S04-P03-C08 Syndromes lymphoprolifératifs : Leucémie à tricholeucocytes

S04-P03-C08 Syndromes lymphoprolifératifs : Leucémie à tricholeucocytes

Hématologie

Michel LEPORRIER
Date de mise à jour : 14/12/2021

Partie III : Leucémie à tricholeucocytes

Michel Leporrier

C’est une maladie chronique, maligne, caractérisée par la prolifération lente dans la rate, la moelle osseuse et, tardivement, dans le sang de cellules lymphoïdes caractéristiques par leur aspect cytologique. La première description de l’affection est celle d’Ervald en 1923, sous le nom de réticulo-endothéliose leucémique, terme qui sera repris par B. Bouroncle à propos de vingt-six patients dans un article consacrant l’individualisation de la maladie [6]. Le terme de leucémie à cellules chevelues (hairy cells) ou tricholeucocytes s’est imposé par la suite, privilégiant l’aspect des cellules plus que leur origine et rendant obsolètes les nombreux synonymes en usage [7].

Caractéristiques des tricholeucocytes

Aucune similitude morphologique ne les rapproche de cellules normales. Les caractéristiques immunophénotypiques sont celles d’une cellule lymphoïde B mûre : expression des antigènes CD19/20/22/79a (mais pas 79b) et FmC7, présence d’immunoglobulines de membrane M, G ou A (mais pas D) et de manière constante, récepteurs de l’interleukine 2 (CD25) et de faible affinité pour l’interleukine 3 (CD123) [34]. Le réarrangement des gènes des chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines, et la présence de mutations somatiques évoquent la possibilité d’un contact antigénique à l’origine de la sélection clonale [2]. Cependant, les tricholeucocytes expriment aussi certaines caractéristiques d’autres lignées : phagocytose in vitro de bactéries ou de particules de latex [10], et expression du gène ANXA1 impliqué dans leurs propriétés phagocytaires [16], activité peroxydasique [41], phosphatase acide tartrate résistante, marqueurs de la lignée monocyte-macrophage (CD11c, récepteurs Fc des IgG) et CD103, intégrine présente sur les lymphocytes T intra-épithéliaux, T régulateurs et les cellules dendritiques [12]. Les études cytogénétiques n’ont pas montré d’anomalie récurrente caractéristique [29]. De façon pratiquement constante, les cellules sont porteuses d’une mutation ponctuelle V600F du gène BRAF [46], mutation également décelable dans plusieurs variétés de néoplasmes, mélanome en particulier. Font exception les variants ayant sélectionné le gène IgVH 4-34, et chez lesquels on retrouve des mutations de MAP2K1 (voir plus loin).

Étiologie

La maladie est rare, son incidence annuelle estimée à 50 à 100 nouveaux cas en France (600 aux États-Unis). La fréquence est plus élevée chez les sujets blancs, moindre chez les asiatiques, les noirs africains et les arabes [44]. La maladie affecte les adultes avec un pic de fréquence vers la cinquantaine (20-90 ans) avec une prépondérance masculine (4 cas sur 5) et une incidence accrue en milieu agricole. Inversement, le tabagisme aurait un rôle protecteur [36], le rôle des solvants benzéniques des pesticides est évoqué [19], [39]. L’haplotype DBR1*11 est surreprésenté [3]. Les cas familiaux sont rares [13].

Diagnostic

La maladie est révélée par une splénomégalie, une pancytopénie surtout marquée sur la lignée des neutrophiles, la présence de cellules chevelues dans le sang ou une complication infectieuse.

