S05-P03-C07 Valvulopathies Partie 3

S05-P03-C07 Valvulopathies Partie 3

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C07 – Partie III

Valvulopathies

Partie III : Rétrécissement mitral

Bertrand Cormier

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
Lien vers la mise à jour

 

Le rétrécissement mitral est la valvulopathie rhumatismale la plus fréquente et représente encore 10 % des valvulopathies natives en Europe [68]. Le rétrécissement mitral est dans la majorité des cas découvert à l’âge adulte, séquelle d’une cardite rhumatismale survenue dans l’enfance ou l’adolescence. Méconnue et non traitée, la sténose peut engendrer des complications potentiellement fatales, tels un œdème pulmonaire, une embolie systémique ou une hypertension artérielle pulmonaire avec insuffisance cardiaque. Si les valvulopathies dégénératives sont actuellement plus fréquentes que les valvulopathies rhumatismales dans les zones industrialisées, le rétrécissement mitral, qui est une source de morbidité et de mortalité importante, reste en revanche un enjeu de santé publique majeur dans les pays en voie de développement. Dans ces pays où le rhumatisme articulaire aigu n’est pas éradiqué, les patients sont habituellement plus jeunes, avec des sténoses plus sévères, plus rapidement symptomatiques. La prévalence des cardiopathies valvulaires est de l’ordre de 2 à 15 pour 1 000 enfants en âge scolaire dans les pays en voie de développement alors qu’elle est inférieure à 0,5 pour 1 000 dans les pays développés.

Anatomopathologie [62]

Figure S05-P03-C07-10

Rétrécissement mitral rhumatismal. Échocardiographie transthoracique coupe grand axe. Épaississement de l’extrémité de la valve.

Le processus rhumatismal initial peut avoir différentes localisations cardiaques. Au niveau mitral, les lésions prédominent à l’extrémité des valves qui sont épaisses et fibreuses, les commissures sont fusionnées et l’orifice a habituellement une forme de fente avec une atteinte variable de l’appareil sous-valvulaire (Figure S5-P3-C7-10 et Figure S5-P3-C7-11). Ultérieurement, les lésions anatomiques progressent lentement, sur des décennies, probablement secondaires aux perturbations hémodynamiques engendrées par l’atteinte anatomique initiale. Dans les valvulopathie rhumatismales chroniques, l’orifice mitral est intéressé dans deux tiers des cas. La sténose mitrale, au contraire de l’insuffisance mitrale, est rarement observée lors de l’épisode fébrile aigu initial et survient habituellement plus tardivement à distance de l’attaque initiale. L’obstruction hémodynamique est habituellement davantage en rapport avec la fusion des commissures qu’avec les lésions de l’appareil sous-valvulaire, sauf dans certains cas de resténose mitrale en rapport avec une fibrose diffuse de la totalité de l’appareil valvulaire. Secondairement se produit une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires qui est habituelle dans les sténoses mitrales évoluées avec au plan anatomique, un épaississement de la paroi vasculaire et une obstruction des petits vaisseaux.

Figure S05-P03-C07-11

Rétrécissement mitral rhumatismal serré. Échocardiographie transthoracique coupe petit axe. Valve épaissie, fusion bicommissurale.

Les autres causes de sténoses mitrales sont beaucoup plus rares : le rétrécissement mitral congénital est exceptionnellement observé à l’âge adulte. Chez le sujet âgé, des calcifications de l’anneau et de la racine de la valve postérieure sont banales en particulier en cas de surcharge barométrique ventriculaire gauche (hypertension artérielle), habituellement sans conséquence hémodynamique significative. D’authentiques sténoses dégénératives peuvent néanmoins être observées, notamment chez les patients ayant un rétrécissement aortique avec coulée calcaire de l’orifice aortique vers la valve mitrale antérieure. Néanmoins, l’obstruction hémodynamique dans ce contexte est rarement sévère.

