S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie I (Chapitre archivé)

S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie I (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C05 Partie 1

Troubles du rythme

Partie I : Troubles du rythme supraventriculaires

Jean-Yves Le Heuzey

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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Les troubles du rythme supraventriculaires tiennent actuellement une place grandissante dans le quotidien des cardiologues. La fibrillation atriale occupe une position centrale parmi ces troubles du rythme supraventriculaires et son épidémiologie montre une croissance rapide en termes d’incidence et de prévalence, principalement du fait du vieillissement de la population. C’est probablement la fibrillation atriale qui pose les problèmes thérapeutiques les plus complexes, même si son traitement fait partie de la routine quotidienne de tous les cardiologues. À côté de la fibrillation atriale d’autres troubles du rythme supraventriculaires sont à analyser : l’extrasystolie atriale, les tachycardies sinusales inappropriées, les tachycardies par réentrée intrasinusale, le flutter et les tachycardies atriales. Un peu à part, mais entrant également dans le cadre des troubles du rythme supraventriculaires, figurent les tachycardies jonctionnelles dont les mécanismes peuvent être en rapport avec une réentrée intranodale ou une voie accessoire type faisceau de Kent.

Description clinique

Extrasystolie atriale

Les extrasystoles atriales sont fréquentes dans la population générale et cette fréquence s’accentue avec le vieillissement. Elles peuvent être asymptomatiques ou révélées par des palpitations. Il est important, lorsqu’elles sont observées, de dépister des facteurs favorisants qui peuvent être supprimés comme la prise fréquente de café, de thé ou encore l’hypokaliémie. Celle-ci est souvent générée par des traitements diurétiques chez des patients ayant une cardiopathie sous-jacente. Sur le plan électrocardiographique, elles se caractérisent par des ondes P prématurées de morphologie différente de celles des ondes P sinusales, suivies d’un complexe QRS. Celui-ci peut parfois être déformé ou élargi, on parle alors d’aberration de conduction.

Si la simple suppression des facteurs favorisants cités précédemment n’est pas suffisante pour faire disparaître les extrasystoles et que la symptomatologie impose un traitement, il est possible d’utiliser des médicaments anti-arythmiques dans le respect des contre-indications, tels qu’ils sont utilisés, par exemple, pour la prévention des rechutes de fibrillation atriale (voir « Fibrillation atriale »). Une très grande fréquence d’extrasystoles atriales peut être annonciatrice de la survenue d’une fibrillation atriale, mais il est difficile de débuter un traitement anticoagulant tant que l’on n’a pas la preuve de ces épisodes de fibrillation, le risque d’un traitement anticoagulant étant à prendre en compte et le rapport bénéfice/risque n’étant positif que si la fibrillation est effectivement démontrée.

Tachycardie sinusale inappropriée

Le mécanisme des tachycardies sinusales inappropriées n’est pas totalement connu. Elles sont probablement secondaires à une exacerbation de la réponse des cellules pacemaker à une stimulation sympathique accentuée ou à une hypersensibilité des récepteurs sympathiques. La morphologie des ondes P est identique à celle des ondes P normales sinusales. Ce type de tachycardies peut s’observer dans des conditions posturales avec leur survenue lors du passage à la position debout. Elles peuvent parfois être résistantes aux médicaments bradycardisants, rendant leur prise en charge thérapeutique très délicate.

Tachycardies par réentrée intrasinusale

On peut les diagnostiquer lorsqu’on observe le déclenchement par des extrasystoles atriales d’accès de tachycardie supraventriculaire avec une morphologie d’onde P identique à celle de l’onde P sinusale habituelle. Cliniquement ce type de tachycardie se présente comme des tachycardies paroxystiques à début et fin brusques et elles peuvent être interrompues par des manœuvres vagales. Leur prise en charge thérapeutique se rapproche de celle des tachycardies atriales (voir « Tachycardies atriales  »).

Fibrillation atriale

La fibrillation atriale est le plus fréquent des troubles du rythme, son incidence croît régulièrement. Elle est surtout fréquente à partir des sixième et septième décennies. La proportion de population âgée augmentant rapidement dans les pays industrialisés, la prévalence de la fibrillation atriale est de plus en plus élevée. C’est un facteur de mauvais pronostic, principalement du fait du risque thromboembolique auquel elle est associée. Son diagnostic est relativement facile, mais sa prise en charge thérapeutique reste complexe. Il n’y a pas une fibrillation atriale unique, mais de nombreux tableaux cliniques qui peuvent inclure une fibrillation, ce qui implique des prises en charges thérapeutiques qui peuvent être très différentes d’un patient à l’autre.

Définition

La fibrillation atriale est une arythmie supraventriculaire caractérisée par une activation atriale anarchique ayant pour conséquence une détérioration de la fonction mécanique atriale. Elle se traduit sur l’électrocardiogramme par une arythmie complète avec des irrégularités des ventriculogrammmes. Les ondes P habituelles sont remplacées par des ondes f irrégulières (Figure S5-P3-C5-1), très rapides, de 400 à 600 par minute, d’amplitude variable. On parle de fibrillation à grosses mailles ou petites mailles selon l’aspect électrocardiographique de ces ondes f. La cadence des ventricules dépend de l’état de la conduction dans le nœud auriculoventriculaire et de l’équilibre vagosympathique. Les complexes QRS sont en général fins mais un bloc de branche pré-existant ou fonctionnel peut les élargir.

Fig_05-03-05_01

Aspect classique d’arythmie complète par fibrillation atriale.

Classification

La classification maintenant communément admise est celle dite des 3 P qui distingue la fibrillation atriale paroxystique survenant par crises qui s’interrompent spontanément, la fibrillation atriale persistante pour laquelle l’épisode dure plus de 7 jours et enfin la fibrillation atriale permanente qui perdure, soit parce qu’il est impossible de rétablir le rythme sinusal, soit parce que le thérapeute a décidé de ne pas le rétablir. On a introduit récemment le terme de « fibrillation atriale persistante de longue durée » pour caractériser des fibrillations qui durent depuis un temps prolongé mais qui peuvent être supprimées notamment grâce à l’ablation (voir « Ablation de la fibrillation atriale  »).