La splénomégalie est fréquente, notée dans les premières séries publiées dans 60 à 70 % des cas lors du diagnostic. Sa taille est grossièrement parallèle à l’importance de la pancytopénie dont elle est en partie responsable par un phénomène d’hypersplénisme. Elle peut largement dépasser l’horizontale et la verticale de l’ombilic ; une reconnaissance plus précoce de la maladie tend à raréfier la fréquence de ces formes volumineuses. De rares cas de rupture splénique spontanée sont connus. L’infiltration de la rate par les tricholeucocytes revêt un aspect bien particulier : les cellules chevelues encombrent les sinus et les cordons donnant un aspect d’infiltration « pseudo-angiomateuse » de la pulpe rouge. Cet aspect diffère de celui des proliférations lymphoïdes B habituelles (leucémie lymphoïde chronique, lymphome), où les cellules pathologiques infiltrent pulpe blanche. L’infiltration du foie est sinusoïdale et périportale. La pression portale est élevée mais rarement responsable de manifestations propres.

L’absence d’adénopathies cliniquement significatives est la règle : elles doivent faire suspecter une infection (principalement à mycobactéries), ou un autre diagnostic. Cependant, des adénopathies profondes spécifiques de volume modéré peuvent être décelées par une étude tomodensitométrique dans 10 % des cas en situation de rechute ou lorsque la splénomégalie est volumineuse [35].

Diagnostic hématologique [20]

L’hémogramme révèle une pancytopénie de sévérité variable et parfois dissociée. La granulocytopénie est pratiquement constante, parfois extrême, confinant à l’agranulocytose. Elle s’associe à une monocytopénie. Ces anomalies expliquent la fréquence des épisodes infectieux et la nature des germes responsables (voir plus loin). Une anémie arégénérative et une thrombopénie sont habituelles, rarement très importantes. La présence de tricholeucocytes est quasi constante sur les frottis. Leur concentration habituelle est de 1 000 à 10 000/μl, des formes extrêmes dépassant 50 000/μl sont exceptionnelles, sauf dans le cas des formes dites « variantes » (voir plus loin). Elles peuvent passer inaperçues sur un hémogramme de routine et, bien évidemment, à l’examen d’un automate de formule leucocytaire. L’aspect des cellules est caractéristique : noyau, ovoïde ou réniforme, chromatine spongieuse, cytoplasme abondant émettant des expansions « chevelues » à la limite de la visibilité. Elles expriment une activité phosphatase acide résistante à l’acide tartrique.

L’infiltration médullaire par les tricholeucocytes est constante. L’aspiration par ponction est souvent difficile parfois impossible en raison d’une myélofibrose associée. Sur un prélèvement biopsique, les cellules se disposent en nappe, les noyaux réguliers restent espacés, séparés les uns des autres par la trame lâche de leurs cytoplasmes, parfois soulignée par la fibrose réticulinique. Cet aspect est assez caractéristique pour ne prêter confusion avec aucune autre hémopathie lymphoïde. L’étude immunohistologique y montre une positivité de ces cellules pour CD20, l’annexine-1 et VE1 (marqueur de la mutation BRAF V600E).

L’étude immunophénotypique des cellules sanguines est nécessaire pour confirmer le diagnostic.  Dans la forme habituelle, elles expriment les critère de monoclonalité B (monotypie Kappa/Lambda, CD 19, CD20), CD25 (récepteur de l’interleukine 2), ainsi que CD103 (integrine αE exprimée tissue-par les lymphocytes T mémoires tissulaires), CD123 (chaîne alpha du récepteur de l’interleukine 3), CD200 [25], [34]. Ces critères permettent de distinguer la forme classique de la maladie d’une forme variante (voir ci-dessous) et de certains lymphomes spléniques qui peuvent prêter à confusion (lymphome splénique de la zone marginale, lymphome lymphocytique B splénique diffus de la pulpe rouge).

En raison de la rareté habituelle des cellules dans les échantillons de sang, il est recommandé de chercher la mutation  BRAF V600E par des méthodes de haute sensibilité (PCR allèle spécifique, on séquençage de nouvelle génération). À défaut, elle peut être mise en évidence en immuno-histochimie sur les cellules médullaires [25].

