares, mais les hémorragies, problèmes infectieux, justifient une prise en charge dermatologique. Le traitement laser à titre esthétique est en général efficace.

Atteintes viscérales

Malformations artérioveineuses pulmonaires

Définition et caractéristiques

Les malformations artérioveineuses pulmonaires sont des communications anormales entre les artères pulmonaires et les veines pulmonaires, c’est-à-dire la communication directe des artères et des veines sans l’intermédiaire d’un réseau capillaire normal (Figures S3-P1-C40-4 et Figure S3-P1-C40-5). Elles provoquent un shunt droit-gauche et sont potentiellement hypoxémiques, en fonction de l’importance de ce shunt. Les malformations vascularisées par plus d’une branche de l’artère pulmonaire ou drainées par plusieurs veines pulmonaires segmentaires sont appelées malformations artérioveineuses pulmonaires complexes.

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Image radiologique d’une malformation artérioveineuse pulmonaire volumineuse.

Fig_03-01-40_05

Malformation artérioveineuse pulmonaire lobaire inférieure droite en tomodensitométrie.

Les malformations artérioveineuses pulmonaires prédominent dans les lobes inférieurs (60 à 95 %) et sont multiples dans environ la moitié des cas [5], [14]. Elles sont plus fréquentes chez les femmes, avec un sex-ratio variant de 1/1,5 à 1/1,9. L’âge au diagnostic est d’environ 40 ans, mais va probablement diminuer du fait du dépistage. Les malformations artérioveineuses pulmonaires peuvent être présentes dès la petite enfance.

Leur incidence est supérieure chez les patients avec des mutations des gènes ENG et SMAD4 (environ 50 %) que chez les patients présentant des mutations ALK1 (environ 25 %).

Symptômes

Par ordre de fréquence, les symptômes liés aux malformations artérioveineuses pulmonaires sont les suivants :

aucun. La plupart du temps, les malformations artérioveineuses pulmonaires sont totalement asymptomatiques, d’où l’intérêt d’un dépistage systématique clairement démontré pour les malformations accessibles à un traitement ;

– des complications neurologiques secondaires qui sont redoutées et justifient la prévention. Il s’agit d’accidents vasculaires cérébraux (accidents ischémiques transitoires ou AVC avec séquelles) et d’abcès cérébraux, parfois inauguraux (embolie paradoxale septique ou gazeuse) [4], [5], [6], [14]. Les AVC ou abcès cérébraux peuvent être la manifestation inaugurale de la maladie de Rendu-Osler. Ces abcès cérébraux sont souvent dus à des bactéries anaérobies multiples. Les migraines sont également fréquemment observées ;

– l’hypoxémie (shunt droite-gauche), la dyspnée, la cyanose et l’hippocratisme digital ;

– l’hémoptysie d’abondance variable, possible en cas de volumineuses fistules mais rare depuis le dépistage systématique.

Dépistage

Il doit être systématique pour prévenir les complications.

Chez l’adulte, le dépistage des malformations artérioveineuses pulmonaires doit comporter soit une échographie cardiaque de contraste, soit une tomodensitométrie thoracique spiralée sans injection, « faible dose », volumique en coupe fine étudié en MIP (maximum intensity projection).

Chez l’enfant, le dépistage de volumineuses malformations artérioveineuses pulmonaires par radiographie pulmonaire de face et de profil peut être utile en première intention. En leur absence sur la radiographie du thorax, le dépistage peut comporter une échographie cardiaque de contraste, par un échographiste compétent en cardiopédiatrie, si l’enfant est coopérant, à partir de l’âge de 5 ans. Si l’échographie cardiaque de contraste ne montre pas de shunt, la réalisation d’une tomodensitométrie n’est pas recommandée (irradiation), sauf en cas d’éléments cliniques évocateurs. Si l’échographie cardiaque de contraste est en faveur d’un shunt pulmonaire, la réalisation d’une tomodensitométrie thoracique spiralé « faible dose », volumique en coupe fine étudié en MIP (maximum intensity projection) est recommandée.