Le terme de fibrillation atriale isolée s’applique en général à des patients de moins de 60 ans sans cardiopathie sous-jacente, mais il est bien évident que lors de l’évolution, un certain nombre de ces fibrillations dites isolées s’avèrent entrer dans le cadre de cardiopathies. Enfin, par convention, on définit des fibrillations atriales non valvulaires concernant les patients qui n’ont ni cardiopathie valvulaire rhumatismale hémodynamiquement significative (par exemple, un rétrécissement mitral serré), ni prothèse valvulaire mécanique.

Épidémiologie et pronostic

La fibrillation atriale représente environ le tiers de toutes les hospitalisations pour troubles du rythme cardiaque. Lors des dix à vingt dernières années il a été observé une augmentation de plus de 60 % du nombre des admissions à l’hôpital en rapport avec une fibrillation atriale [4]. Celle-ci est maintenant devenue un problème de santé publique majeur pour lequel on peut noter que les hospitalisations représentent le premier poste de dépenses (52 %), suivi par les médicaments (23 %) et les consultations (9 %). Globalement le coût annuel de traitement pour une fibrillation atriale a été estimé à environ 3 000 euros [9]. Connaissant la prévalence de la fibrillation atriale, la charge pour la société entière est énorme, de l’ordre de 15 milliards d’euros par an dans l’Union européenne.

Prévalence

La prévalence estimée de la fibrillation atriale est d’environ 0,4 à 1 % dans la population générale, augmentant avec l’âge. L’âge médian des patients ayant une fibrillation atriale est proche de 75 ans. Environ 70 % de ces patients ont entre 65 et 85 ans et 60 % des patients atteints de fibrillation atriale ayant plus de 75 ans sont des femmes.

Incidence

Dans les études prospectives, l’incidence de la fibrillation atriale augmente de moins de 0,1 % par an chez les patients de moins de 40 ans jusqu’à 1,5 % chez les femmes et 2 % chez les hommes de plus de 80 ans. On peut estimer qu’environ 2,5 millions d’Américains et 5 millions d’Européens ont une fibrillation atriale.

Pronostic

La fibrillation atriale est associée à un risque accru à long terme d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance cardiaque et de mortalité toutes causes. Cette mortalité est d’environ le double de celle de sujets en rythme sinusal et est directement liée à la sévérité de la cardiopathie sous-jacente. Le risque d’accident vasculaire cérébral annuel, sans traitement, peut être estimé aux alentours de 3 % avec un continuum allant des fibrillations atriales isolées pour lesquelles le risque est très faible jusqu’aux fibrillations atriales chez des sujets très âgés avec cardiopathie évoluée pour lesquelles le risque est très élevé, comme on peut l’apprécier par les scores de risque (voir plus loin).

Mécanismes physiopathologiques

L’explication physiopathologique classique pour la création d’une fibrillation atriale est l’existence de multiples réentrées. Une oreillette a tendance à être vulnérable s’il existe une longueur d’onde abaissée. Cette longueur d’onde est le produit de la période réfractaire par la vitesse de conduction. Dans les oreillettes pathologiques, les périodes réfractaires ont tendance à se raccourcir et la vitesse de conduction à diminuer, il en résulte une diminution de la longueur d’onde. D’autres facteurs peuvent rentrer en ligne de compte comme la masse critique (plus l’oreillette est grosse, plus le risque de fibrillation est important) et l’effet du système nerveux autonome. À côté de ces mécanismes de multiples réentrées, d’autres facteurs ont été identifiés comme les foyers présents dans les veines pulmonaires d’où naissent des extrasystoles qui, si elles sont nombreuses et précoces, peuvent être à l’origine de la désynchronisation en fibrillation. Une fois que la fibrillation est installée, elle a tendance à induire une diminution des périodes réfractaires qui va être elle-même un facteur d’arythmie. On considère que la fibrillation « engendre » la fibrillation du fait de ce remodelage électrophysiologique, principalement en rapport avec des modifications du courant calcique. Le remodelage peut ensuite être contractile, puis structurel, faisant entrer en ligne de compte l’activation des fibroblastes, les connexines, l’accumulation de collagène et la fibrose. À côté de ces mécanismes, d’autres sont évoqués comme la présence de rotors qui peuvent être en cause dans le déclenchement et la perpétuation de l’arythmie.

Évaluation clinique

Il existe des causes aiguës dans lesquelles la fibrillation atriale peut être due à un facteur temporaire, comme l’absorption excessive d’alcool, la chirurgie en particulier thoracique, l’infarctus du myocarde, les péricardites, les myocardites, l’embolie pulmonaire ou les dysthyroïdies. En dehors de ces cas particuliers, la fibrillation atriale est la plupart du temps une manifestation électrique d’une maladie cardiaque sous-jacente. Environ 40 % des cas de fibrillation atriale paroxystique et 20 % des cas de fibrillation atriale persistante surviennent chez des patients jeunes sans cause cardiaque démontrée, entrant dans le cadre de la fibrillation atriale dite « isolée ».

La plupart du temps, la fibrillation survient dans le contexte d’une maladie cardiaque sous-jacente valvulaire, coronaire ou hypertensive. On peut par ailleurs rencontrer une fibrillation atriale dans les cardiomyopathies hypertrophiques, les cardiomyopathies dilatées ou les pathologies congénitales, principalement les défects du septum interauriculaire. Les dysfonctions sinusales et pré-excitations -ventriculaires peuvent également s’associer à une fibrillation atriale. Certaines formes familiales ont été décrites.

Le système nerveux autonome joue un rôle important dans l’initiation de la fibrillation atriale et on distingue classiquement des formes où le déclenchement est plutôt de type vagal (nocturne, post-prandial, après l’effort) ou cathécholergique (lors des efforts ou des émotions). La fibrillation atriale peut avoir de nombreuses présentations cliniques, mais les symptômes les plus fréquemment rapportés sont les -palpitations et/ou la dyspnée d’effort. L’évaluation minimale nécessaire devant un patient atteint de fibrillation atriale comporte :

– l’examen physique et la définition des antécédents pour préciser la présence et la nature de symptômes associés à la fibrillation, son type clinique (premier épisode, paroxystique, persistante ou permanente), le début des premiers symptômes et la date de découverte de la fibrillation, la fréquence, la durée, les facteurs favorisants et les modes de terminaison des accès, la réponse aux agents pharmacologiques qui auraient déjà été utilisés auparavant, la présence d’une maladie cardiaque sous-jacente ou d’une condition réversible comme une hyperthyroïdie ;

– l’électrocardiogramme identifiera le rythme, recherchera une hypertrophie ventriculaire gauche, précisera la durée de l’onde P si la fibrillation est paroxystique ou la morphologie des ondes f, recherchera une pré-excitation, un bloc de branche ou un infarctus préalable. Il conviendra de mesurer les intervalles RR, la durée du complexe QRS et de l’espace QT ;

– l’échocardiogramme recherchera une maladie valvulaire, précisera la taille des oreillettes droite et gauche, la taille du ventricule gauche et sa fonction, recherchera le retentissement d’une hypertension artérielle, d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’un thrombus atrial (mais l’échographie transthoracique a très peu de sensibilité à ce sujet) ou encore une pathologie péricardique ;

– enfin, pour un premier épisode de fibrillation atriale, le dosage des hormones thyroïdiennes est indispensable ;

– d’autres tests peuvent être utiles, mais il s’agit de cas particuliers : test d’effort, enregistrement Holter, échographie transœsophagienne, étude électrophysiologique.