Forme variante

Cette forme de présentation est rare (<10 % des cas). Elle diffère de la forme classique par la présence de tricholeucocytes dans le sang en nombre souvent considérable (100 000 à 500 000/μl), l’absence de monocytopénie. L’aspect des cellules chevelues est proche d’un prolymphocyte. L’infiltration médullaire est interstitielle ou intrasinusoïdale. L’expression de la phosphatase acide tartrate résistante, de CD25, CD123, et du produit du gène ANXA1 et de CD200 y est faible ou nulle. En termes d’immunogénétique, ces formes comportent peu de mutations somatiques et sélectionnent fréquemment le répertoire VH4-34 [1]. La mutation V600F n’y est pas retrouvée [50]. La classification OMS 2008 considère désormais cette variante comme une entité indépendante provisoire [40]. La médiane de survie y est de 9 ans [1], [35].

Autres manifestations et complications

Infections

Elles dominaient l’histoire naturelle de la maladie avant l’ère des traitements actifs (1984) : souvent révélatrices, elles en scandaient l’évolution et constituaient la principale cause de décès. Le risque infectieux est fonction du degré de la granulocytopénie et la monocytopénie qui en conditionnent la nature : pneumopathies, voire épisodes septicémiques à Gram positif, plus rarement infections à levures (Candida et Cryptococcus), champignons (Aspergillus). La fréquence des infections à mycobactéries (Mycobacterium tuberculosis, M. avium intracellulare, M. kansasii) doit être soulignée en raison de la difficulté parfois extrême d’en établir le diagnostic devant un état fébrile apparemment nu ; les prélèvements de moelle, de foie, les hémocultures sur milieux spécialisés et les techniques de biologie moléculaire (PCR) sont souvent nécessaires pour en apporter la preuve bactériologique.

Les traitements modernes ont bouleversé l’incidence et le pronostic de ces infections : en dehors d’un épisode infectieux révélateur de la maladie, l’hospitalisation d’un patient pour une complication infectieuse est devenue exceptionnelle.

Vascularites et manifestations systémiques

Elles revêtent un aspect proche, pour certaines manifestations, d’une péri-artérite noueuse par l’éruption livédoïde ou généralisée, le purpura infiltré, les nouures dermo-hypodermiques, les anévrysmes artériels évoluant dans un contexte fébrile [15]. Elles en diffèrent par la rareté des manifestations neurologiques, de l’atteinte rénale. Un examen anatomopathologique d’une lésion cutanée ou viscérale (poumon) révèle un aspect de vascularite granulomateuse ou leucocytoclasique ou, dans près de la moitié des cas, une infiltration cellulaire spécifique. La présence de l’antigène de l’hépatite B, d’un facteur rhumatoïde, d’une hypocomplémentémie, d’une cryoglobuline mixte, d’anticorps antinucléaires est parfois signalée [17], [23]. Ces manifestations sont souvent contemporaines d’une infection, en particulier à mycobactérie [17].

Manifestations osseuses

Elles sont rares, sous forme de lésions ostéolytiques pseudo-myélomateuses au niveau du squelette axial, du bassin et des cols fémoraux [24] et peuvent entraîner une fracture spontanée ou une nécrose ischémique. Les formes avec ostéocondensation sont exceptionnelles [49].

Protéine monoclonale

La présence d’un composant monoclonal a été signalée [22], sans qu’une relation soit clairement établie avec la prolifération des tricholeucocytes. L’absence de relation fut ultérieurement démontrée dans cette observation par l’émergence tardive d’un autre lymphome B à petits lymphocytes de même spécificité idiotypique que la macroglobuline [21].

Cancers associés

L’incidence des tumeurs solides et hématopoïétiques au cours de la maladie a donné lieu à des résultats contradictoires. L’expérience canadienne fait état d’une augmentation de fréquence significative chez les hommes atteints (risque relatif : 2,91) et moins significative chez les femmes [4]. À l’inverse, un groupe coopératif italien n’observe pas d’augmentation de l’incidence de second cancer dans un registre de 1 136 patients [18]. Une étude de registre portant sur 3 104 patients suivis entre 1973 et 2002 indique une augmentation faible mais significative du risque de lymphome hodgkinien et non hodgkinien et de cancers thyroïdiens, un moindre risque de cancer bronchique [27]. L’influence des traitements ne peut être précisée.

