S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie II (Chapitre archivé)

S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie II (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C05 – Partie II

Troubles du rythme

Partie II : Troubles du rythme ventriculaires

Gaël Jauvert

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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Les troubles du rythme ventriculaire sont des troubles moins fréquents que les troubles du rythme supraventriculaire. Leur origine ventriculaire ne leur confère pas nécessairement un quelconque critère de plus mauvais pronostic.

La principale question à se poser en présence d’un trouble du rythme ventriculaire, quel qu’il soit, est de savoir s’il est associé ou non à une cardiopathie. L’absence de cardiopathie ne signifie pas obligatoirement un pronostic bénin. Inversement, la présence d’une cardiopathie, même complexe, n’implique pas toujours la nécessité d’un traitement ou d’une surveillance renforcée.

L’absence d’anomalie morphologique est cependant compatible avec une anomalie génétique dont la manifestation cardiaque sera purement électrique et non physique, myopathies mises à part.

Schématiquement, en l’absence d’anomalie morphologique et de syndrome d’origine génétique, la majorité des troubles du rythme ventriculaire peut être considérée comme bénigne ne nécessitant aucun traitement ni aucune surveillance étroite.

Toute arythmie ventriculaire doit faire l’objet d’une stratification du risque, d’une évaluation des symptômes ou du retentissement hémodynamique afin de pouvoir proposer une stratégie thérapeutique individualisée conforme aux recommandations internationales.

Les différentes arythmies ventriculaires peuvent se détailler en extrasystoles ventriculaires (ESV), tachycardies ventriculaires non soutenues (TVNS), tachycardies ventriculaires (TV) monomorphes, tachycardies ventriculaires polymorphes et fibrillation ventriculaire (FV).

Pour tous les troubles du rythme ventriculaire, l’interrogatoire s’attachera à recueillir les symptômes (palpitations, malaise, syncope, douleurs thoraciques), leur récurrence et leurs circonstances de survenue (repos, stress, effort physique), les facteurs de risque cardiovasculaires, les antécédents familiaux (cardiopathie héréditaire, myopathie, canalopathie, mort subite inexpliquée). Il sera complété d’un examen clinique à la recherche de signes cliniques orientant vers une cardiopathie, ou témoins de la tolérance hémodynamique.

Le bilan non invasif minimal comportera un électrocardiogramme 12 dérivations, un ECG-Holter des 24 heures, une échocardiographie. Ces données initiales permettront d’orienter un bilan plus exhaustif si nécessaire pouvant comporter des examens d’imagerie (IRM, angiographie), un test d’effort, des épreuves pharmacologiques, une exploration électrophysiologique, un dépistage génétique. Le type de l’arythmie est un paramètre qui oriente bien sûr aussi le bilan étiologique et son degré d’urgence.

Troubles du rythme ventriculaire survenant sur cœur morphologiquement sain

Extrasystoles ventriculaires

Les extrasystoles ventriculaires isolées sont un trouble du rythme d’une grande banalité. Leur découverte peut-être totalement fortuite lors de la réalisation d’un électrocardiogramme de routine ou suite à la perception d’une extrasystolie à l’auscultation ou bien au pouls. Au contraire, elles peuvent être symptomatiques responsables de palpitations isolées récurrentes plus ou moins nombreuses. Il est très anormal d’avoir pour symptômes des malaises ou des syncopes ainsi qu’une histoire familiale de syncopes ou de mort subite. Cela signifie que les extrasystoles sont associées à un autre trouble du rythme paroxystique tel que des tachycardies ventriculaires polymorphes ou des fibrillations ventriculaires et qu’une origine héréditaire est très possible.

L’électrocardiogramme de surface à 12 dérivations permet en général de les identifier. Selon qu’elles présentent un aspect de retard droit ou bien de retard gauche, leur origine ventriculaire gauche ou bien ventriculaire droite peut être la plupart du temps ainsi déterminée. L’analyse plus fine, et en particulier l’analyse de l’axe de ces extra-systoles, permet de localiser plus ou moins grossièrement leur origine au niveau du plancher ventriculaire ou bien au niveau des voies d’éjection (dans le cas d’un axe inférieur). L’ECG est par ailleurs strictement normal avec une attention particulière portée à la repolaristion. En général les extrasystoles ventriculaires ont un couplage tardif et la repolarisation précédente est normale. Certaines ESV ont un couplage court, inférieur à 300 ms (Figure S5-P3-C5-6). Elles sont alors pathognomoniques des torsades de pointes à couplage court pouvant être responsables de fibrillation ventriculaire.

Fig_05-03-05_06

Extrasystole ventriculaire à couplage court et salves de tachycardies ventriculaires polymorphes.

L’ECG-Holter des 24 heures est indiqué pour quantifier l’importance numérique sur la journée et la répartition nycthémérale. Cet examen permet également d’apprécier le caractère monomorphe ou bien polymorphe de l’arythmie ou bien encore de qualifier de plus ou moins prédominante une morphologie par rapport à une ou plusieurs autres. Le troisième objectif de cet examen est de rechercher des formes répétitives (doublets, triplets, salves de tachycardies ventriculaires de même morphologie ou bien polymorphe).