Les autres causes comportent la maladie de Fabry, le syndrome des antiphospholipides, les atteintes toxiques d’origine médicamenteuse. Dans ces différentes affections, il s’agit le plus souvent de maladie mitrale associant à des degrés variables une sténose et une régurgitation. La surface valvulaire mitrale normale est de l’ordre de 4 à 6 cm2 et un jeu valvulaire physiologique, avec une ouverture et une fermeture gouvernées par de faibles gradients de pression, suppose la coordination d’un anneau mitral et d’un appareil sous valvulaire normaux. En cas d’atteinte rhumatismale, l’orifice a une forme en bouche de poisson, secondaire à la fusion commissurale. La rigidité des feuillets entraîne une résistance à l’ouverture de l’orifice, d’importance variable selon la sévérité des lésions anatomiques et les conditions hémodynamiques : la réserve fonctionnelle qui peut être observée lors de l’exercice est d’autant plus importante que les lésions anatomiques sont modestes.

Physiopathologie

Conséquences hémodynamiques

Les conséquences physiopathologiques de la sténose mitrale incluent les perturbations hémodynamiques, mais également la genèse des arythmies, en particulier la fibrillation auriculaire, l’activation neuro-hormonale et la survenue des complications thrombo-emboliques ainsi que les altérations des fonctions ventriculaires. Les conséquences hémodynamiques de la sténose mitrale ont quatre caractéristiques essentielles : l’augmentation du gradient de pression transmitral en diastole ; l’accélération du flux à travers l’orifice sténosé ; la réduction du débit cardiaque et l’hyperpression atriale gauche. Le gradient de pression transmitral est fonction de la sévérité de la sténose et du débit cardiaque. Le gradient moyen au repos dans les sténoses mitrales serrées est habituellement de l’ordre de 10 à 20 mmHg chez les patients en rythme sinusal et augmente rapidement lors de l’effort, même mineur. L’évaluation de l’accélération du flux au travers de l’orifice sténosé est la base de l’appréciation par le Doppler de la sévérité de la valvulopathie.

La formule de Gorlin est utilisée pour l’évaluation hémodynamique de la surface mitrale :

Surface valvulaire (cm2) = flux transvalvulaire/38 √gradient moyen (mmHg)

Cette formule validée sur de petits effectifs de patients avec des corrélations anatomiques, n’est valide que lorsque la sténose mitrale est pure ou très prédominante. Les relations entre le gradient de pression transvalvulaire et le débit mitral à partir de la formule de Gorlin, montrent que lorsque le débit double, le gradient transvalvulaire quadruple. Ainsi, toutes les causes d’augmentation du débit (effort, anémie, grossesse, hyperthyroïdie…), contribueront à l’augmentation des pressions dans l’oreillette gauche et sont des facteurs de décompensation d’une sténose mitrale, même moyennement serrée. La tachycardie est nocive en diminuant le temps de remplissage diastolique du ventricule gauche, et l’on conçoit dès lors les effets néfastes d’une fibrillation auriculaire à cadence ventriculaire rapide par la diminution du temps de remplissage diastolique et par la perte de la systole auriculaire qui joue un rôle actif dans le remplissage ventriculaire gauche.

Manifestations pulmonaires

Les symptômes d’effort caractéristiques du rétrécissement mitral serré sont donc en rapport, d’une part avec l’augmentation importante de la pression atriale gauche, secondaire au raccourcissement du temps de remplissage diastolique lié à la tachycardie et, d’autre part, à l’augmentation du débit cardiaque. On conçoit dès lors l’intérêt du contrôle de la fréquence cardiaque par un traitement pharmacologique approprié, l’allongement de diastole permettant une vidange plus complète de l’oreillette gauche, avec en corollaire une baisse de la pression atriale gauche et du gradient de pression transmitral diastolique.

L’augmentation de la pression atriale gauche a des conséquences cliniques variées : l’augmentation de la pression capillaire pulmonaire se traduit par de la dyspnée, de l’œdème pulmonaire, des hémoptysies, puis l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) chronique retentit sur les cavités droites. L’hyperpression atriale gauche entraîne également une dilatation de l’oreillette favorisant les troubles rythmiques atriaux et les complications thrombo-emboliques. Le niveau de pression atriale gauche, normalement inférieur à 12 mmHg, peut atteindre 50 mmHg dans le cas de sténose mitrale très serrée en rythme sinusal avec un débit cardiaque peu diminué.