Traitement

Le traitement de choix des malformations artérioveineuses pulmonaires, dont le vaisseau afférent est accessible techniquement, est la vaso-occlusion de l’artère afférente pendant une artériographie. Chez l’adulte, il est recommandé de réaliser cet examen sans anesthésie générale.

Les malformations artérioveineuses pulmonaires découvertes chez la femme enceinte peuvent être vaso-occluses en cours de grossesse par des équipes expérimentées et multidisciplinaires en cas de retentissement vital maternel et/ou fœtal.

Tout patient porteur de malformations artérioveineuses pulmonaires doit être informé du risque infectieux et doit bénéficier, dans l’état actuel des connaissances, de la même antibioprophylaxie que les patients atteints d’une valvulopathie à risque modéré ; et du risque d’embolie paradoxale qui contre-indique la pratique de la plongée sous-marine.

Malformations artérioveineuses hépatiques

Définition et caractéristiques

L’atteinte hépatique de la maladie de Rendu-Osler est définie par la présence de malformations vasculaires, qui impliquent potentiellement tous les vaisseaux hépatiques. L’évolution des lésions vasculaires consiste en l’élargissement progressif et l’apparition de multiples malformations artérioveineuses directes. Les anomalies vasculaires du foie sont détectées chez 41 à 78 % des patients en fonction de la technique d’imagerie utilisée, montrant des télangiectasies, un élargissement des diamètres vasculaires, l’augmentation de la vitesse des flux vasculaires, la tortuosité des branches de l’artère hépatique, des images nodulaires ou des shunts vasculaires [3]. Les shunts peuvent être de trois types (Figure S3-P1-C40-6) : artério-sus-hépatiques (responsables d’un hyperdébit cardiaque), artérioportes (responsables d’une hypertension portale) ou entre la veine porte et les veines sus-hépatiques (responsable d’une ischémie biliaire).

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Vascularisation hépatique et différents types de shunts vasculaires. Shunts : (1) artérioporte ; (2) veine porte-veine sus-hépatique ; (3) artério-sus-hépatique.

L’incidence des malformations artérioveineuses hépatiques est supérieure chez les patients avec des mutations des gènes ALK1 et SMAD4 (environ 80 %) que chez les patients présentant des mutations de l’ENG.

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Schéma et classification de l’évolution de l’hyperdébit cardiaque secondaire aux malformations artérioveineuses hépatiques [12].

Symptômes

Par ordre de fréquence, les symptômes liés aux malformations artérioveineuses hépatiques sont les suivants :

Fig_03-01-40_08a

Fig_03-01-40_08b

Échographie hépatique montrant une dilatation de l’artère hépatique (a et b).

aucun. La plupart du temps, les anomalies vasculaires hépatiques sont totalement asymptomatiques. Seulement 5 à 8 % sont décrites avec des symptômes dans des études récentes ;

– un hyperdébit cardiaque lié au shunt gauche-droite. Il s’agit de la complication la plus fréquente (70 %) dont l’évolution progressive peut aboutir à une insuffisance cardiaque à haut débit dont les différents stades sont résumés sur la figure S3-P1-C40-7 [12]. L’évolution vers une hypertension portale post-capillaire est péjorative ;

– l’hypertension portale qui se présente avec un tableau d’ascite avec varices œsophagiennes [6] ;

– la nécrose biliaire qui se manifeste par des douleurs aiguës de l’hypocondre droit mimant un tableau de cholécystite évoluant souvent par crise, mais pouvant être responsable de septicémie ou d’abcès hépatique. En l’absence de traitement, l’évolution est rapidement fatale ;

– des anomalies radiologiques cérébrales secondaires. Le plus souvent asymptomatiques, elles sont observées en IRM localisées dans les noyaux gris centraux. Il s’agit d’hypersignaux visibles sur les séquences pondérées en T1, bilatéraux symétriques et intéressant principalement le pallidum, parfois la substance nigroréticulée, le noyau sous-thalamique, le noyau caudé et le putamen. L’hypothèse physiopathologique avancée est celle de dépôt, dans les noyaux gris centraux, de manganèse normalement filtré par le foie et excrété par les voies hépatobiliaires. En cas de shunt portosystémique ou d’un dysfonctionnement hépatocellulaire, il est constaté une augmentation du taux de manganèse dans le sang et le liquide céphalorachidien.