L’échocardiographie doit permettre d’éliminer une cardiopathie qu’elle soit dilatée, hypertrophique, ischémique ou valvulaire. Elle est très utile pour apprécier l’efficacité hémodynamique de l’extrasystole (mesure simple de la VTI aortique) et le retentissement éventuel de l’arythmie ; en effet dans le cas d’une extrasystolie très nombreuse (au moins 10 000 extrasystoles ventriculaires/24 h) la découverte d’une dysfonction ventriculaire gauche (surtout si elle est modérée) et/ou d’une dilatation ventriculaire gauche doit faire suspecter un retentissement hémodynamique néfaste de l’arythmie et non conclure à tort à une cardiopathie dilatée à l’origine des extrasystoles ventriculaires bien que parfois il puisse être difficile d’affirmer si l’arythmie ventriculaire en est la cause ou bien la conséquence.

Dans le cas des extrasystoles ayant un retard gauche et provenant donc du ventricule droit, y compris les extrasystoles évocatrices d’une origine infundibulaire dites d’« allure bénigne » l’échocardiographie est insuffisante pour éliminer une dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA) en dehors des stades avancés. Il est donc nécessaire de réaliser une IRM afin d’éliminer la présence des anomalies morphologiques et dynamiques caractéristiques de cette pathologie. En dehors de la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, l’IRM permet de découvrir parfois des séquelles fibreuses localisées de ce qu’on attribue en général à une séquelle de myocardite de date souvent indéterminée.

L’épreuve d’effort n’est pas forcément obligatoire. Elle peut être utile cependant pour vérifier qu’il n’existe pas une recrudescence de l’arythmie pendant l’effort, ce qui inciterait davantage à un traitement (tout en sachant que les extrasystoles ventriculaires peuvent se manifester dans une « gamme de fréquence cardiaque » pendant l’effort et en récupération) et à dépister éventuellement une tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique.

Traitement

Des extrasystoles asymptomatiques, même nombreuses, et bien que la tentation soit grande, ne justifient pas de traitement. Une surveillance par Holter peut d’ailleurs démontrer que leur nombre est fluctuant dans le temps avec des recrudescences et des accalmies périodiques. Une supplémentation périodique en magnésium peut éventuellement être utile. En présence de symptômes (palpitations gênantes) un traitement bêtabloquant ou par inhibiteurs calciques ou par flécaïnide peut être proposé. Au-dessous de quelques centaines d’extrasystoles par 24 heures un traitement médicamenteux est totalement injustifié.

Les patients présentant un nombre d’extrasystoles supérieur à 10 000 par 24 heures méritent raisonnablement une surveillance des paramètres échographiques indépendamment des symptômes. En cas d’altération de la fonction ventriculaire gauche et/ou d’augmentation des diamètres ou bien en cas d’apparition d’une dyspnée d’effort, l’ablation par radiofréquence du foyer à l’origine des extrasystoles ventriculaires est recommandée et très efficace à condition que les extrasystoles ventriculaires soient monomorphes (ou bien d’une morphologie nettement prédominante), ce qui est en général le cas. L’ablation par radiofréquence peut être également proposée aux patients dont les extrasystoles ventriculaires monomorphes sont nombreuses et symptomatiques en cas d’échec ou bien d’intolérance du traitement médicamenteux ou bien en première intention, s’il s’agit du choix éclairé du patient.

Dans le cas des extrasystoles ventriculaires à couplage court, la défibrillation prophylactique est indiquée et incontournable. Un traitement par vérapamil peut avoir une certaine utilité pour contrôler cette arythmie et ne peut en aucun cas se substituer au défibrillateur. L’ablation par radiofréquence de l’extrasystole initiatrice, lorsqu’elle est répétitive et identifiée, s’est révélée très efficace pour supprimer la survenue itérative de fibrillations ventriculaires et de chocs appropriés invalidants chez ces patients porteurs de défibrillateurs. Là non plus, l’ablation par radiofréquence ne peut se substituer à la défibrillation prophylactique.

Les extrasystoles ventriculaires ayant un facteur catécholergique sont normalement sensibles aux bêtabloquants notamment le nadolol (dans le cadre des tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques).

Tachycardies ventriculaires non soutenues

Les tachycardies ventriculaires non soutenues correspondent à un rythme ventriculaire à une fréquence d’au moins 100 par minute de plus de trois battements et de durée inférieure à 30 secondes.

Les tachycardies ventriculaires non soutenues monomorphes sont comme les extrasystoles ventriculaires isolées assez banales chez les sujets ayant un cœur sain notamment chez l’athlète. Elles sont rarement des phénomènes isolés, il est commun de mettre en évidence des extrasystoles ventriculaires de même morphologie. Leur survenue à l’effort ne constitue pas un critère de mauvais pronostic. Leur découverte implique un bilan superposable à celui des extrasystoles ventriculaires isolées monomorphes. Leur traitement est également semblable. Il est essentiellement guidé par les symptômes et le retentissement hémodynamique.

Les tachycardies ventriculaires non soutenues polymorphes sont davantage suspectes. Elles sont plus volontiers responsables de symptômes tels que lipothymies ou syncopes.