Les manifestations cliniques sont modulées par l’adaptation anatomique des composants du lit vasculaire pulmonaire à la surcharge chronique de pression : au fil de l’évolution, un épaississement de la paroi des vaisseaux capillaires se développe, limitant dans une certaine mesure le risque de survenue d’œdème pulmonaire ou d’hémoptysies. L’hypertension artérielle pulmonaire est la conséquence habituelle des sténoses mitrales serrées évoluées. Les modifications anatomiques comportent habituellement une dilatation des artères pulmonaires, un rétrécissement de leur lumière et une hyperplasie de l’intima des petits vaisseaux. Initialement, le ventricule droit s’hypertrophie en réaction à l’augmentation de la post-charge, avec une baisse de la fraction d’éjection ventriculaire droite, susceptible de disparaître en cas de normalisation des conditions de charge telle qu’on peut observer après dilatation mitrale per cutanée.

Ventricule gauche

La sténose mitrale est la seule valvulopathie du cœur gauche où il n’y a pas de surcharge ventriculaire gauche. Dans les sténoses mitrales pures et chroniques, le ventricule gauche est de petite taille avec une post-charge normale. Néanmoins, une baisse de la fraction d’éjection est parfois observée, dont l’explication physiopathologique n’est pas univoque : des troubles de la contractilité ventriculaire gauche peuvent résulter soit de la fibrose de la paroi ou de la restriction des mouvements pariétaux par la fibrose de l’appareil sous-valvulaire, soit de l’interaction ventricule droit/ventricule gauche en cas d’hypertension artérielle pulmonaire sévère ; une baisse de la contractilité myocardique intrinsèque en rapport avec une séquelle fibreuse de la myocardite rhumatismale initiale peut également entraîner une baisse de la fraction d’éjection ; enfin, une activation neurohormonale entraînant une vasoconstriction et une augmentation de la post-charge a été évoquée.

Oreillette gauche

La fonction de l’oreillette gauche comporte une fonction passive (fonction systolique de réservoir et fonction diastolique de conduit) ainsi qu’une fonction active (contraction atriale télédiastolique). En cas de rétrécissement mitral, les pressions et les volumes de l’oreillette gauche s’élèvent (surcharge barométrique). L’oreillette s’hypertrophie et développe une contractilité télédiastolique accrue compensatoire. Secondairement l’oreillette se dilate, ce qui augmente la capacité de réservoir et limite l’élévation des pressions pulmonaires. La dilatation atriale prédit de façon indépendante les accidents vasculaires périphériques, les complications cardiovasculaires et les décès. À un stade évolué, la dilatation chronique de l’oreillette gauche s’accompagne de fibrose et d’une altération de la contraction, ce qui favorise l’apparition de troubles rythmiques atriaux qui contribuent à l’altération de la fonction mécanique atriale et à la survenue des complications sus-mentionnées.

Ventricule droit

Dans des conditions normales, le ventricule droit est triangulaire en coupe longitudinale et présente une forme de croissant en coupe transversale. La contraction ventriculaire droite se fait par contraction circonférentielle de la paroi libre et par contraction longitudinale abaissant l’anneau tricuspide. Le ventricule gauche contribue à la fonction ventriculaire droite en faisant bomber le septum vers le ventricule droit pendant la systole. La sténose mitrale est la cardiopathie gauche qui entraîne le plus fréquemment une hypertension artérielle pulmonaire avec en conséquence une hypertrophie et une dysfonction ventriculaire droite. Dans les sténoses mitrales très évoluées, la dilatation et la dysfonction ventriculaire droite s’accompagnent habituellement d’une fuite tricuspide avec élévation des pressions atriales droites et manifestations périphériques cliniques d’insuffisance cardiaque. La dilatation des cavités droites du fait de l’interdépendance VD-VG, contribue au trouble du remplissage ventriculaire gauche en raison du bombement septal droit-gauche.

Axe neurohormonal

L’activation du système neurohormonal peut être démontrée par la mesure directe de l’activité du système nerveux sympathique ou par l’augmentation des concentrations sériques d’un certains nombres de transmetteurs et de leurs métabolites. La vasoconstriction d’origine neurohumorale contribue à l’augmentation des pressions pulmonaires. Ces perturbations sont susceptibles de régresser rapidement après dilatation mitrale percutanée réussie.