Évolution et pronostic

Depuis la mise à disposition de traitements actifs, la maladie, dans sa forme classique, est devenue une affection chronique, ambulatoire, cliniquement inapparente et compatible avec une survie et une activité normales.

Traitement

Réduit jusqu’en 1984 à un effet palliatif de la splénectomie, le traitement s’est enrichi depuis de médicaments très actifs avec l’interféron recombinant (1984), les analogues de purines dans les années 1990, l’anticorps anti-CD20 dans les années 2000, et plus récemment les traitements ciblés.

Interféron α

Les produits actuellement disponibles sous forme recombinante sont comparables et ne diffèrent que par la nature d’un acide aminé en position 23 (interférons α2a et α2b humains recombinants). L’administration sous-cutanée, à la dose de 3 millions d’unités 3 fois par semaine est le schéma dont l’efficacité et la tolérance sont établies : on observe pendant les premières semaines une accentuation de la neutropénie, puis l’hémogramme se corrige progressivement en 3 à 6 mois. Les tricholeucocytes disparaissent en général du sang et le volume splénique diminue ou se normalise dans le même délai chez plus de 80 % des patients. La régression de l’infiltration médullaire est un peu plus lente, généralement incomplète. La myélofibrose persiste, peu modifiée. Après un an, le traitement a en général développé son effet maximal.

Les effets secondaires de l’interféron sont fréquents mais rarement sévères : un syndrome pseudo-grippal dit de « libération de cytokines » sensible à un traitement symptomatique par le paracétamol en marque les premières semaines puis disparaît spontanément. Les autres effets indésirables sont une diminution de la libido (30 à 50 % des patients), plus rarement une cytolyse hépatique, des effets psychiques peuvent exacerber une tendance dépressive. La résistance primaire au traitement est rare (10 %) en dehors des formes variantes. La résistance acquise a fait incriminer l’apparition d’anticorps anti-interféron α [42]. L’interféron n’a pas d’effet oncogénique à long terme [18]. Il peut être administré sans danger chez les patientes en cas de grossesse.

Chlorodésoxyadénosine

Cet analogue purinique résiste à la dégradation par l’adénosine désaminase : il est alors accumulé et transformé en nucléotides triphosphates, induisant l’apoptose des cellules l’ayant incorporé. Utilisé par voie sous-cutanée à la dose de 0,14 mg/kg/j 5 jours de suite, il provoque après une seule cure un effet thérapeutique remarquable (96 % de réponses, dont 76 % complètes incluant la disparition apparente des tricholeucocytes de la moelle). Cet effet est prolongé plusieurs années. En cas de réponse incomplète ou de reprise évolutive, une deuxième cure peut être administrée, éventuellement combinée à l’interféron (voir ci-dessous). Les effets indésirables à court terme sont hématologiques (surtout neutropénie et thrombopénie) et généraux (syndrome fébrile inexpliqué). Ils disparaissent après quelques semaines L’immunodépression liée à une chute des lymphocytes CD4, est très profonde et durable : la médiane de récupération est de 40 mois [43].

Pentostatine (ou déoxycoformycine)

C’est une substance extraite de Streptomyces antibioticus, dont la propriété est d’inhiber l’adénosine désaminase et de reproduire les conditions cellulaires de ce déficit immunitaire : l’accumulation de précurseurs nucléotidiques non dégradés conduit à l’apoptose cellulaire, surtout sur les cellules lymphoïdes. Ce médicament est administré par voie veineuse à la dose de 4 mg/m2 tous les 15 jours, pendant 3 à 6 mois, temps nécessaire pour observer une réponse maximale. Globalement, près de 90 % des patients répondent à ce traitement, plus d’une fois sur deux de manière complète incluant une disparition (apparente) des tricholeucocytes de la moelle osseuse. L’effet le plus remarquable est la prolongation de ce bénéfice après arrêt du traitement : 90 % des patients en conservent le bénéfice pendant 3 ans, et certains jusqu’à 10 ans. Les effets indésirables sont principalement hématologiques : neutropénie réversible après quelques semaines et lymphopénie CD4 profonde et durable, avec un délai médian de récupération de 54 mois [43]. La toxicité hématologique et rénale semble faible aux doses actuelles proposées.