L’analyse électrocardiographique (ECG 12 dérivations et ECG-Holter) doit faire rechercher en particulier une anomalie de la repolarisation en faveur d’un syndrome du QT long congénital, d’un syndrome du QT court, d’un syndrome de Brugada d’un syndrome de repolarisation précoce. Pour ces deux derniers en particulier, les anomalies de repolarisation peuvent être fluctuantes dans le temps. Il peut être alors utile de répéter ces examens électrocardiographiques dans le temps et dans des circonstances différentes (repos, effort, stress, fièvre). Ces affections sont responsables de tachycardies ventriculaires polymorphes (dont les torsades de pointes caractéristiques d’un syndrome du QT long) et de fibrillations ventriculaires. Leur survenue à l’effort associée à un électrocardiogramme normal par ailleurs doit faire évoquer le diagnostic de tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques, surtout chez l’enfant ou le sujet jeune.

Le test d’effort permet normalement de documenter des tachycardies ventriculaires polymorphes ou bidirectionnelles caractéristiques des tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques et d’éliminer une origine ischémique.

L’échocardiographie et les résultats d’imagerie (IRM, tomodensitométrie cardiaque, angiographie coronaire, angiographie ventriculaire droite selon la ou les causes recherchées) doivent être normaux.

Bien que toutes les mutations n’aient pas été encore identifiées, une enquête et des prélèvements génétiques doivent être réalisés pour toute canalopathie identifiée ou fortement suspectée.

L’exploration électrophysiologique voit son intérêt de plus en plus débattu, notamment dans la stratification du risque du syndrome de Brugada. Son intérêt dans le syndrome de repolarisation précoce symptomatique n’est pas défini.

Concernant les tests pharmacologiques utiles dans le diagnostic des canalopathies, on retiendra le test à l’ajmaline (ou bien à la flécaïnide) pour démasquer un syndrome de Brugada.

Malgré l’amélioration des connaissances et le renouvellement des recommandations, la stratification du risque laisse parfois des zones d’ombre et nécessite d’être périodiquement réévaluée. Dans ces cas, l’implantation d’un Holter sous-cutané peut s’avérer très utile. Leur miniaturisation et l’amélioration de leurs performances devraient aider à leur emploi plus large.

Traitement

De l’étiologie dépend principalement la conduite thérapeutique vis-à-vis des tachycardies ventriculaires non soutenues polymorphes.

Les bêtabloquants sont largement utilisés, y compris chez les sujets asymptomatiques lorsqu’il s’agit d’un syndrome du QT long ou des tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques. La quinidine peut être proposée dans le syndrome de Brugada symptomatique.

On retiendra l’indication d’un défibrillateur en cas d’efficacité insuffisante des bêtabloquants, en cas de syndrome de Brugada symptomatique et de syndrome du QT court. Il n’existe pas de recommandations en faveur de l’implantation prophylactique d’un défibrillateur dans le cas d’un syndrome de repolarisation précoce associée à des tachycardies ventriculaires polymorphes non soutenues.

À la condition qu’elles soient fréquentes et que l’extrasystole initiatrice soit toujours la même, l’ablation par radiofréquence peut s’avérer très utile.

Enfin des listes de médicaments et de substances interdites ou déconseillées ont été établies et sont à remettre de façon systématique aux patients porteurs d’un syndrome de Brugada ou du QT long congénital. Ces patients comme ceux présentant des tachycardies ventriculaires catécholergiques doivent être informés de certaines situations à risque telles que la fièvre (Brugada) ou bien l’effort intense ou bien les stress émotionnels.

Tachycardies ventriculaires soutenues

Les tachycardies ventriculaires soutenues (rythme ventriculaire à une fréquence supérieure à 100/min, de durée supérieure à 30 secondes), monomorphes, sont le plus souvent symptomatiques pour des palpitations plus ou moins rapides et régulières, plus rarement associés à des malaises ou des syncopes. Ces tachycardies sont rarement responsables d’arrêts cardiocirculatoires ou de très mauvaise tolérance hémodynamique. Elles dégénèrent également rarement en fibrillation ventriculaire.

L’électrocardiogramme de surface permet de distinguer les différents types de tachycardies.

Les tachycardies infundibulaires ayant pour origine la chambre de chasse du ventricule droit, plus rarement la voix d’éjection aortique, ont un axe inférieur et un aspect de retard gauche. Elles peuvent être retrouvées isolément ou bien associées à des extrasystoles ventriculaires et des tachycardies ventriculaires non soutenues de morphologie identique (ECG-Holter).

Les tachycardies fasciculaires provenant du ventricule gauche dans sa partie septale et inférieure ont un aspect caractéristique avec des QRS peu élargis à type de retard droit et d’hémibloc antérieur gauche (Figure S5-P3-C5-7).

Fig_05-03-05_07

Tachycardies fasciculaires. a) ECG de tachycardie ventriculaire fasciculaire. Aspect de retard droit et d’hémibloc antérieur gauche. Les ondes P sinusales dissociées sont bien visibles. b) Enregistrement par la sonde d’ablation (ABL) d’un potentiel rapide de Purkinje, précédant le ventriculogramme de surface et localisé à la partie inférieure du septum interventriculaire du ventricule gauche. c) Application de la radiofréquence sur ce potentiel permettant l’arrêt de la tachycardie.