Prise en charge thérapeutique

Dans la grande majorité des cas, la fibrillation atriale est bien tolérée, permettant une mise en place progressive des stratégies thérapeutiques. Cependant, dans quelques cas, une situation d’urgence se présente, principalement chez les patients qui avaient une cardiopathie sous-jacente et pour lesquels la perte de la systole atriale aggrave la condition hémodynamique et conduit à l’insuffisance cardiaque aiguë.

Il s’agit le plus souvent d’une insuffisance cardiaque gauche avec œdème ou subœdème pulmonaire, parfois d’une insuffisance cardiaque globale avec signes droits associés. L’essentiel du traitement à ce stade est constitué par le ralentissement de la fréquence cardiaque, ce simple facteur permettant souvent d’améliorer la situation. On peut utiliser les digitaliques, les bêtabloquants ou les inhibiteurs calciques bradycardisants pour obtenir ce ralentissement. Même s’ils n’ont pas montré d’efficacité dans la réduction de la fibrillation atriale les digitaliques, c’est-à-dire ici la digoxine intraveineuse, permettent le ralentissement et l’amélioration fonctionnelle. Pour ce qui concerne les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques ralentisseurs, leur maniement dans ces conditions reste délicat puisqu’ils sont inotropes négatifs et qu’ils ne doivent donc pas être utilisés en cas d’insuffisance cardiaque patente. Il est souvent nécessaire d’associer des diurétiques en prenant garde d’éviter l’hypokaliémie iatrogène. Il convient également d’anticoaguler le patient. Dans ces conditions, il s’agit habituellement d’un patient hospitalisé et il est possible de lui prescrire de l’héparine intraveineuse, s’il n’était pas anticoagulé auparavant. Le relais est ensuite pris par les anticoagulants oraux (voir « Intérêt de l’anticoagulation dans le traitement de la fibrillation atriale »).

Dans la majorité des cas, ces traitements permettent d’obtenir une amélioration fonctionnelle suffisante, afin que le patient ne soit gardé en soins intensifs ou en hospitalisation que quelques jours. La stratégie thérapeutique ultérieure est la même que celle concernant les fibrillations atriales bien tolérées.

L’essentiel des problèmes posés par la fibrillation atriale est d’ordre thérapeutique. En effet, les attitudes thérapeutiques qui étaient admises par tous depuis très longtemps, basées sur des consensus et des habitudes, ont été largement remises en cause par le développement de la médecine basée sur les preuves et la réalisation de certains grands essais qui ont fait reconsidérer beaucoup de ces positions.

Cardioversion

On peut utiliser deux moyens pour obtenir le retour en rythme sinusal d’un patient qui est en fibrillation atriale : la cardioversion pharmacologique et la cardioversion électrique. Dans les deux cas, il est nécessaire d’anticoaguler le patient. Le risque d’embolie de régularisation est faible, mais néanmoins réel. Deux attitudes peuvent classiquement être retenues : soit la mise sous anticoagulant pendant 3 semaines par antivitamine K en exigeant un INR au moins égal à 2, soit l’utilisation d’un anticoagulant oral direct, mais ces médicaments ne sont recommandés qu’en seconde intention. L’autre possibilité est de réaliser une échographie transœsophagienne afin de rechercher la présence d’un caillot intra-atrial.

Concernant la cardioversion chimique, plusieurs médicaments antiarythmiques de classe I ou III peuvent être efficaces. Le moyen pharmacologique le plus utilisé actuellement en France est l’amiodarone. Ce médicament ayant une demi-vie de l’ordre de 3 semaines, il est nécessaire de prescrire des « doses de charge » afin d’avoir une efficacité dans un temps suffisamment bref. Il faut envisager de donner environ 20 comprimés dans la semaine. Le seul vrai risque de ce type de traitement est la réduction d’une fibrillation atriale en un rythme sinusal qui serait très lent chez un sujet ayant un dysfonctionnement sinusal sous-jacent.

Lorsque ce traitement pharmacologique ne permet pas le rétablissement du rythme sinusal, ou si c’est un choix d’emblée, la cardioversion électrique est indiquée. Celle-ci ne pourra être faite qu’à trois conditions, à savoir une kaliémie normale, une anticoagulation suffisamment efficace, et enfin avoir arrêté les digitaliques depuis un temps suffisamment long pour permettre leur élimination, en pratique une huitaine de jours au maximum. Cette cardioversion est réalisée par un choc électrique sous anesthésie générale. L’utilisation de défibrillateurs biphasiques a amélioré le taux de succès, qui est de l’ordre de 90 %. Les chances de réduction de la fibrillation atriale sont d’autant plus importantes que cette dernière est récente. Au-delà d’un délai de 6 mois à un an, le taux de succès diminue notablement. Il est parfois possible, en cas d’échec, de programmer une nouvelle cardioversion avec une préparation pharmacologique, par exemple par l’amiodarone.

Contrôle de la fréquence

En cas d’échec de la cardioversion, le patient va rester en fibrillation atriale permanente. Elle est souvent assez mal tolérée sur le plan symptomatique dans les premiers jours ou semaines qui suivent le passage en fibrillation. En revanche, dans les mois qui suivent, il est habituel que cette tolérance s’améliore. Il est cependant souvent nécessaire de prescrire au patient un médicament ralentisseur afin d’améliorer cette tolérance. On utilise communément pour cela les bêtabloquants, les digitaliques ou les inhibiteurs calciques ralentisseurs. Les digitaliques sont efficaces au repos, mais ne permettent pas un bon contrôle de la fréquence à l’effort. Là aussi, il est nécessaire de se méfier de l’effet inotrope négatif des inhibiteurs calciques et de ne prescrire les bêtabloquants que prudemment et à dose croissante chez l’insuffisant cardiaque, en utilisant l’un des quatre bêtabloquants qui ont prouvé leur efficacité dans cette indication : le carvédilol, le bisoprolol, le métoprolol ou le nébivolol.