Fibrillation auriculaire [66]

La survenue d’une fibrillation auriculaire est un tournant évolutif de l’histoire naturelle du rétrécissement mitral. Elle est habituellement en rapport avec la sévérité de l’obstruction et l’augmentation de la pression atriale gauche, mais peut également être favorisée par des séquelles cicatricielles fibreuses du processus inflammatoire initial au niveau des oreillettes et des voies de conduction. Elle est d’autant plus fréquente que l’oreillette gauche est plus dilatée et quasi systématique en cas d’oreillette gauche ectasique ou de calcifications pariétales atriales. L’âge, la coexistence d’une hypertension artérielle systémique et d’une éventuelle coronaropathie, sont des facteurs additionnels contribuant à la survenue des troubles rythmiques auriculaires. L’hétérogénéité des vitesses de conduction et des périodes réfractaires intra-atriales favorise la survenue des extrasystoles et des différents troubles rythmiques atriaux. La fibrillation auriculaire est initialement volontiers paroxystique avant de devenir permanente. Elle contribue à la dilatation atriale, ce qui constitue donc un mécanisme d’auto-aggravation.

Complications thrombo-emboliques [67]

La thrombose atriale, source d’embolie systémique, est une des complications évolutives majeures de la sténose mitrale. La localisation préférentielle est l’auricule gauche, mais des thromboses atriales massives voire des thrombi mobiles peuvent être observés. Une incidence de thrombose atriale de l’ordre de 20 % a été rapportée chez des patients dont la sténose mitrale était jusqu’alors méconnue et qui ne prenaient pas de traitement anticoagulant. La fibrillation auriculaire est présente dans plus de 90 % des cas de thrombose ; chez les patients en rythme sinusal, la sévérité de la sténose mitrale semble être le facteur prédisposant essentiel. La dilatation de l’oreillette est un facteur de risque indépendant de formation de thrombus. La présence d’un contraste spontané intra-atrial en échographie (Figure S5-P3-C7-12) est un marqueur de stase atriale dont la présence est corrélée à la diminution de l’activité mécanique de l’auricule gauche appréciée par le Doppler. Ce phénomène de contraste spontané est susceptible de disparaître ou de s’atténuer après dilation mitrale percutanée réussie, tout au moins chez les patients en rythme sinusal. La sévérité du contraste est un facteur prédictif indépendant de la formation de thrombus et sa présence est associée à un état d’hypercoagulabilité. Les embolies systémiques, sources de mortalité ou de séquelles invalidantes intéressant préférentiellement le territoire cérébral, sont parfois multiples et volontiers récidivantes. Le point de départ habituel est une thrombose atriale ou auriculaire gauche. Le traitement préventif de ces complications thrombo-emboliques est le traitement anticoagulant en cas de fibrillation auriculaire et de la levée de l’obstacle mitral.

Figure S05-P03-C07-12

Contraste spontané intra-atrial gauche en échocardiographie transœsophagienne.

Marqueurs de coagulation

La sténose mitrale est associée à une augmentation des concentrations sériques des marqueurs prothrombotiques, y compris chez les patients en rythme sinusal. Comparativement aux témoins, les patients ayant une sténose mitrale ont une augmentation des concentrations de l’activateur tissulaire du plasminogène et de ses inhibiteurs ainsi qu’une élévation des D-dimères et de l’antithrombine III. L’augmentation de ces derniers suggère une activation de la coagulation et de la thrombogenèse. Ces marqueurs prothrombotiques sont élevés, y compris chez les patients sans dilatation atriale, et pourraient contribuer à la survenue des complications thrombo-emboliques.

Présentation clinique

Circonstances de découverte

Les circonstances de découverte de la sténose mitrale sont variables selon le lieu et le mode de vie. L’âge de survenue de la pharyngite streptococcique et de l’accès rhumatismal aigu initial est habituellement compris entre 5 et 15 ans. Le délai de découverte de la sténose mitrale après l’attaque initiale est très variable, probablement d’autant plus jeune que l’épisode rhumatismal initial a été intense. Les récidives infectieuses streptococciques éventuelles peuvent accélérer le processus de fusion commissurale et d’altération des différentes portions de l’appareil valvulaire. La découverte tardive à l’âge adulte reflète probablement une attaque rhumatismale plus modeste avec une progression ultérieure lente, cicatricielle, indépendante de l’infection streptococcique initiale. Le plus souvent, la sténose reste latente pendant des décennies avant que des symptômes en rapport avec l’obstruction valvulaire apparaissent, mais dans les pays d’endémie streptococcique, une sténose mitrale sévère et symptomatique peut être diagnostiquée quelques années après l’épisode initial. Dans les contrées où le rhumatisme articulaire a été éradiqué, il n’est pas exceptionnel de découvrir la sténose mitrale après 50-60 ans alors que, dans les pays d’endémie, l’âge moyen est habituellement de l’ordre de 20 à 30 ans. L’âge imprime des particularités à la présentation clinique et une découverte tardive de la valvulopathie est plus souvent associée à la fibrillation auriculaire, une moindre activité physique et un bas débit cardiaque pour des paramètres de fonction valvulaire identiques. Une coronaropathie associée est volontiers présente, bien que cliniquement silencieuse, chez ces patients plus âgés, la valve mitrale est plus souvent calcifiée et l’anatomie moins souvent favorable à une éventuelle dilatation percutanée. Finalement, le diagnostic de sténose mitrale chez des patients âgés peut être une découverte d’échographie chez les patients dont l’auscultation est pauvre.