Plus rarement l’électrocardiogramme peut documenter d’autres tachycardies ventriculaires gauches focales.

Outre l’interrogatoire, l’origine suspectée droite ou gauche d’une tachycardie ventriculaire soutenue monomorphe va guider les investigations qui auront pour but d’éliminer une cardiopathie sous-jacente.

Ce bilan comprendra de façon systématique une échocardiographie, fréquemment une IRM. Il pourra être complété par un électrocardiogramme à haute amplification à la recherche de potentiels tardifs (dysplasie ventriculaire droite arythmogène), un test d’effort. Une exploration électrophysiologique est utile pour identifier parfois le mécanisme ventriculaire ou supraventriculaire d’une tachycardie à QRS larges ou bien pour identifier plus précisément le site d’origine de la tachycardie ventriculaire, en particulier si elle n’a pas pu être documentée par un électrocardiogramme à 12 dérivations et à condition bien sûr de pouvoir l’induire. Le caractère manipulable (inductibilité et arrêt facile par manœuvres provocatives) est également une information importante en vue notamment d’un traitement par ablation.

Traitement

En l’absence de cardiopathie ou d’origine génétique, bien que le pronostic soit exceptionnellement malin, il paraît difficile de ne pas proposer de traitement, même en cas d’épisode rare. Chez un patient éclairé, on proposera indifféremment en première intention un traitement pharmacologique ou bien une ablation par radiofréquence. Cette dernière option, curative et très efficace, présente un risque opératoire faible mais permet d’éviter un traitement médicamenteux quotidien, prolongé et potentiellement invalidant.

Tachycardies ventriculaires polymorphes et fibrillations ventriculaires

Les tachycardies ventriculaires polymorphes sont des tachycardies ventriculaires soutenues dont la morphologie des complexes QRS est variable et dont les torsades de pointes représentent une entité particulière, rattachée au syndrome du QT long acquis ou congénital. Une fibrillation ventriculaire est un rythme ventriculaire rapide et chaotique dont l’arrêt spontané est exceptionnel. Les symptômes sont en général forts : syncope ou malaise présyncopal, arrêt cardiocirculatoire.

Le premier diagnostic à éliminer est un syndrome coronaire aigu. Il faut ensuite vérifier l’absence de tout autre cause réversible (toxique, hydro-électrolytique, médicamenteuse, bradycardie, syndrome du QT long acquis, tachycardie ventriculaire monomorphe dégénérant en fibrillation ventriculaire, fibrillation auriculaire du syndrome de Wolff-Parkinson-White dégénérant en fibrillation ventriculaire).

Il convient ensuite d’écarter une cardiopathie jusqu’alors non diag-nostiquée : cardiopathie hypertrophique, cardiopathie dilatée primitive, dysplasie ventriculaire droite arythmogène, sarcoïdose, myocardite, prolapsus valvulaire mitral, séquelle de nécrose myocardique (bien que dans ce cas, en l’absence d’ischémie surajoutée, le trouble du rythme ventriculaire le plus fréquent est une tachycardie ventriculaire monomorphe), non-compaction ventriculaire.

Il faut enfin rechercher une origine génétique : syndrome de Brugada, syndrome de repolarisation précoce, syndrome du QT long congénital, syndrome du QT court, extrasystoles ventriculaires à couplage court, tachycardies ventriculaires polymorphe catécholergique.

Le diagnostic de fibrillation ventriculaire idiopathique est une entité rare et un diagnostic d’élimination.

Lorsqu’une cause réversible est identifiée il faut en premier lieu traiter cette cause lorsque cela est possible. Il s’agira donc de la correction des désordres hydro-électrolytiques, d’une stimulation cardiaque définitive en cas de bradycardie, d’un traitement bêtabloquant associé, si nécessaire, à une stimulation cardiaque en cas de syndrome du QT long congénital, de l’ablation d’un faisceau de Kent malin. L’ablation d’un trouble du rythme ventriculaire à l’origine de la fibrillation ventriculaire (tachycardie ventriculaire monomorphe, extrasystoles ventriculaires) est à envisager chaque fois que possible ; cependant les résultats étant un peu plus incertains que pour l’ablation d’un faisceau de Kent, l’indication d’un défibrillateur implantable doit être discutée. Dans le cas d’un spasme coronaire responsable d’une fibrillation ventriculaire ou bien de syncopes récidivantes en rapport avec des tachycardies ventriculaires polymorphes, l’incertitude quant à l’efficacité absolue d’un traitement médicamenteux (inhibiteur calcique, dérivés nitrés) peut justifier l’implantation d’un défibrillateur. Le traitement médicamenteux a alors pour objectif de limiter le nombre de récidives qui seraient responsables de chocs appropriés. Lorsque l’étiologie est un syndrome de Brugada, un syndrome de repolarisation précoce, une torsade de pointes à couplage court, un syndrome du QT court, un syndrome du QT long congénital déjà traité correctement, il s’agit d’indications de défibrillateur implantable.