Thérapeutiques de maintien du rythme sinusal

Si la cardioversion a pu rétablir le rythme sinusal, il est nécessaire de le maintenir grâce aux médicaments anti-arythmiques. Ces substances ont toutes un index thérapeutique étroit (un rapport bénéfice/risque relativement faible). Ils doivent donc être prescrits dans le respect scrupuleux de leurs contre-indications.

On utilise souvent les anti-arythmiques de classes I et III. Parmi les anti-arythmiques de classe I se trouvent principalement le flécaïnide et la propafénone ; ils sont contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque et/ou d’insuffisance coronaire ainsi qu’en cas de bloc de branche gauche complet. Les anti-arythmiques de classe III sont représentés par le sotalol, bêtabloquant doué de propriétés anti-arythmiques de classe III, par l’amiodarone et la dronédarone. Le sotalol comporte un risque de torsades de pointes, l’amiodarone un risque de dysthyroïdie et de fibrose pulmonaire. Il convient également de surveiller la fonction hépatique lors de la prescription d’amiodarone. Le contrôle des hormones thyroïdiennes doit être régulier, et effectué tous les 3 mois environ. La dronédarone est un médicament dont la formule est proche de celle de l’amiodarone sans présence d’atomes d’iode. Il peut être utilisé chez le coronarien, contrairement aux anti-arythmiques de classe I, mais doit être soigneusement évité en cas d’insuffisance cardiaque. Il est à bannir en cas de fibrillation atriale permanente (comme c’est le cas pour les anti-arythmiques de classe I). Ce médicament n’est actuellement pas remboursé en France.

Le choix du médicament anti-arythmique est principalement fonction de l’existence ou non d’une cardiopathie sous-jacente. Lorsqu’il n’y en a pas, on peut utiliser les anti-arythmiques de classe Ic ; s’il y en a une, le choix se résume le plus souvent au sotalol ou à l’amiodarone. La figure S5-P3-C5-2 présente la stratégie thérapeutique proposée dans la mise à jour des recommandations de la Société européenne de cardiologie en 2016 [7bis].

Fig_05-03-05_02

Algorithme de choix du traitement à visée anti-arythmique dans la fibrillation atriale.

Réduire ou ralentir ?

Il y a de nombreux avantages théoriques pour penser que le maintien du rythme sinusal puisse être bénéfique : il rétablit la systole auriculaire, lui permettant de jouer son rôle ; il permet une hémodynamique optimale, il évite l’évolution vers la tachycardiomyopathie et le remodelage électrophysiologique, il améliore les symptômes et la qualité de vie. Cependant, comme précisé précédemment les médicaments utilisés pour ce maintien peuvent avoir un certain nombre d’effets délétères. Ces considérations font qu’a été réalisé un grand essai intitulé atrial fibrillation follow-up investigation of rhythm management (AFFIRM) qui a randomisé les deux stratégies [10]. Les patients inclus avaient au moins un facteur de risque de morbidité ou de mortalité comme une hypertension artérielle, une cardiopathie sous-jacente ou des antécédents d’accident ischémique transitoire ou d’accident vasculaire cérébral. Ils ont été suivis pendant 3 ans et demi en moyenne. Le résultat global de l’étude montre qu’il n’y a pas plus de survivants dans le groupe qui a été remis en rythme sinusal. Les conclusions de l’essai ont donc été que la stratégie consistant à respecter la fibrillation atriale et à simplement contrôle de la fréquence cardiaque pouvait être choisie en première intention. Dans la pratique, les résultats de cet essai n’ont pas fait abandonner toute cardioversion, mais ont conduit à éviter les cardioversions répétitives chez les patients qui présentent tous les risques de rechuter. On considère qu’il vaut mieux proposer une stratégie de contrôle du rythme (anti-arythmique pour éviter les épisodes de fibrillation atriale paroxystique, cardioversion, puis anti-arythmique pour favoriser le maintien du rythme sinusal en cas de fibrillation persistante) ou une stratégie d’ablation chez les patients les plus jeunes, les plus symptomatiques et qui ont pas ou peu de facteurs de risque de rechute. À l’opposé, il vaut mieux proposer une stratégie de contrôle de la fréquence chez les patients les plus âgés avec cardiopathie évoluée et de nombreux facteurs de risque de rechute.

Deux catégories de patients n’étaient pas incluses dans l’étude AFFIRM : d’une part, les sujets jeunes sans cardiopathie sous-jacente et, d’autre part, les sujets en insuffisance cardiaque. Pour cette seconde catégorie, un autre essai, appelé AF-CHF a été réalisé, spécifiquement chez ces patients en insuffisance cardiaque ; cet essai n’a pas démontré d’intérêt en termes de mortalité en faveur de la stratégie de contrôle du rythme par rapport à la stratégie de simple contrôle de la fréquence, c’est-à-dire le respect de la fibrillation atriale et l’utilisation de médicaments ralentisseurs. Dans l’insuffisance cardiaque, on est cependant limité. Les digitaliques peuvent être utilisés ainsi que les bêtabloquants ayant montré leur intérêt dans l’insuffisance cardiaque (voir plus haut).

Intérêt de l’anticoagulation dans le traitement de la fibrillation atriale

L’anticoagulation est un enjeu majeur du traitement de la fibrillation atriale. En effet, le risque thromboembolique des patients atteints de fibrillation est réel. Un certain nombre d’essais réalisés il y a une quinzaine d’années ont clairement précisé les indications du traitement anticoagulant dans la fibrillation atriale. Ces essais (AFASAK, BAATAF, SPAF, CAFA, SPINAF, EAFT) ont montré que les antivitamines K avec un INR cible compris entre 2 et 3 étaient capables de diminuer la morbi-mortalité. Ces médicaments entraînent un risque accru d’hémorragies, mais il s’agit souvent d’hémorragies mineures. Par ailleurs, le nombre d’accidents emboliques évités est supérieur au nombre d’hémorragies induites, d’où un rapport bénéfice/risque positif. Ces médicaments permettent une réduction très significative des accidents emboliques, de l’ordre de 60 %. On a longtemps considéré qu’il était possible de donner de l’aspirine aux sujets à faible risque, mais les consensus récents -considèrent que le gain apporté par l’aspirine en termes de réduction des accidents thrombo-emboliques est très modeste, alors que le risque hémorragique n’est pas nul. L’aspirine ne fait donc plus partie des recommandations européennes [7bis], sauf cas particuliers.