Symptômes

Le symptôme majeur de la sténose mitrale est la dyspnée d’effort. Chez certains patients, la symptomatologie d’effort est dominée par de la fatigue sans véritable dyspnée. Les symptômes sont parfois difficiles à évaluer, notamment chez les patients les plus âgés qui adaptent leur style de vie à leur cardiopathie. La fibrillation auriculaire peut être le facteur déclenchant d’une dégradation fonctionnelle. Une toux à l’effort peut être observée chez les patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire sévère. Les causes d’hémoptysies sont variées, incluant l’œdème pulmonaire, les infarctus pulmonaires. La syncope et l’angor ne sont pas des symptômes classiques de rétrécissement mitral. Néanmoins, des embolies coronaires peuvent survenir et des manifestations angineuses d’effort ont été décrites chez des patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire sévère avec retentissement droit.

Examen physique

Le faciès mitral, qui est un mélange d’érythrose et de cyanose du visage et des extrémités, était autrefois observé dans les formes évoluées avec manifestation d’insuffisance cardiaque droite. La palpation peut retrouver le frémissement cataire, équivalent palpatoire du roulement diastolique chez les patients en rythme sinusal en décubitus latéral gauche. L’auscultation recueille une séquence d’anomalies stéthacoustiques caractéristiques, classiquement appelées rythme mitral de Duroziez, associant l’éclat du 1er bruit, le claquement d’ouverture mitrale et le roulement diastolique. L’éclat du 1er bruit est perçu à la pointe : il s’agit d’un bruit sec, claqué, qui peut parfois être palpé, mais dont la présence suppose une certaine mobilité valvulaire. Le bruit d’ouverture mitrale est un bruit surajouté, bref, souvent mieux perçu à l’endapex avec le diaphragme du stéthoscope, survenant après le B2 dont il est nettement séparé selon un intervalle de temps variable, d’autant plus court que la sténose est plus serrée, l’intervalle B2CO étant apprécié de façon précise par le phonomécanogramme. Ce bruit d’ouverture mitrale peut disparaître dans les formes évoluées avec calcifications valvulaires. Le roulement diastolique est l’élément stéthacoustique le plus caractéristique du rétrécissement mitral, habituellement maximum à la pointe, mais irradiant dans l’aisselle et à l’endapex, débutant immédiatement après le claquement d’ouverture mitrale. Il s’agit d’un bruit de basse fréquence, mieux perçu avec la cloche du stéthoscope, dont l’intensité variable décroît progressivement au cours de la diastole avec un renforcement présystolique chez les patients en rythme sinusal. Dans les sténoses évoluées avec baisse du débit cardiaque, le roulement s’atténue et peut disparaître. Les autres signes stéthacoustiques sont un éclat de B2 au foyer pulmonaire témoignant habituellement d’une hypertension artérielle pulmonaire, un souffle systolique inspiratoire d’insuffisance tricuspide à l’endapex, un petit souffle diastolique au bord gauche sternal, témoignant le plus souvent d’une insuffisance aortique, mais parfois d’une insuffisance pulmonaire en cas d’hypertension artérielle pulmonaire sévère.

Formes particulières

Sténose mitrale durant la grossesse

La décompensation cardiaque chez les femmes enceintes est une complication classique impliquant un risque majeur pour la mère et le fœtus. Les patientes préalablement asymptomatiques bien compensées peuvent soudainement présenter des symptômes d’insuffisance cardiaque congestive menaçante, avec une fréquence de l’ordre de 25 % en cas de sténose serrée. La détérioration apparaît classiquement au milieu du deuxième semestre, ce qui coïncide avec l’apparition des perturbations hémodynamiques en rapport avec la grossesse. Les symptômes comportent à des degrés variables une fatigue, une dyspnée et des œdèmes périphériques. Le débit cardiaque est habituellement élevé, ce qui accentue les anomalies auscultatoires caractéristiques précédemment évoquées.