Troubles du rythme ventriculaire survenant sur une cardiopathie

Extrasystoles ventriculaires

Il est commun de voir apparaître ou de documenter des extrasystoles ventriculaires chez un patient ayant une cardiopathie connue. La présence d’une cardiopathie n’est pas nécessairement un facteur de plus mauvais pronostic impliquant un traitement ou une surveillance très étroite. Il n’est pas impossible que les extrasystoles (idiopathiques) n’aient rien à voir avec la cardiopathie elle-même. Plusieurs questions se posent :

– les extrasystoles ventriculaires font-elles découvrir une cardiopathie ? Cela implique le bilan de la cardiopathie et son traitement avant de traiter le trouble du rythme lui-même ;

– les extrasystoles ventriculaires apparaissent-elles ou bien sont-elles en recrudescence au cours du suivi d’une cardiopathie ? Cela implique de réévaluer la cardiopathie elle-même à la recherche d’une aggravation se traduisant par une altération de la fonction ventriculaire gauche et une dégradation de l’état hémodynamique. Cela implique également de réévaluer le traitement à la recherche d’un effet iatrogène éventuellement concomitant de désordres électrolytiques ;

– les extrasystoles ventriculaires en grand nombre ont-elles un retentissement hémodynamique direct ? En présence d’une cardiopathie, il est parfois difficile de savoir si l’extrasystolie ventriculaire est la cause ou bien la conséquence de la dysfonction ventriculaire gauche et ou des dilatations des diamètres ventriculaires gauches ;

– les extrasystoles ventriculaires sont-elles associées à des tachycardies ventriculaires soutenues ou non, monomorphes ou polymorphes, documentées, le cas échéant à des symptômes (malaises, syncopes) fortement évocateur de leur présence ?

Les données de l’anamnèse et de l’aspect électrocardiographique des extrasystoles guideront les investigations complémentaires à mettre en œuvre pour le diagnostic ou la réévaluation de la cardiopathie sous-jacente. L’imagerie (échocardiographie, IRM, tomodensitométrie cardiaque, angiographie coronaire, angiographie ventriculaire droite et ou gauche) permet bien souvent de poser le diagnostic, à défaut de l’orienter : cardiopathie ischémique avec séquelles contractiles, prolapsus mitral, cardiopathie hypertensive, cardiomyopathie hypertrophique, cardiopathie dilatée, dysplasie ventriculaire droite arythmogène, cardiopathie congénitale, sarcoïdose ou amylose cardiaque. L’imagerie permet également de quantifier un paramètre pronostique essentiel : la fonction ventriculaire gauche. L’épreuve d’effort aura pour but de rechercher une ischémie chez le coronarien connu ou suspecté d’une part et d’autre part d’évaluer le comportement de l’arythmie à l’effort. Le ECG-Holter des 24 heures complète l’épreuve d’effort pour déterminer le caractère isolé ou non des extrasystoles et pour quantifier l’hyperexcitabilité ventriculaire.

Traitement

En l’absence de dysfonction ventriculaire gauche sévère et en l’absence de trouble du rythme plus soutenu et volontiers polymorphe, le pronostic des extrasystoles ventriculaires isolées est probablement aussi bénin qu’en l’absence de cardiopathie. Cela ne nécessite donc pas de traitement particulier ni de surveillance plus étroite autres que suivi de la cardiopathie elle-même.

Lorsqu’il existe un nombre significatif d’extrasystoles (plusieurs centaines ou quelques milliers par 24 heures), un traitement par bêtabloquants ou inhibiteurs calciques, s’il ne fait pas déjà parti du traitement de fond de la cardiopathie (cardiopathie ischémique avec séquelles d’infarctus, cardiopathie hypertrophique), peut-être envisagé, et ce d’autant plus si des salves de tachycardies ventriculaires ont été documentées ou bien si les extrasystoles ventriculaires sont symptomatiques. L’utilisation des anti-arythmiques peut s’avérer plus délétère qu’utile sur le long terme et en dehors de l’amiodarone, les anti–arythmiques sont généralement contre-indiqués en présence d’une cardiopathie, de surcroit avec dysfonction ventriculaire gauche même modérée. En présence d’une dysplasie ventriculaire droite arythmogène cependant, les bêtabloquants et la flécaïnide seuls ou en association peuvent être utilisés et s’avérer très efficaces.

Lorsque les extrasystoles sont très nombreuses (supérieures à 10 000 par 24 heures), il est logique de proposer un traitement et de surveiller régulièrement, non seulement la charge en extrasystoles ventriculaires, mais également le retentissement hémodynamique clinique et échographique. En cas de persistance d’un grand nombre d’extrasystoles, de symptômes ou de leur aggravation, en cas d’apparition ou bien d’altération de la fonction ventriculaire gauche et ou des dimensions ventriculaires gauches, l’ablation par radiofréquence est une approche thérapeutique efficace et doit être proposée. L’association d’un grand nombre d’extrasystoles et la survenue de tachycardies ventriculaires non soutenues de même morphologie ou de morphologie différente, mais initiées par les extrasystoles ventriculaires cliniques justifient également de considérer l’ablation par radiofréquence en cas d’échec du traitement médical, voire en alternative à celui-ci.

Enfin, la stimulation cardiaque en cas de bradycardie et surtout la resynchronisation cardiaque, lorsqu’elle est indiquée dans le traitement des cardiomyopathies dilatées symptomatiques à QRS élargis, peuvent améliorer considérablement l’hyperexcitabilité ventriculaire et éviter ainsi de recourir à un traitement antiarythmique potentiellement délétère ou une ablation.