On connaît maintenant très bien les pathologies sous-jacentes et les comorbidités associées qui augmentent le risque thrombo-embolique dans la fibrillation atriale. L’existence dans les antécédents d’un accident vasculaire cérébral préalable ou d’un accident ischémique transitoire multiplie le risque relatif par 2,5, les antécédents d’hypertension artérielle par 1,6, la présence d’une insuffisance cardiaque par 1,4, l’âge avancé par 1,4 pour chaque tranche de 10 ans, le diabète par 1,7 et la maladie coronarienne par 1,5. Il est possible de quantifier ce risque en utilisant des scores [2] comme le score CHA2DS2-VASc proposé dans les recommandations européennes depuis 2010 [2]. Le score CHA2DS2-VASc est un score en neuf points (Tableau S05-P03-C05-I), dont la décomposition est la suivante :

Tableau S05-P03-C05-I Score de risque dans la fibrillation atriale : CHA2DS2-VASc pour le risque thrombo-embolique et HAS-BLED pour le risque hémorragique.

Facteurs de risque

Score

CHA 2S2-VASc(1)

Insuffisance cardiaque congestive

1

Hypertension artérielle

1

Âge ε 75 ans

2

Diabète

1

Accident vasculaire cérébral/accident ischémique transitoire/thrombo-embolie

2

Maladie vasculaire

1

Âge : 65-74 ans

1

Sexe masculin

1

HAS-BLED (2)

Hypertension artérielle

1

Insuffisance rénale ou hépatique

2

Accident vasculaire cérébral

1

Hémorragie

1

INR labile

1

Âge > 65 ans

1

Médicaments (aspirine, AINS) ou alcool (1 point chacun)

2

(1) Score maximal : 9 points.

(2) Score maximal : 9 points.

– présence d’une insuffisance cardiaque congestive : 1 point ;

– hypertension artérielle : 1 point ;

– âge : 2 points si supérieur à 75 ans, 1 point s’il est compris entre 65 et 75 ;

– diabète : 1 point ;

– antécédent d’accident vasculaire cérébral ou d’accident ischémique transitoire : 2 points ;

– maladie vasculaire (insuffisance coronaire, artériopathie des membres inférieurs, pathologie carotidienne) : 1 point ;

– sexe féminin : 1 point. L’algorithme de décision d’une anticoagulation est basé sur ce score.

Il faut également tenir compte du risque hémorragique évalué par un autre score, le score HAS-BLED, lui aussi sur neuf points :

– hypertension artérielle : 1 point ;

– fonction rénale ou hépatique anormale : 1 ou 2 points ;

– antécédent d’accident vasculaire cérébral : 1 point ;

– antécédent de saignement : 1 point ;

– INR labile : 1 point ;

– âge de plus de 65 ans : 1 point ;

– médicaments pouvant intervenir dans le traitement anticoagulant ou prise d’alcool : 1 ou 2 points.

Les recommandations européennes 2016 [7bis] ne citent plus le score HAS-BLED, mais insistent sur l’analyse du caractère modifiable de certains facteurs comme, par exemple, l’hypertension artérielle qu’il est toujours possible de tenter de mieux contrôler. Elles précisent par ailleurs que tous les patients avec une fibrillation atriale doivent être anticoagulés, à l’exception de ceux qui ont moins de 65 ans et une fibrillation atriale isolée. Par fibrillation atriale isolée, on entend l’absence de toute pathologie ou de comorbidité pouvant interférer, notamment l’absence d’hypertension artérielle. Une fois que le diag-nostic est posé et que les scores de risque sont évalués, il est possible de décider de la mise sous traitement anticoagulant. Une recommandation de classe I précise que si le score de CHA2DS2-VASc est supérieur ou égal à 2, on peut donner soit des antivitamines K, soit des nouveaux anticoagulants, c’est-à-dire un antithrombine, le dabigatran ou un anti-Xa, le rivaroxaban ou l’apixaban. Les recommandations européennes donnent une préférence (recommandation de classe IIa) pour les nouveaux anticoagulants oraux, compte tenu des avantages qu’ils ont montrés dans les grands essais qui ont été réalisés récemment [8]. On peut cependant considérer que, pour les patients sous antivitamine K depuis très longtemps, n’ayant jamais présenté ni accident thrombotique ni accident hémorragique, il soit plus sage de conserver le traitement antivitamine K. Il s’agit de patients, dits « non naïfs », qui ont été inclus dans les essais, mais en proportions jamais supérieures à 50 % et il est donc difficile d’extrapoler les résultats à cette seule population en pensant qu’il s’agirait d’une perte de chance que de ne pas les laisser sous antivitamine K. Pour les patients ayant un score de CHA2DS2-VASc à 1, il existe également une recommandation d’anticoagulation, mais il est précisé qu’il convient de tenir compte du risque hémorragique et du souhait du patient.

Cet algorithme d’anticoagulation (Figure S5-P3-C5-3) concerne les fibrillations atriales dites non valvulaires. En effet, dès les essais réalisés il y a une quinzaine d’années cités précédemment, il était clair pour les concepteurs des essais que les patients qui avaient une fibrillation atriale associée à une valvulopathie marquée ne devaient pas être inclus dans ces essais, car il était indispensable de les anticoaguler. C’est la raison pour laquelle les patients porteurs de prothèse mécanique et de sténose mitrale hémodynamiquement significative justifient d’un traitement par antivitamine K et non par un anticoagulant oral direct.

Fig_05-03-05_03

Algorithme de choix du traitement anticoagulant dans la fibrillation atriale.