Rituximab

L’usage de cet anticorps monoclonal anti-CD20 est plus récent et l’expérience en est plus limitée [26], [32]. Administré en perfusions intraveineuses hebdomadaires à la dose de 375 mg/m2 pendant 8 semaines, il peut procurer des réponses chez des patients en cas de résistance primaire. La combinaison rituximab-chlorodésoxyadénosine (voir plus loin) est recommandée d’emblée dans la forme variante [31] ou de rechute après les traitements précédents.

Traitements ciblés

Les anticorps monoclonaux couplés à une immunotoxine semblent également très actifs. Le conjugué toxine de pseudomonas/anticorps anti-CD22 est particulièrement intéressant puisqu’il cible un épitope constamment exprimé par les tricholeucocytes, y compris dans la forme variante [30]. Ce traitement a déclenché quelques cas de syndrome hémolytique et urémique, chez des patients porteurs de l’haplotyme n DBR1*11 [3]. Des études récentes chez des patients en rechute après traitement par analogues de purines ou y résistant soulignent l’efficacité du vémurafénib, un inhibiteur ciblant spécifiquement la mutation BRAF V600 au prix d’une toxicité hématologique [11], [45]. De même, l’ibrutinib a permis d’obtenir des réponses chez des patients en échec avec les traitements précédents [5].

Splénectomie

Principal recours thérapeutique jusqu’en 1984, la splénectomie permettait de minorer pendant quelques mois les manifestations liées à la pancytopénie. Cette intervention n’est aujourd’hui plus recommandée sauf en cas de splénomégalie volumineuse persistant sous traitement [28].

Conduite des traitements [25, 38]

Les formes peu ou pas symptomatiques et dont le degré de cytopénie est peu prononcé peuvent être surveillées sans recourir à un traitement immédiat. La mise en route du traitement est liée au caractère symptomatique de la splénomégalie et à l’abaissement significatif des neutrophiles et des plaquettes exposant à des risques infectieux et hémorragiques.

En l’absence d’étude contrôlée comparant ces traitements, notamment pour leurs effets sur la survie globale, et en dépit d’une incertitude persistante sur le risque à long terme de seconde malignité, priorité est donnée aujourd’hui à la chlorodésoxyadénosine ou à la déoxycoformycine en raison d’une efficacité plus importante en termes de taux de réponses complètes et de durée des réponses observées, qui semblent très superposables. La médiane de survie sans rechute ou progression après traitement par analogue purinique est évaluée à 16, 11 et 6,5 ans selon que ce traitement est administré en première, seconde ou troisième intention [34].

La chlorodésoxyadénosine et la déoxycoformycine diffèrent principalement par leurs effets indésirables. L’astreinte thérapeutique imposée au patient est plus marquée avec la seconde qu’avec la première, et inversement pour la toxicité hématologique à court terme, ce qui peut, chez un sujet sévèrement cytopénique au diagnostic, faire préférer la déoxycoformycine, voire le rituximab ou l’interféron, en particulier en cas d’infection évolutive sévère contemporaine. L’immunodépression durable et profonde justifie une prévention systématique des infections opportunistes par aciclovir et clotrimazole pendant plusieurs mois, ainsi que l’irradiation des produits transfusés en raison du risque de réaction du greffon contre l’hôte post-transfusionnelle [49]. Par ailleurs, ces deux médicaments sont excrétés par voie rénale, ce qui justifie une réduction de doses, voire une contre-indication en cas d’insuffisance rénale. Les autres effets indésirables de cette classe de médicament sont neurologiques [8].

Il est possible d’associer les analogues puriniques à l’interféron, soit en première ligne ou en cas de reprise évolutive. L’association rituximab-chlorodésoxyadénosine (l’anticorps étant administré simultanément ou à la suite de l’analogue purinique) augmente l’efficacité de l’analogue purinique en termes de taux de réponses complètes (y compris de maladie résiduelle non détectable) au prix d’une toxicité hématologique accrue [9]. Cette association est recommandée d’emblée dans la forme variante [31] ou de rechute après les traitements précédents.