Rétrécissement mitral évolué, décompensé

Les patients avec une sténose mitrale rhumatismale au terme de l’évolution, sont souvent cachectiques avec une insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical associant à des degrés divers une hépatomégalie vasculaire, une ascite, des œdèmes des membres inférieurs. L’examen physique est dominé par les signes d’insuffisance respiratoire, la perte de poids, et les manifestations d’hypertension artérielle pulmonaire avec fuite tricuspide.

Sténose mitrale et valvulopathies associées

Les valvulopathies les plus fréquemment associées à la sténose mitrale sont l’insuffisance aortique et l’insuffisance tricuspide. L’association sténose et régurgitation mitrale, constitue la maladie mitrale avec un souffle dont l’intensité est habituellement bien corrélée à la sévérité de la régurgitation. Il est facilement différencié du souffle d’insuffisance tricuspide qui est plus doux, augmentant à l’inspiration, perçu à l’endapex, associé à des signes d’insuffisance cardiaque droite.

Électrocardiogramme

En rythme sinusal, les signes les plus fréquents sont l’hypertrophie auriculaire gauche avec une onde P bifide en D2, biphasique en V1 avec une négativité terminale prolongée. La fibrillation auriculaire est banale, présente chez plus de 30 à 40 % des patients symptomatiques. L’axe de QRS est vertical ou dévié à droite, avec souvent un bloc incomplet droit. L’inversion du rapport R/S en précordial droit est un reflet de l’hypertension artérielle pulmonaire avec hypertrophie ventriculaire droite, mais ces signes sont souvent dissociés et peu sensibles. Lorsqu’ils sont très marqués avec troubles de repolarisation secondaires en précordiales droites, ils suggèrent une hypertension artérielle pulmonaire importante, comme on en observe dans les formes sévères de l’enfant.

Radiographie thoracique

L’aspect caractéristique du rétrécissement mitral associe à des degrés variables une dilatation de l’oreillette gauche, des cavités droites et du tronc pulmonaire ainsi que des signes de congestion pulmonaire. De face, l’arc supérieur gauche est normal, l’arc moyen gauche présente deux saillies : en haut, le tronc pulmonaire dilaté et, au-dessous, l’auricule gauche. L’arc inférieur gauche est normal ou déplacé à gauche par une hypertrophie ventriculaire droite. Le bord droit du cœur est modifié par le développement vers la droite de l’oreillette gauche dont le contour droit, normalement invisible, déborde de façon variable avec un aspect de double contour, l’oreillette gauche s’inscrivant à l’intérieur de l’oreillette droite. Au fil de l’évolution, les contours des deux oreillettes se croisent et lorsqu’elle est très dilatée, l’oreillette gauche dessine le contour droit du cœur souvent associé à un élargissement de l’angle de bifurcation trachéale avec horizontalisation de la bronche gauche. Les modifications de la vascularisation pulmonaire sont étudiées sur le cliché de face et associent à des degrés divers une dilatation des branches artérielles pulmonaires, une redistribution vasculaire vers les sommets, des opacités floues et une grisaille périhilaire témoignant d’une exsudation alvéolaire, un aspect réticulonodulaire prédominant aux bases et, enfin, des lignes B de Kerley, opacités fines, linéaires, horizontales, situées habituellement au-dessus des culs-de-sac pleuraux lorsqu’il existe une hypertension pulmonaire importante. Les épanchements pleuraux, qu’ils soient la conséquence directe du trouble hémodynamique ou satellites d’un infarctus pulmonaire sont banals, situés dans la grande cavité ou scissuraux. Les calcifications mitrales sont rarement vues sur les radiographies standard, qui permettent parfois de visualiser des calcifications de l’oreillette gauche.

Échocardiographie

L’échocardiographie est le temps essentiel de l’évaluation paraclinique permettant d’apprécier la sévérité de la sténose mitrale, d’en préciser l’anatomie qui conditionne les modalités thérapeutiques et d’en apprécier les conséquences hémodynamiques [63]. L’échocardiographie transthoracique est la méthode de référence pour apprécier la sévérité du rétrécissement mitral à partir de deux paramètres : le calcul de la surface et le gradient transmitral.