Dans les dernières années ont été publiés trois essais de grande envergure testant les anticoagulants oraux directs contre la warfarine, antivitamine K le plus utilisé. Le but de ces essais était de montrer une non-infériorité. L’intérêt principal de ces médicaments est de pouvoir être utilisés à des doses identiques (ou avec peu de modification) chez tous les patients, contrairement aux antivitamines K qui nécessitent une prescription qui peut varier en quantité de 1 à 16 (exemple un quart tous les 2 jours ou 2 par jour). Cette très grande variabilité inter-individuelle et intra-individuelle (avec la nourriture, les associations médicamenteuses, etc.) implique la nécessité de surveiller par un test de coagulation l’effet du traitement. Avec les anticoagulants oraux directs, cette variabilité est largement moindre et il n’y a donc plus de nécessité de contrôle de routine. Le premier à avoir démontré au moins une non-infériorité est le dabigatran qui l’a prouvé dans l’étude RE-LY, non-infériorité à la dose de 2 fois 110 mg/j et même supériorité à la dose de 2 fois 150 mg/j. Chronologiquement, la deuxième étude à avoir été publiée est l’étude ROCKET-AF, testant cette fois ci le rivaroxaban. Le dabigatran est un antithrombine, mais le rivaroxaban, comme l’apixaban, est un anti-Xa. L’étude ROCKET-AF a également atteint son but, c’est-à-dire la démonstration d’une non-infériorité par rapport à la warfarine donnée avec un INR cible entre 2 et 3. La particularité de l’étude ROCKET-AF par rapport à l’étude RE-LY était d’avoir inclus environ la moitié de patients en prévention secondaire, c’est-à-dire des patients ayant déjà eu un accident vasculaire cérébral ou un accident ischémique transitoire auparavant.

Une troisième étude a été publiée avec un autre anti-Xa, l’apixaban. Il s’agit de l’étude ARISTOTLE, qui elle aussi a atteint son but. Par rapport à la warfarine, il y avait une diminution de 31 % des accidents vasculaires cérébraux, de 21 % des critères primaires de jugement, c’est-à-dire accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques, et de 11 % de la mortalité. Un dernier anti-Xa a également démontré son intérêt, il s’agit de l’édoxaban dans l’étude ENGAGE AF TIMI 48. Notons que pour l’apixaban, une autre étude contre aspirine a été faite. Il s’agit de l’essai AVERROES qui a montré une supériorité de l’apixaban ayant nécessité l’arrêt prématuré de l’étude. Ces médicaments peuvent donc s’utiliser sans contrôle de l’INR. Ils sont tous éliminés par le rein, à des degrés divers, et il est indispensable d’être certain de la normalité de la fonction rénale avant de les prescrire à la dose habituelle. Le dabigatran se prescrit à 110 ou 150 mg 2 fois par jour, le rivaroxaban à 15 ou 20 mg 1 fois par jour et l’apixaban à 2,5 ou 5 mg 2 fois par jour. Les doses habituelles sont 2 fois 150 mg pour le dabigatran, 1 fois 20 mg pour le rivaroxaban et 2 fois 5 mg pour l’apixaban. Si la clairance de la créatinine mesurée selon la méthode de Cockroft (celle qui a été utilisée dans les études) est normale, on peut donner la pleine dose, si elle est entre 30 et 50 il faut préférer les plus faibles doses et si elle est inférieure à 30, ces médicaments sont contre-indiqués. Leurs intérêts sont donc l’absence de nécessité de surveillance de l’INR et également le fait que dans toutes ces études le taux d’hémorragies intracrâniennes a été retrouvé plus bas qu’avec la warfarine, alors que les taux d’hémorragies digestives étaient plus élevés. On peut aussi en conclure que les antivitamines K sont des médicaments qui font particulièrement saigner dans le cerveau. Les inconvénients sont, outre le fait qu’il s’agit de médicaments récents, l’absence pour certains d’agent de réversion spécifique que l’on peut donner en cas de saignement et leur coût en termes de traitement journalier plus élevé. Actuellement, seul le dabigatran a un agent de réversion spécifique disponible, l’idarucizumab.

Autres méthodes thérapeutiques

Comme décrit précédemment, le traitement de la fibrillation atriale reste difficile. Ses limites impliquent que de nombreuses autres propositions thérapeutiques ont été faites pour tenter d’améliorer la prise en charge de ces patients. Il s’agit de la stimulation, de la défibrillation, de la chirurgie et de l’ablation. Stimulation et défibrillation ont malheureusement été des échecs. Il est très rare qu’il soit possible d’éviter la survenue d’une fibrillation atriale par la simple stimulation intra-atriale. Cela est possible chez certains patients, mais les essais de traitement plus larges par ce type de moyens n’ont pas été couronnés de succès. De même, la défibrillation automatique a été tentée, mais l’obstacle principal a été constitué par la douleur induite par le choc.

En chirurgie, de nombreuses recherches ont été menées pour pouvoir prévenir les rechutes de fibrillation atriale chez les patients opérés pour une chirurgie valvulaire ou coronaire. Il a été proposé il y a quelques années la réalisation de l’intervention dite « du labyrinthe ». Elle consiste à segmenter l’oreillette de façon à contraindre l’influx à un trajet particulier pour éviter les circuits de réentrée. Cette technique a évolué, elle a actuellement tendance à se contenter d’un isolement des veines pulmonaires, comme cela est effectué en ablation endocavitaire. Les techniques d’isolation des veines pulmonaires à thorax fermé par vidéoscopie se développent également.

Ablation de la fibrillation atriale

L’une des principales avancées thérapeutiques dans le traitement de la fibrillation atriale lors de ces dix dernières années a été constituée par l’ablation. Il est maintenant admis que les veines pulmonaires et le tissu atrial adjacent forment un complexe extrêmement arythmogène [7]. Il est nécessaire, pour effectuer une ablation par isolation des veines pulmonaires, de réaliser un cathétérisme transseptal. Cette région joue un rôle de gâchette permettant de déclencher la fibrillation atriale. Il est maintenant considéré comme acquis que la déconnexion complète des veines pulmonaires permet de réduire le taux de récidives des fibrillations atriales paroxystiques et d’empêcher la perpétuation des fibrillations persistantes. Les techniques actuelles font appel à une isolation réalisée veine par veine la plupart du temps. Il est parfois nécessaire d’associer des lésions linéaires du toit et/ou de l’isthme mitral. Il a également été proposé de réaliser des ablations dans les zones où il existe des potentiels fragmentés.

Le taux de succès de la procédure est variable suivant le terrain. Les meilleurs résultats sont obtenus chez les patients ayant une -fibrillation atriale paroxystique sans cardiopathie sous-jacente. À long terme, les taux de succès diminuent cependant progressivement jusqu’à 50 % à 5 ans alors qu’ils étaient proches de 70 à 80 % initialement. Il est souvent nécessaire de réaliser deux ou plusieurs procédures.