Dépistage

En première intention, le dépistage se fait par une échographie et un doppler hépatique couleur avec mesure du diamètre des vaisseaux et des vitesses de flux ou aspects particuliers à la maladie de Rendu-Osler, sous forme d’une grille de paramètres (classification de Buscarini) [3] (Figure S3-P1-C40-8).

La surveillance de départ, en cas d’atteinte hépatique clinique liée à la maladie de Rendu-Osler, comprend une échographie cardiaque (avec notamment une évaluation du débit cardiaque ou de l’index cardiaque et des pressions de l’artère pulmonaire).

L’identification précise de manifestations hépatiques radiologiques particulières et des lésions focales hépatiques, en relation avec la maladie de Rendu-Osler, pourra faire appel aux techniques de tomodensitométrie (Figure S3-P1-C40-9), d’IRM, sans et avec produit de contraste, aux temps artériel systémique strict, portal et tardif.

Fig_03-01-40_09

Tomodensitométrie hépatique montrant une hyper-artérialisation hépatique, des tortuosités et des dilatations vasculaires.

La biopsie hépatique est contre-indiquée en cas d’atteinte hépatique liée à la maladie de Rendu-Osler.

Le dépistage peut comporter un examen biologique pour rechercher des signes de cholestase (-glutamyltranspeptidase, phosphatases alcalines) et confirmer le plus souvent l’absence de cytolyse (transaminases).

En l’absence de complications décrites chez l’enfant, ce dépistage n’est pas proposé avant 18 ans.

Traitement

Le traitement médical sera adapté à la manifestation :

– cardiaque (hyperdébit par shunt intrahépatique), traitement de l’insuffisance cardiaque, correction de l’anémie, prise en charge de l’arythmie ;

– hypertension portale (traitement des varices œsophagiennes, de l’ascite).

La transplantation hépatique a montré son bénéfice dans les complications hépatiques sévères de la maladie de Rendu-Osler, en cas de nécrose biliaire, d’hypertension portale ou d’insuffisance cardiaque symptomatique [9]. En cas d’hyperdébit cardiaque, la transplantation hépatique doit être proposée avant des complications cardiaques irréversibles.

Les traitements anti-angiogéniques ouvrent des perspectives intéressantes pour le traitement de ces formes hépatiques sévères.

Des modèles murins ont montré l’action de ces molécules sur la prolifération vasculaire. Il a été rapporté, en 2006 et 2008, une amélioration spectaculaire après administration de bévacizumab intraveineux (anticorps anti-VEGF) de l’état clinique de deux patients ayant une maladie de Rendu-Osler compliquée d’une atteinte hépatique sévère avec un retentissement cardiaque.

Une étude utilisant le bévacizumab par voie intraveineuse a été menée entre mars 2009 et novembre 2011 afin d’étudier son efficacité dans les formes hépatiques graves de la maladie de Rendu-Osler avec retentissement cardiaque [10]. Cette étude a mis en évidence une efficacité significative de ce traitement sur l’atteinte hépatique, objectivée par la diminution de l’hyperdébit cardiaque secondaire aux malformations vasculaires hépatiques, mais aussi une amélioration significative des épistaxis et ce traitement a considérablement amélioré la qualité de vie des patients.

De la même manière, trois patients avec complications biliaires sévères ont été récemment rapportés [16]. Le traitement par bévacizumab a permis dans ces trois cas d’éviter la greffe. Le recul actuel pour ces patients est de 2 ans.