L’étude des moelles des patients en réponse complète (clinique et hématologique) montre dans une proportion importante des cas la persistance d’une maladie résiduelle médullaire par cytométrie, immunohistochimie ou génétique moléculaire (mise en évidence d’une clonalité des gènes d’immunoglobine ou présence de la mutation V600F). Si l’absence de maladie résiduelle médullaire confère une prolongation du délai de résurgence symptomatique de l’affection, l’intérêt de ce type de réponse en termes de survie reste à démontrer. La persistance d’une maladie résiduelle est compatible avec une très longue survie, de telle sorte que l’objectif de son éradication n’est pas aujourd’hui consensuel [25], [28].

En cas de reprise évolutive après une première réponse durable, le choix du médicament peut porter sur le médicament utilisé initialement ou faire proposer un changement, sachant l’absence de résistance croisée entre les deux analogues de purines. Les considérations de toxicité et de coût, de contre-indications relatives et de résistance constituent les critères de choix.

Bibliographie

Leucémie à tricholeucocytes

1. ARONS E, SUNTUM T, STETLER-STEVENSON M, RJ KREITMAN. VH4-34+ hairy cell leukemia, a new variant with poor prognosis despite standard therapy. Blood, 2009, 114 :4687-4695.
2. ARONS E, ROTH L, SAPOLSKY J et al. Evidence of canonical somatic hypermutation in hairy cell leukemia. Blood, 2011,117 : 4844-4851.
3. ARONS E, ADAMS S, VENZON DJ et al. Class II human leucocyte antigen DRB1*11 in hairy cell leukaemia patients with and without haemolytic uraemic syndrome Br J Haematol. 2014 ; 166 : 729–738. Doi : 10.1111/bjh.12956.
4. AU WY, KLASA RJ, GALLAGHER R et al. Second malignancies in patients with hairy cell leukemia in British Columbia : a 20-year experience. Blood, 1998,92 :1160-1164.
5. BOHN JP, WANNER D, STEURER M. Ibrutinib for relapsed refractory hairy cell leukemia variant. Leuk Lymphoma. 2017 ; 58(5) : 1224–1226. [PubMed: 27733095].
6. BOURONCLE BA, WISEMAN BK, DOAN CA. Leukemic reticuloendotheliosis. Blood, 1958, 13 : 609-630.
7. BOURONCLE BA. Leukemic reticuloendotheliosis (hairy cell leukemia). Blood, 1979, 53, 412-436.
8. CHESON BD, VENA DA, FOSS FM, SORENSEN JM. Neurotoxicity of purine analogs : a review. J Clin Oncol, 1994, 12 : 2216-2228.
9. CHIHARA D, ARONS E, STETLER-STEVENSON M et al. Randomized Phase II Study of First-Line Cladribine With Concurrent or Delayed Rituximab in Patients With Hairy Cell Leukemia Journal of Clinical Oncology 2020 38 : 14, 1527-1538.
10. DANIEL MT, FLANDRIN G. Fine structure of abmormal cells in hairy cell (tricholeukocytic) leukemia, with special reference to their in vitro phagocytic capacity. Lab Invest, 1974, 30 : 1-8.
11. DIETRICH S, GLIMM H, ANDRULIS M et al. BRAF inhibition in refractory hairy-cell leukemia. N Engl J Med, 2012, 366 : 2038-2040.
12. DONG HY, WEISBERGER J, LIU Z, TUGULEA S. Immunophenotypic analysis of CD103+ B-lymphoproliferative disorders : hairy cell leukemia and its mimics. Am J Clin Pathol, 2009, 131 : 586-595.
13. EGLI FL, KOLLER B., FURRER J. Hairy cell leukemia and G6PD deficiency in two brothers. N Engl J Med, 1990, 322 : 1159.