Il existe un risque de complications dans cette technique avec des sténoses des veines pulmonaires, qui étaient fréquentes au début de l’expérience mais qui ont très largement diminué en nombre depuis que les ablations sont réalisées à l’origine des veines pulmonaires. Les fistules atrio-œsophagiennes et les lésions du nerf phréniques sont exceptionnelles pour les premières et rares pour les secondes. Il existe cependant d’une part, un risque de tamponnade et d’autre part, d’accident vasculaire cérébral qui est estimé pour chacune de ces complications à environ 0,5 %. La technique utilisée fait appel habituellement à la radiofréquence, mais il est également possible d’effectuer une cryoablation.

Les indications sont maintenant bien codifiées comme le précisent les recommandations européennes mises à jour en 2016 [7bis] que l’on peut retrouver dans l’algorithme de la figure S5-P3-C5-2. Ces recommandations précisent que cette thérapeutique peut être proposée chez des patients avec une fibrillation atriale paroxystique symptomatique ayant eu des récidives sous traitement anti-arythmique et qui préfèrent une thérapeutique de contrôle du rythme. Il faut que ce geste soit réalisé par un électrophysiologiste entraîné dans un centre habitué à réaliser ce type de procédure. Dans certains cas, il est précisé que l’ablation par cathéter peut être envisagée comme thérapeutique de premier choix chez des patients sélectionnés avec une fibrillation atriale paroxystique symptomatique, comme alternative au traitement anti-arythmique en tenant compte du choix du patient, du bénéfice et des risques possibles.

Flutters atriaux

Le flutter atrial correspond à une description électrocardiographique. Il s’agit d’une activité électrique atriale régulière et rapide, dont la fréquence est proche de 300 par minute sans retour à la ligne iso-électrique dans au moins l’une des douze dérivations de l’électrocardiogramme [1].

Mécanismes

Le mécanisme habituel des flutters est une macro réentrée intra-auriculaire. L’initiation d’une telle arythmie nécessite la présence d’un circuit anatomique, d’une zone de conduction lente et d’une zone de bloc de conduction unidirectionnelle. On distingue des flutters atriaux typiques, également dénommés communs ou de type I. Dans ce cas, le circuit est antihoraire et la morphologie des ondes auriculaires (Figure S5-P3-C5-4) appelées onde F se traduit, dans les dérivations inférieures en DII, DIII, VF par une négativité franche suivie d’une positivité à pente ascendante plus abrupte et par un plateau descendant qui rejoint la nouvelle déflexion négative formant un aspect en « dent de scie » ou « toit d’usine» (voir Figure S5-P3-C5-4). Ce type de macroréentrée atriale droite utilise donc un circuit qui passe par l’isthme cavotricuspide ; on dit alors que le flutter est isthmique-dépendant.

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Aspect typique de flutter isthmique commun.

À côté de cette forme typique, il existe également des flutters atriaux inverses avec une rotation dans le sens horaire autour de l’anneau tricuspide. On décrit également des flutters gauches qui surviennent généralement sur des oreillettes remaniées présentant souvent des zones de fibrose postérieure dans laquelle l’activité électrique est minime, voire absente. Il existe également des flutters septaux, principalement en cas d’antécédent de chirurgie sur le septum, des flutters atypiques droits avec des circuits de boucle de réentrée supérieure ou inférieure par exemple et enfin des flutters cicatriciels survenant principalement après les interventions de chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle.

Présentation clinique

Le flutter atrial est retrouvé dans environ 0,4 à 1,2 % des électrocardiogrammes interprétés dans les hôpitaux. Le diagnostic est électrocardiographique. Il peut être difficile si la conduction auriculoventiculaire se fait sur un mode 2/1 ou 1/1 car, dans ce cas, l’activité atriale est masquée par les complexes QRS. La cadence ventriculaire est habituellement comprise entre 150 et 300/min. La réalisation de manœuvres vagales permet de démasquer des ondes F et de faire le diagnostic.

La tolérance clinique du flutter dépend en grande partie de la cardiopathie sous-jacente, mais aussi de l’état de la conduction auriculoventriculaire. Devant la découverte d’un flutter, il convient de rechercher un facteur favorisant ou déclenchant de cette arythmie. Le cheminement des investigations est tout à fait comparable à celui proposé précédemment pour la fibrillation atriale. De la même façon, le pronostic est également très proche de celui de la fibrillation atriale. De nombreux patients avec cardiopathie sous-jacente ont d’ailleurs tendance à alterner fibrillation atriale et flutter.

Traitement

On a longtemps considéré que le flutter atrial était moins emboligène que la fibrillation atriale, mais on est largement revenu sur cette notion actuellement, considérant que c’est le terrain et donc le score de risque CHA2DS2-VASc qui devait être pris en compte dans les décisions thérapeutiques. L’algorithme d’anticoagulation de la fibrillation atriale peut également être appliqué aux patients avec flutter.

De même, les cardioversions électriques peuvent être réalisées dans les mêmes conditions chez les patients ayant un flutter. La cardioversion médicamenteuse est possible, mais il existe toujours un risque avec les anti-arythmiques de classe I de transformer un flutter 2/1 en un flutter 1/1, ce qui constitue un effet proarythmique avec une fréquence ventriculaire très rapide. La cardioversion électrique peut se dérouler dans les mêmes conditions avec un taux de succès proche de 100 %. Il est également possible d’utiliser chez ces patients la stimulation atriale rapide, que ce soit par voie endocavitaire ou par voie transœsophagienne. Souvent, ce type de stimulation transforme le flutter en fibrillation atriale qui laisse place ensuite au rythme sinusal.

Quant au traitement de la récidive, il est comparable à celui du traitement de la fibrillation atriale en ce qui concerne les médicaments anti-arythmiques, mais les taux de succès sont faibles et l’ablation par cathéter peut être considérée comme une stratégie de première intention dans le traitement du flutter atrial. En effet, il est relativement facile d’interrompre le circuit de réentrée s’il s’agit d’une macroréentrée isthme-dépendante dans l’oreillette droite. Le taux de succès est important, de l’ordre de 80 %, mais un grand nombre de ces patients récidiveront sous forme de fibrillation atriale. L’ablation des flutters gauches est plus complexe, nécessitant un cathétérisme transseptal.