Calcul de la surface mitrale

La planimétrie est considérée comme la méthode de référence pour calculer la surface mitrale, permettant une mesure de l’orifice anatomique avec une bonne corrélation avec l’appréciation directe per opératoire. Les limites de la méthode sont essentiellement représentées par l’inexpérience de l’opérateur, l’évaluation devant être faite au sommet de l’entonnoir mitral, ce qui suppose des balayages de l’orifice de l’apex à la base. Il a été suggéré que l’échographie 3D permettait dans une certaine mesure de surmonter ce problème d’expérience (Figure S5-P3-C7-13). Les autres limites de l’échographie sont l’échogénicité des patients et l’importance des calcifications, empêchant un dessin précis des contours de l’orifice.

Figure S05-P03-C07-13

Planimétrie de l’orifice mitral. Échocardiographie transthoracique 3D.

Le temps de demi-pression (pressure half time [PHT]) est le temps correspondant à la diminution de moitié du gradient auriculoventriculaire à partir de sa valeur maximale. La surface est obtenue par la formule 220/PHT (Figure S5-P3-C7-14). Cette méthode validée par Hatle sur un petit effectif de patients est largement utilisée, malgré l’absence de validation sur de larges séries. Son principal avantage est sa simplicité et sa reproductibilité. Cela dit, il existe de nombreuses limites et causes d’erreurs : la fibrillation auriculaire, les variations de pente de décroissance, la tachycardie, l’insuffisance aortique et toutes causes d’augmentation des pressions de remplissage ventriculaire gauche. Il a également été montré que la compliance atrioventriculaire chez les patients en rythme sinusal avec petite oreillette gauche, était une cause de sous-estimation de la surface (Figure S5-P3-C7-15). Enfin, la PHT n’est pas valide au décours immédiat d’une dilatation mitrale per cutanée, probablement pour les mêmes raisons de modification brutale de la compliance atrioventriculaire.

Figure S05-P03-C07-15

Rétrécissement mitral serré. Discordance entre le gradient moyen très élevé (18 mmHg) et la surface par la PHT (1,33 cm2).

Figure S05-P03-C07-14

Calcul de la surface mitrale par Doppler continu selon la méthode de Hatle. PHT = 184 ms, correspondant à une surface de 1,20 cm2 (patient en fibrillation atriale).

Les autres méthodes d’évaluation de la surface mitrale sont moins utilisées : l’équation de continuité fondée sur la conservation du flux au niveau de la chambre de chasse du ventricule gauche et de l’orifice mitral est invalide en cas de fuite aortique ou de fuite mitrale associée et a des causes d’erreurs importantes en cas de fibrillation atriale. La PISA, également fondée sur la loi de conservation des flux, a de nombreuses causes d’erreur dont la principale est la nécessité d’utiliser une correction angulaire, la zone de convergence étant une portion d’hémisphère limitée par les feuillets mitraux.

Calcul du gradient transmitral

Le calcul du gradient moyen par Doppler est bien corrélé avec le gradient de pression hémodynamique lorsque les mesures sont faites simultanément. La limite essentielle de ce paramètre est la dépendance vis-à-vis de la fréquence et du débit cardiaque, ainsi que d’une éventuelle fuite mitrale associée. Il s’agit d’un élément d’orientation, un gradient transmitral moyen supérieur à 10 mmHg étant en faveur d’une sténose mitrale serrée en l’absence de fuite associée.

Échographie d’effort

L’échographie d’effort a un double intérêt : préciser la sévérité de la sténose mitrale lorsque l’appréciation basale est difficile et poser les indications thérapeutiques chez les patients pour lesquels il existe une discordance entre les paramètres de fonction valvulaire au repos et la gêne fonctionnelle. Dans les sténoses mitrales serrées, le gradient transmitral moyen s’élève fortement dès les faibles paliers, une valeur supérieure à 15 mmHg avec une HTAP supérieure à 60 mmHg étant les seuils classiquement retenus pour envisager une intervention.