14. ELSE M, DEARDEN CE, MATUTES E et al. Long-term follow-up of 233 patients with hairy cell leukaemia, treated initially with pentostatin or cladribine, at a median of 16 years from diagnosis. Br J Haematol, 2009, 145 : 733-740.
15. FAIN O, HAMIDOU M, CACOUB P et al. Vasculitides associated with malignancies : analysis of sixty patients. Arthritis Rheum, 2007, 57 : 1473-1480.
16. FALINI B, TIACCI E, LISO A et al. Simple diagnostic assay for hairy cell leukaemia by immunocytochemical detection of annexin A1 (ANXA1). Lancet, 2004, 363 : 1869-1871.
17. FARCET JP, WECHSLER J, WIRQUIN V et al. Clinical and biological significance of vasculitis in hairy cell leukemia. Arch Intern Med, 1987, 147: 660.
18. FEDERICO M, ZINZANI PL, FRASSOLDATI A et al. Risk of second cancer in patients with hairy cell leukemia : long term follow-up. J Clin Oncol, 2002, 20, 638-646.
19. FLANDRIN G, COLLADO S. Is male predominance (4/1) in hairy cell leukemia related to occupational exposure to ionizing radiations, benzene and other solvants ? Br J Haematol, 1987, 67 : 119-120.
20. FLANDRIN G, SIGAUX F, SEBAHOUN G, BOUFFETTE P. Hairy cell leukemia : clinical presentation and follow up of 211 patients. Sem Oncol, 1984, 11 : 458-471.
21. GIARDINA SL, SCHROFF RW, WOODHOUSE CS et al. Detection of two distinct malignant B cell clones in a single patient using anti-idiotype monoclonal antibodies and immunoglobulin gene rearrangement. Blood, 1985, 66 : 1017-1021.
22. GOLDE D, SAXON A, STEVENS R. Macroglobulinemia and hairy-cell leukemia. N Engl J Med, 1977, 296 : 92-93.
23. GOLDE DW, WESTBROOK CA. Clinical problems in hairy cell leukemia : diagnosis and management. Sem Oncol, 1984, 11 : 514-522.
24. GRAY MT, RUTHERFORD MN, BONIN DM et al. Hairy-cell leukemia presenting as lytic bone lesions. J Clin Oncol, 2013, 31 : e410-e412.
25. GREVER MR, ABDEL-WAHAB O, ANDRITSOS LA et al. Consensus guidelines for the diagnosis and management of patients with classic hairy cell leukemia. Blood. 2017 ; 129 : 553-560.
26. HAGBERG H, LUNDHOLM L. Rituximab, a chimeric anti-CD20 monoclonal antibody, in the treatment of hairy cell leukemia. Br J Haematol, 2001, 115 : 609-611.
27. HISADA MB, CHEN BE, JAFFE ES, TRAVIS LB. Second cancer incidence and cause-specific mortality among 3104 patients with hairy cell leukemia : a population-based study. J Natl Cancer Inst, 2007, 99 : 215-222.
28. JONES G, PARRY-JONES N, WILKINS B et al. Revised guidelines for the diagnosis and management of hairy cell leukaemia and hairy cell leukaemia variant. Br J Haematol, 2011, 156 : 186-195.
29. KLUIN-NELEMANS HC, BEVERSTOCK GC, MOLLEVANGER P et al. Proliferation and cytogenetic analysis of hairy cell leukemia upon stimulation via the CD40 antigen. Blood, 1994, 84 : 3134-3141.
30. KREITMAN RJ, TALLMAN MS, ROBAK T et al. Phase I trial of anti-CD22 recombinant immunotoxin moxetumomab pasudotox (CAT-8015 or HA22) in patients with hairy cell leukemia. J Clin Oncol, 2012, 30 : 1822-1828.
31. KREITMAN RJ, WILSON W, CALVO KR et al. Cladribine with immediate rituximab for the treatment of patients with variant hairy cell leukemia. Clin Cancer Res. 2013 ; 19(24) : 6873–6881. [PubMed : 24277451].
32. MALFUSON JV, FAGOT T, KONOPACKI J et al. Which role for rituximab in hairy cell leukemia ? reflections on six cases. Acta Haematol, 2010, 123 : 110-116.