Tachycardies ventriculaires non soutenues

Les tachycardies ventriculaires non soutenues sont plus fréquentes en présence d’une cardiopathie sous-jacente.

Les tachycardies ventriculaires non soutenues monomorphes sont communément observées au cours du suivi des cardiopathies ischémiques avec séquelles d’infarctus, des cardiopathies congénitales opérées : le mécanisme étant préférentiellement une réentrée autour d’une barrière cicatricielle. On peut les observer dans toutes les cardiopathies, notamment dilatées ou simplement hypertensives, mais également dans des affections plus rares : non-compaction ventriculaire, amylose… Le mécanisme dans ces autres cardiopathies peut être réentrant ou focal.

D’une façon générale, lorsqu’elles sont peu nombreuses, asymptomatiques et que la fonction ventriculaire gauche est peu ou pas altérée, le pronostic est bon, assez superposable à celui des tachycardies ventriculaires non soutenues monomorphes sur cœur sain. Cependant, il est logique en présence d’une cardiopathie de proposer un traitement le plus souvent bêtabloquant, rarement si possible un anti-arythmique tel que l’amiodarone. Lorsqu’elles sont nombreuses et/ou associées à des extrasystoles de même morphologie, elles aussi en nombre significatif, le recours à l’ablation par radiofréquence en cas d’efficacité insuffisante du traitement est une bonne option.

Dans la cardiopathie hypertrophique, c’est leur présence plus que leur nombre qui constitue un des facteurs de risque de mort subite à prendre en compte. Un traitement bêtabloquant en première intention est généralement proposé.

Dans la non-compaction ventriculaire ou l’amylose, c’est la cardiopathie plus que le trouble du rythme lui-même qui est un facteur de risque majeur de mort subite, si bien que l’arythmie ventriculaire n’est pas nécessaire pour poser l’indication d’une défibrillation prophylactique. Le traitement bêtabloquant ou anti-arythmique (éventuellement en association) aura alors pour objectif de contenir l’hyperexcitabilité ventriculaire pour limiter la survenue de tachycardies ventriculaires soutenues et de fibrillations ventriculaires responsables de chocs appropriés, invalidants par leur nombre.

Les tachycardies ventriculaires non soutenues polymorphes, quelle que soit la cardiopathie sous-jacente, ont un pronostic plus réservé. Il faut en premier lieu rechercher une ischémie myocardique, notamment chez le coronarien même asymptomatique. Le traitement sera donc celui de l’ischémie, avant celui du trouble du rythme. Il convient ensuite d’éliminer une origine iatrogène, une grande bradycardie spontanée ou induite et/ou un désordre électrolytique en particulier une hypokaliémie.

La découverte de tachycardies ventriculaires polymorphes non soutenues invite à refaire rapidement une évaluation de la situation hémodynamique, notamment dans les cardiopathies entraînant une dysfonction ventriculaire gauche. On peut ainsi espérer un meilleur contrôle de l’hyperexcitabilité ventriculaire par l’amélioration de la situation hémodynamique, soit par un réajustement du traitement pharmacologique, soit par une resynchronisation cardiaque si elle est indiquée. Cette réévaluation permettra également de rechercher l’indication d’implantation d’un défibrillateur de manière prophylactique si la fraction d’éjection est basse.

Dans les cardiopathies congénitales, il faut tenir compte non seulement de la fonction ventriculaire systémique, mais également de la fonction et de la dilatation du ventricule droit, de la fuite pulmonaire, de la largeur des QRS dans le cas d’une tétralogie de Fallot. Avant une chirurgie telle que la dérivation cavopulmonaire (ventricule unique) ou la valvulation pulmonaire (régurgitation pulmonaire dans la tétralogie de Fallot opérée), une exploration électrophysiologique est souvent réalisée dans le but de rechercher une inductibilité ventriculaire (tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire) ou de cartographier les isthmes possibles impliqués dans le mécanisme d’une tachycardie ventriculaire réentrante. Au terme de ce bilan invasif et non invasif la découverte de tachycardies ventriculaires polymorphes non soutenues pour conduire à non seulement la mise en route d’un traitement bêtabloquant ou anti-arythmique, mais également à poser l’éventuelle indication de l’implantation d’un défibrillateur ou d’une ablation prophylactiques.

Tachycardies ventriculaires soutenues monomorphes

Comme pour les tachycardies ventriculaires monomorphes survenant sur cœur sain, les tachycardies ventriculaires soutenues associées une cardiopathie sont le plus souvent symptomatiques et de façon probablement plus bruyante. Elles sont responsables de palpitations rapides et régulières dont la tolérance hémodynamique est variable, allant de la simple hypotension (malaises lipothymiques) au collapsus plus ou moins brutal (tachycardies ventriculaires syncopales). Chez les patients traités par des anti-arythmiques il n’est pas rare d’observer des tachycardies ventriculaires « lentes » dont la fréquence peut être inférieure à 100/min. Dans ce cas, le trouble du rythme peut être initialement asymptomatique et se révéler par l’apparition progressive plus ou moins rapide d’une insuffisance cardiaque.