Malformations vasculaires neurologiques

Les symptômes neurologiques observés dans la maladie de Rendu-Osler sont principalement secondaires aux malformations artérioveineuses pulmonaires (voir plus haut). Nous décrirons ici les complications neurologiques dites « primaires », liées aux malformations vasculaires cérébrales et médullaires.

Définition et caractéristiques

La présentation clinique et morphologique des malformations vasculaires neurologiques est variable. Les fistules artérioveineuses sont observées surtout chez les jeunes enfants (âge moyen de 3 ans), les micromalformations artérioveineuses chez les jeunes adolescents et les petites malformations artérioveineuses chez les adolescents. Elles prédominent chez les patients de sexe masculin, en particulier dans la population pédiatrique [15].

Plusieurs types de malformations vasculaires sont observés. Les malformations artérioveineuses sont les plus fréquentes (73 à 97 % selon les séries). Les fistules durales sont décrites surtout dans la population pédiatrique, représentant jusqu’à 70 % des malformations vasculaires de l’enfant alors qu’elles sont retrouvées chez un peu moins d’un tiers des adultes. Les télangiectasies, les cavernomes et les anomalies veineuses sont plus rarement observés. La coexistence de malformations artérioveineuses et d’anévrysmes est possible.

L’incidence des malformations vasculaires neurologiques est supérieure chez les patients avec des mutations du gène ENG (15 à 25 %) que chez les patients présentant des mutations du gène ALK1 (6 à 10 %).

Des anomalies du développement cortical sont également rapportées dans la maladie de Rendu-Osler. Il s’agit de malformations du cortex cérébral liées à des anomalies de la prolifération des neurones et des cellules gliales, de la migration neuronale et de l’organisation du cortex durant la corticogenèse. Sur une série de 162 patients atteints de la maladie de Rendu-Osler explorés en IRM à Lyon, des polymicrogyries de topographie périsylvienne ont été détectées chez douze patients ainsi qu’un cas de dysplasie corticale focale.

Symptômes

Les symptômes sont les suivants :

aucun. Les malformations vasculaires, dominées par les malformations artérioveineuses cérébrales, sont moins souvent symptomatiques dans la maladie de Rendu-Osler que dans la population générale ;

– lorsqu’elles sont symptomatiques, les présentations cliniques sont les mêmes que dans la population générale : céphalées, migraines atypiques, crises d’épilepsies, déficit neurologique lié à une manifestation hémorragique ou à une ischémie artérielle ou veineuse ;

– particularités des anomalies vasculaires médullaires. Les manifestations cliniques sont secondaires à une souffrance médullaire de nature hémorragique (hématomyélie, hémorragie sous-arachnoïdienne), ischémique, ou d’un effet de masse lié à la congestion veineuse. Les symptômes sont le plus souvent aigus, mais une installation subaiguë, voire progressive, est possible (tableaux de myélopathie avec une tétraparésie ou une paraparésie, des troubles vésicosphinctériens, des lombalgies et radiculalgies).

Dépistage

En l’absence de rapport bénéfice/risque évalué d’un dépistage systématique, après une information complète sur les malformations artérioveineuses cérébrales et les possibilités thérapeutiques, il peut être proposé aux patients adultes la réalisation d’une imagerie cérébrale et spinale non invasive (IRM ou angioscanner) pour le dépistage de malformations artérioveineuses cérébrales ou médullaire.

Il est recommandé aux femmes en âge de procréer de réaliser une angio-IRM spinale avant toute première grossesse pour éliminer une volumineuse malformation artérioveineuse spinale.

Traitement

Le traitement ne diffère pas de celui des malformations vasculaires neurologiques en dehors de la maladie de Rendu-Osler. Différentes techniques peuvent être utilisées : embolisations, chirurgie et radiothérapie (pour les malformations artérioveineuses non hémorragiques).