Tachycardies atriales

Les tachycardies atriales [5] représentent 5 % des tachycardies supraventriculaires chez l’adulte. Comme les autres troubles du rythme atriaux, elles se présentent habituellement de façon paroxystique, plus rarement permanente, pouvant évoluer vers une tachycardiomyopathie et une insuffisance cardiaque. La fréquence atriale est généralement comprise entre 100 et 250/min, et l’aspect de l’onde P en tachycardie est différent de celui de l’onde P sinusale. La conduction auriculo ventriculaire se fait la plupart du temps en 2/1.

Mécanismes

On reconnaît trois types de mécanismes : l’automatisme anormal, l’activité déclenchée et la micro-réentrée. Les tachycardies atriales en liaison avec un foyer d’automatisme anormal se constatent surtout chez les sujets jeunes. La tolérance dépend de la fréquence atriale et de la durée de l’arythmie. Les tachycardies atriales dues à une activité déclenchée peuvent se voir dans certains cas particuliers comme les surdosages digitaliques par exemple. La tachycardie peut enfin être due à une réentrée intra-atriale, elle peut alors être déclenchée ou interrompue par un extrastimulus auriculaire. Ces formes sont en général peu rapides, entre 120 et 150/min. La plupart des tachycardies atriales naissent de sites qui sont la crista terminalis, les auricules droit et gauche, les veines caves supérieure et inférieure, le sinus coronaire, les veines pulmonaires, le septum interatrial et le triangle de Koch. On distingue des formes particulières dites tachycardies atriales polymorphes ou chaotiques avec présence d’auriculogrammes de morphologies différentes. Ces tachycardies atriales sont souvent liées à des affections de type cœur pulmonaire chronique avec hypoxie.

Traitement

L’efficacité des médicaments anti-arythmiques est relativement mal évaluée, notamment du fait de la faible fréquence de ces anomalies. En première intention pour la prévention des récidives, les anti-arythmiques de classe I et les bêtabloquants sont préconisés. Le vérapamil est plutôt utile dans les formes spécifiques des tachycardies atriales par activité déclenchée. L’amiodarone peut également être utilisée.

Les techniques d’ablation par radiofréquence sont utilisées dans les tachycardies atriales, mais les résultats sont souvent limités. Il est en effet indispensable de pouvoir faire une cartographie de l’activation atriale pour être capable d’identifier soit un foyer anormal, soit un circuit de réentrée qui pourrait être accessible à la radiofréquence.

Tachycardies jonctionnelles

Le terme de tachycardie jonctionnelle [6] regroupe l’ensemble des tachycardies ne naissant ni dans les oreillettes ni dans les ventricules. Il s’agit donc des tachycardies par réentrée intranodale ou utilisant une voie accessoire et des exceptionnelles tachycardies jonctionnelles en rapport avec une activité automatique du nœud auriculoventriculaire ou du faisceau de His.

Tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale

Elles peuvent apparaître à n’importe quel âge, mais surviennent plus souvent chez des adultes jeunes ou d’âge moyen indemnes de cardiopathie. Il s’agit d’un accès de tachycardie à début et fin brusque. L’électrocardiogramme standard ne permet pas de distinguer la réentrée intranodale de la réentrée utilisant une voie accessoire. Elles correspondent à l’aspect classique décrit en clinique qui est celui de maladie de Bouveret. L’aspect électrocardiographique est celui d’une tachycardie régulière de fréquence variant de 120 à 200/min avec habituellement des ondes P non visibles. Dans certains cas il est possible d’observer des ondes P rétrogrades. La dualité de conduction nodale, qui est la caractéristique principale de ces tachycardies, n’est démontrable que lors de l’exploration endocavitaire.

Le traitement de la crise fait appel aux manœuvres vagales ou à l’injection intraveineuse d’adénosine, d’un anticalcique ou d’un bêtabloquant. Le traitement préventif des crises fait le plus souvent actuellement appel à l’ablation. Les taux de succès sont très élevés, de l’ordre de 90 % grâce à la radiofréquence. Il existe un risque minime, mais réel, d’altération des voies de conduction normale, de moins de 2 %. Le patient doit cependant être prévenu de cette possibilité avant la procédure. La cryoablation peut également être proposée, ayant pour avantage de minimiser encore ces risques de bloc auriculoventriculaire accidentels en raison de la réversibilité de la lésion tant qu’une température très basse n’est pas atteinte.

Tachycardies jonctionnelles utilisant une voie accessoire

La forme la plus typique est constituée par la voie accessoire type faisceau de Kent qui représente environ 90 % des voies accessoires. Présentes dès la naissance, elles sont composées de fibres connectant le myocarde atrial au myocarde ventriculaire. La conduction de l’influx dans la voie accessoire n’est pas décrémentielle, elle peut être bidirectionnelle ou seulement rétrograde. En rythme sinusal, ces patients peuvent avoir un aspect de syndrome de Wolff-Parkinson-White avec un espace PR court et une onde delta. Si le faisceau de Kent n’est pas perméable dans le sens antérograde, on parle de faisceau de Kent caché et il n’existe donc pas de pré-excitation en rythme sinusal. La tachycardie jonctionnelle empruntant une voie accessoire est dite « orthodromique », car elle emprunte la voie nodohisienne dans le sens antérograde. Sa présentation clinique est tout à fait comparable à ce que l’on observe dans les tachycardies jonctionnelles dues à une réentrée intranodale.

La présence d’un faisceau de Kent fait courir au malade un risque potentiel de troubles du rythme ventriculaire graves, pouvant exceptionnellement menacer le pronostic vital, si la période réfractaire de la voie accessoire est courte. En effet, la survenue d’un trouble du rythme atrial peut être transmise très rapidement au ventricule puisqu’il n’y a pas de conduction décrémentielle dans la voie accessoire.

Le traitement des crises de tachycardie jonctionnelle orthodromique obéit aux mêmes règles que celui des crises de tachycardie par réentrée intranodale. Pour ce qui est du traitement préventif des récidives, l’ablation de la voie accessoire tient une grande place. Elle est indiquée lorsque les crises de tachycardie jonctionnelle sont fréquentes ou lorsqu’on a pu faire la démonstration que la voie accessoire a une période réfractaire courte et donc est potentiellement dangereuse.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Heuzey JY (Troubles du rythme supraventriculaires) Troubles du ryhme. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C05.