L’électrocardiogramme à 12 dérivations est le principal outil permettant de poser le diagnostic de tachycardie ventriculaire soutenue monomorphe. La morphologie de la tachycardie permet d’orienter le diagnostic étiologique et son origine. En aigu, même en cas de mauvaise tolérance, il est important de s’efforcer de documenter ainsi la tachycardie. L’ECG-Holter des 24 heures ou sur une durée plus prolongée aura pour objectif de documenter une tachycardie ventriculaire lorsqu’elle est fortement suggérée par la clinique (palpitations rapides et régulières associée à une tolérance hémodynamique plus ou moins bonne).

L’épreuve d’effort peut être envisagée pour les mêmes raisons lorsqu’une composante adrénergique est suspectée. C’est le cas dans la dysplasie ventriculaire droite arythmogène. Dans cette pathologie, cet examen est utile dans le suivi et l’évaluation thérapeutique.

L’exploration électrophysiologique est indiquée lorsqu’une tachycardie ventriculaire est suspectée à l’origine d’une syncope et que la fraction d’éjection n’est pas trop basse (ce qui poserait l’indication d’un défibrillateur implantable en l’absence de tachycardies ventriculaires documentées). Cet examen est également indiqué éventuellement pour poser le diagnostic différentiel d’une tachycardie à QRS larges (flutter 1/1, tachycardie antidromique empruntant une voie accessoire) (Figure S5-P3-C5-8).

Fig_05-03-05_08

Diagnostic différentiel de tachycardie ventriculaire. a) Tachycardie antidromique empruntant une voie accessoire gauche. b) En rythme électro-entraîné dans l’oreillette lors de l’exploration électrophysiologique, on démasque la pré-excitation peu ou pas visible suivant les battements sinusaux (QRS fins au centre).

Le bilan morphologique (imagerie) permet de poser le diagnostic étiologique du trouble du rythme. Le plus fréquent est la séquelle d’infarctus (Figure S5-P3-C5-9 et Figure S5-P3-C5-10). On retrouve également de façon classique la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, les cicatrices chirurgicales des cardiopathies congénitales opérées. Il peut également s’agir d’une cardiopathie dilatée non ischémique, d’une cardiopathie hypertrophique, etc.

Fig_05-03-05_09

Tachycardie ventriculaire gauche sur séquelle d’infarctus inféroseptal.

Fig_05-03-05_10

Tachycardie ventriculaire. a) Tachycardie ventriculaire sur séquelle d’infarctus antérieur. b) Dans la région antérolatérale du ventricule gauche, la zone d’ablation (RF) enregistre un potentiel mid-diastolique (flèche), témoin de la zone de conduction lente de la réentrée au niveau de la séquelle d’infarctus. c) L’application de la radiofréquence permet, à cet endroit, d’interrompre la tachycardie.

Concernant les tachycardies ventriculaires monomorphes soutenues survenant sur une cardiopathie, les deux paramètres essentiels pour déterminer la stratégie thérapeutique sont la tolérance et la fraction éjection. Quelle que soit la cardiopathie sous-jacente, une mauvaise tolérance hémodynamique et/ou une dysfonction ventriculaire gauche sévère font poser l’indication d’un défibrillateur en prévention secondaire. À l’exception des cardiopathies rares à haut risque de mort subite indépendamment de la fraction d’éjection, la présence d’une cardiomyopathie n’implique systématiquement pas l’indication d’une défibrillation en prévention secondaire.

Dans les cardiopathies ischémiques, le mécanisme des tachycardies ventriculaires monomorphes est une réentrée au sein ou autour d’une cicatrice d’infarctus. Même si elle est présente, l’ischémie n’est qu’exceptionnellement la cause. La performance actuelle des systèmes de cartographie électro-anatomique en 3D permet de guider très efficacement l’ablation par radiofréquence tout en limitant considérablement l’exposition aux rayons X. Cette approche invasive est certainement plus élégante et plus efficace que le recours à un traitement anti-arythmique.

Dans les autres cardiopathies, même si le mécanisme d’une tachycardie ventriculaire monomorphe est le plus souvent (mais pas toujours) une réentrée, celle-ci peut se trouver plus volontiers au niveau des couches épicardiques du myocarde, ou bien être de morphologie multiple, ou bien plus difficile à cartographier. L’ablation par radiofréquence est donc le plus souvent proposée en seconde intention en cas d’efficacité insuffisante du traitement anti-arythmique.

Tachycardies ventriculaires soutenues polymorphes/fibrillations ventriculaires

Les tachycardies ventriculaires polymorphes et les fibrillations ventriculaires sont les complications rythmiques redoutées dans toutes les cardiopathies acquises ou congénitales évoluées. La première étiologie recherchée est le syndrome coronaire aigu. Il faut ensuite éliminer une origine iatrogène et/ou un désordre hydro-électrolytique chez les patients recevant souvent des traitements multiples. Comme dans les tachycardies ventriculaires polymorphes non soutenues, la survenue de ces troubles du rythme graves invite à réévaluer une cardiopathie connue acquise ou congénitale à la recherche d’une dégradation des conditions hémodynamiques. En dehors du syndrome coronaire aigu, les tachycardies ventriculaires polymorphes et les fibrillations ventriculaires peuvent être la manifestation inaugurale d’une cardiopathie hypertrophique, d’une dysplasie ventriculaire droite arythmogène, d’une cardiomyopathie dilatée, d’une myocardite, mais aussi d’une sarcoïdose, d’une amylose, d’un prolapsus mitral.