Malformations vasculaires digestives

Définition et caractéristiques

Les angiodysplasies gastro-intestinales sont observées dans le grand et le petit intestin chez 15 à 30 % des patients atteints de la maladie de Rendu-Osler [8]. Ces lésions peuvent être observées sur l’ensemble du tractus gastro-intestinal, mais l’estomac et l’intestin grêle proximal sont principalement concernés, et sont responsables de saignements chroniques et/ou aigus et d’anémie. Cette complication est présente chez les patients avec mutation des gènes ALK1 et ENG.

Symptômes

Les malformations vasculaires sont souvent asymptomatiques dans la maladie de Rendu-Osler.

Lorsqu’elles sont symptomatiques, les présentations cliniques sont de nature hémorragique (anémie chronique ou aiguë).

Dépistage

L’exploration digestive ne se justifie que devant un signe d’appel : hémorragie extériorisée sous forme d’hématémèse ou de méléna, ou anémie inexpliquée ou subitement aggravée.

L’exploration digestive doit comprendre une gastroscopie et une coloscopie et, en cas de négativité, une vidéocapsule peut être discutée.

Traitement

La plupart des patients sont traités par fer oral ou intraveineux, ou bien on recourt à des transfusions en cas d’anémie sévère.

Un traitement endoscopique peut être proposé par coagulation au plasma argon ou sclérothérapie avec aetoxisclérol. Toutefois, l’inaccessibilité de certaines lésions est un facteur limitant important. Des thérapies médicales ont été essayées (thalidomide, lénalidomide, acide aminocaproïque, œstrogènes, acide tranexamique) mais, à ce jour, aucun traitement n’a prouvé son efficacité dans des essais randomisés. Le bévacizumab est probablement une perspective intéressante de traitement.

Maladie de Rendu-Osler et HTP primitive

L’hypertension pulmonaire primitive précapillaire (HTP) et la maladie de Rendu-Osler sont deux affections distinctes causées par des mutations dans les gènes codant les membres de la superfamille TGF-β/BMP : BMPR2 dans l’HTP primitive et ACVRL1, ENG, ou SMAD4 dans la maladie de Rendu-Osler.

Comme nous l’avons précédemment vu, l’HTP la plus souvent observée dans la maladie de Rendu-Osler est de type post-capillaire, secondaire au shunt hépatique et à l’hyperdébit cardiaque lié aux malformations vasculaires hépatiques. Les résistances pulmonaires sont normales dans ce cas-là.

L’HTP primitive est une grave maladie affectant les petites artères pulmonaires, avec remodelage progressif conduisant à une augmentation des résistances vasculaires.

Quelques cas d’HTP primitive ont été décrits associés à la maladie de Rendu-Osler, mais restent des observations très rares.

Conseil génétique

La recherche d’une mutation dans les gènes ALK1, ENG et SMAD4 doit être proposée à tout patient dont le diagnostic est cliniquement certain ou possible et aux sujets apparentés à un sujet atteint chez qui la mutation familiale responsable de la maladie de Rendu-Osler a été identifiée, dans le respect des lois de bioéthique.

En cas de mutation familiale trouvée chez un apparenté, la pratique d’un bilan d’extension se justifie.

Les parents atteints de la maladie de Rendu-Osler doivent être informés du risque de transmission de 50 % à chaque enfant, compte tenu du mode de transmission autosomique dominante, avec une pénétrance presque complète après l’âge de 50 ans.

Dans la mesure où le diagnostic génétique aboutit à une prise en charge adaptée et des examens de dépistage des malformations artérioveineuses pulmonaires dont le retentissement peut être sévère, le dépistage peut être proposé vers l’âge de 6 ans après discussion et information des parents.

Conclusion

La maladie de Rendu-Osler est une maladie dont le diagnostic a un intérêt clairement démontré pour le dépistage et la prévention des complications.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Dupuis-Girod S. Maladie de Rendu-Osler. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S03-P01-C40 : 1-8.