33. MATUTES E, WOTHERSPOON A, BRITO-BABAPULLE V, CATOWSKY C. The natural history and clinico-pathological features of the variant form of hairy cell leukemia. Leukemia, 2001, 15 : 184-193.
34. MATUTES E. Immunophenotyping and differential diagnosis of hairy cell leukemia. Hematol Oncol Clin North Am, 2006, 20 : 1051-1063.
35. MERCIECA J, PUGA M, MATUTES E et al. Incidence and significance of abdominal lymphadenopathy in hairy cell leukaemia. Leuk Lymphoma, 1994, 14 : 79-83.
36. MONNEREAU A, SLAGER SL, HUGHES AM et al. Medical History, Lifestyle, and Occupational Risk Factors for Hairy Cell Leukemia : The InterLymph Non-Hodgkin Lymphoma Subtypes Project J Natl Cancer Inst Monogr 2014 ; 48 : 115–124.
37. MUNOZ J, SCHLETTE E, KURZROCK R. Rapid response to vemurafenib in a heavily pretreated patient with hairy cell leukemia and a BRAF mutation. J Clin Oncol, 2013, 31 : e351-e352.
38. NAIK RR, SAVEN A. My treatment approach to hairy cell leukemia. Mayo Clin Proc, 2012 : 87 : 67-76.
39. ORSI L, DELABRE L, MONNEREAU A et al. Occupational exposure to pesticides and lymphoid neoplasms. Occup Environ Med, 2009, 66 : 291-298.
40. PIRIS M, FOUCAR K, MOLLEJO M et al. Splenic B-cell lymphoma/leukaemia, unclassifiable. In : SH Swerdlow, E Campo, NL Harris et al. WHO classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Lyon, IARC Press, 2008 : 191-193.
41. REYES F, GOURDIN MF, FARCET JP et al. Synthesis of a peroxidase activity by the cells of hairy cell leukemia : a study by ultrastructural cytochemistry. Blood, 1978, 52 : 537-550.
42. STEIS RG, SMITH JW, URBA WJ et al. Resistance to recombinant alpha 2b interferon in hairy cell leukemia associated with neutralizing anti-interferon antibodies. N Engl J Med, 1988, 318 : 1409-1413.
43. TADMOR T. Purine analog toxicity in patients with hairy cell leukemia. Leuk Lymphoma, 2011, 52 : 38-42.
44. TADMOR T, POLLIACK A. Epidemiology and environmental risk in hairy cell leukemia. Best Pract Res Clin Haematol. 2015 ; 28(4) : 175–179. [PubMed : 26614895].
45. TIACCI E, PARK JH, DE CAROLIS L et al. Targeting mutant BRAF in relapse or refractory hairy-cell leukemia. N Engl J Med, 2015, 373 : 1733-1747.
46. TIACCI E, TRIFONOV V, SCHIAVONI G et al. BRAF mutations in hairy-cell leukemia. N Engl J Med, 2011, 364 : 2305-2315.
47. THOMAS DA, OBRIEN S, CORTES J et al. Pilot study of rituximab in refractory or relapsed hairy cell leukemia. Blood, 1999, 94 : 705a.
48. TRELEAVEN J, GENNERY A, MARSH J et al. Guidelines on the use of irradiated blood components prepared by the British Committee for Standards in Haematology blood transfusion task force. Br J Haematol, 2011, 152 : 35-51.
49. VANDERMOLEN LA, URBA WJ, LONGO DL et al. Diffuses osteosclerosis in hairy cell leukemia. Blood, 1989, 74 : 2066-2069.
50. XI L, ARONS E, NAVARRO W et al. Both variant and IGHV4-34expressing hairy cell leukemia lack the BRAF V600E mutation. Blood, 2012, 119 : 3330-3332.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Leporrier M (Leucémie à tricholeucocytes). Syndromes lymphoprolifératifs. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, Éd. 2021 Paris, TdM Éditions, 2021- S04-P03-C08.

 

Lien vers le(s) chapitre(s) archivé(s)