Les circonstances de survenue, l’électrocardiogramme de surface et les moyens d’imagerie permettent en général de poser rapidement le diagnostic étiologique.

En dehors des causes aiguës réversibles, le diagnostic étiologique peut-être précisé après l’implantation d’un défibrillateur. Un traitement bêtabloquant ou anti-arythmique n’est pas nécessairement justifié d’emblée après la pose du défibrillateur, puisque ces troubles du rythme sont en général rares ou épisodique pour un même patient.

Orages rythmiques

Un orage rythmique se définit par la survenue d’au moins trois épisodes de tachycardies ventriculaires ou de fibrillations ventriculaires dans les 24 heures et nécessitant d’être interrompus (-cardioversion électrique, stimulation antitachycardique). Ces orages surviennent le plus souvent sur une cardiopathie, mais pas nécessairement. Après avoir éliminé une étiologie aiguë réversible à traiter le plus rapidement possible, le premier objectif est de stabiliser le rythme par un anti-arythmique (amiodarone en général) ou un bêtabloquant par voie intraveineuse. Chez un patient porteur d’un défibrillateur et présentant une tachycardie ventriculaire récidivante bien tolérée (relativement), il peut être nécessaire de déprogrammer les thérapies (stimulations antitachycardiques et chocs) afin d’éviter les chocs une fois que les séquences de stimulations antitachycardiques, inefficaces, ont été délivrées (conformément à la programmation) ou bien pour éviter que ces mêmes séquences ne dégradent une tachycardie ventriculaire monomorphe soutenue bien tolérée en une fibrillation ventriculaire. Une fois le patient stabilisé, deux options sont envisageables : soit un ajustement/renforcement du traitement médicamenteux, soit une ablation par radiofréquence d’un circuit ou d’un foyer de tachycardie ventriculaire stable, d’une extrasystolie ventriculaire fréquente identifiée à l’origine des tachycardies ventriculaires ou fibrillations ventriculaires, d’une zone cicatricielle supposée à l’origine du trouble du rythme lorsque celui-ci est instable, non inductible ou d’emblée mal toléré. Les systèmes de cartographie électro-anatomique 3D ont grandement facilité le traitement invasif des orages rythmiques.

Quel défibrillateur pour quel patient ?

La défibrillation implantable répond à deux indications : prévention secondaire ou prévention primaire. Il existe quatre types de défibrillateurs implantables : trois endocavitaires (monochambre, double chambre, multisite) et un sous-cutané. Les systèmes endocavitaires assurent la fonction de stimulation cardiaque (identique à celle d’un stimulateur cardiaque), la fonction de stimulation antitachycardique et la fonction cardioversion/défibrillation. Le défibrillateur multisite assure également la fonction de resynchronisation. Le défibrillateur sous-cutané, plus récent, n’assure que la fonction de défibrillation, mais a l’avantage de n’être relié à aucune sonde endocavitaire (Figure S5-P3-C5-11). Il est relié à une seule sonde de défibrillation sous-cutanée.

Fig_05-03-05_11

Défibrillateur sous-cutané (Cameron Health, Inc.).

On peut proposer le schéma suivant :

– en l’absence de nécessité de stimulation cardiaque et si le trouble du rythme ciblé est uniquement une fibrillation ventriculaire (typiquement un syndrome de Brugada chez un sujet jeune), on choisira en première intention un défibrillateur sous-cutané. Ce système réduit considérablement la morbidité liée au défibrillateur en cas de fracture de sonde ou d’infection ;

– en l’absence de nécessité de stimulation cardiaque ou bien chez le patient en fibrillation auriculaire permanente et si les troubles du rythme ciblés sont à la fois la fibrillation ventriculaire et des tachycardies ventriculaires monomorphes, on choisira un système endocavitaire monochambre ;

– en cas de nécessité de stimulation cardiaque atriale ou ventriculaire (en rythme sinusal), on choisira un système endocavitaire double chambre ;

– en cas d’indication de resynchronisation cardiaque, on choisira un défibrillateur multisite.

Il peut être difficile de choisir entre un système monochambre et double chambre. C’est le cas notamment chez des patients présentant une cardiopathie ischémique avec séquelle d’infarctus. Ces patients ne présentent pas nécessairement de dysfonction sinusale au moment de l’implantation. Cependant, si le risque à venir de dysfonction sinusale est élevé, en raison par exemple de la nécessité de maintenir/renforcer un traitement bêtabloquant, et si de surcroît il existe des arythmies atriales documentées, il paraît alors plus judicieux de choisir un système double chambre. En effet, la stimulation atriale permanente peut permettre d’éviter une incompétence chronotrope symptomatique et d’obtenir un meilleur contrôle des arythmies atriales dont la discrimination par les algorithmes du défibrillateur sera par ailleurs améliorée par la présence d’une sonde atriale.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Jauvert G (Troubles du rythme ventriculaires) Troubles du rythme. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C05.