Anatomie valvulaire

Le deuxième temps de l’évaluation est l’anatomie mitrale en fonction de laquelle seront envisagées les possibilités thérapeutiques en cas de sténose mitrale serrée symptomatique. Les lésions anatomiques caractéristiques de la sténose mitrale associent habituellement une fusion commissurale, un épaississement des feuillets valvulaires prédominant à leur extrémité et un remaniement variable de l’appareil sous-valvulaire avec un raccourcissement, un épaississement et une fusion des cordages. On oppose schématiquement le rétrécissement mitral à valve souple, appareil sous-valvulaire peu remanié du sujet jeune en rythme sinusal, aux formes à valve épaisse, fibreuse, rigide et calcifiée du sujet âgé, tous les intermédiaires étant bien sûr possibles.

Différents scores ont été proposés pour prédire le résultat de la dilatation mitrale percutanée [65], [70]. Le plus répandu dans les pays anglo-saxons est le score de Wilkins qui prend en compte quatre paramètres : la mobilité valvulaire, le remaniement de l’appareil sous-valvulaire, l’épaississement des feuillets valvulaires et la présence de calcifications. Chaque paramètre est affecté d’un score de 1 à 4 de sévérité croissante. Un score global de 4 à 16 est établi à partir de la somme des scores individuels, les meilleurs candidats étant les patients ayant un score inférieur à 8.

D’autres équipes utilisent un score semi-quantitatif, les patients étant divisés en trois catégories : le groupe idéal, le groupe intermédiaire et le groupe défavorable avec des calcifications valvulaires. Il n’a pas été montré qu’un score était supérieur à l’autre et ils partagent les mêmes limitations : ils sont semi-quantitatifs, subjectifs, les lésions anatomiques sont généralement sous-estimées, en particulier celles de l’appareil sous-valvulaire comparativement aux constatations chirurgicales, enfin ils ne tiennent pas compte de la localisation des calcifications, les localisations commissurales constituant un facteur de risque pour une dilatation percutanée (difficultés d’ouverture ou possibilité de déchirure valvulaire à proximité d’un nodule calcifié). Au final, leur valeur prédictive vis-à-vis du résultat de la dilatation est relativement médiocre et par ailleurs, le statut anatomique ne constitue qu’un critère prédictif parmi d’autres, les facteurs cliniques (âge, sexe, classe fonctionnelle…) devant être également pris en compte.

Retentissement de la sténose mitrale

L’échographie cardiaque permet enfin d’apprécier le retentissement de la sténose mitrale sur l’oreillette gauche dont le degré de dilatation évalué au mieux par la surface ou par le volume exprimé en ml/m2, est un facteur important de prédiction du risque thrombo-embolique (Figure S5-P3-C7-16). La détection d’une valvulopathie associée, en particulier d’une insuffisance tricuspide, l’appréciation du retentissement hémodynamique, en particulier du degré d’hypertension artérielle pulmonaire et enfin, l’évaluation de la taille des cavités droites et de la veine cave inférieure sont les autres éléments à prendre en compte lors de l’étude échographique.

Figure S05-P03-C07-16

Rétrécissement mitral serré avec appareil sous–valvulaire très fibreux et épaissi. Échocardiographie transthoracique coupe apicale. Forte dilatation atriale.

Échographie transœsophagienne

L’intérêt essentiel de l’échographie transœsophagienne (ETO) est de détecter une thrombose atriale ou de l’auricule (Figure S5-P3-C7-17) qui constitue une contre-indication à la dilatation mitrale per cutanée et qui est donc systématiquement réalisée avant la procédure. La sensibilité de l’ETO dans ce contexte est supérieure à 90 % comparativement aux données anatomiques alors qu’elle est inférieure à 30 % pour l’échographie transthoracique. En dehors des cas de faible échogénicité par voie transthoracique, l’ETO n’apporte pas de renseignement complémentaire anatomique. La constatation d’un contraste spontané, qui témoigne de la stase intra-atriale et qui est un marqueur de risque thrombo-embolique, est habituelle chez les patients en fibrillation auriculaire et banale chez les patients en rythme sinusal ayant une sténose serrée avec dilatation atriale.

Figure S05-P03-C07-17

Rétrécissement mitral. Échocardiographie trans-œsophagienne. Forte dilatation de l’oreillette gauche, contraste spontané et thrombose de l’auricule.

Autres investigations

Cathétérisme cardiaque

Le cathétérisme cardiaque à visée diagnostique ou thérapeutique n’est actuellement plus indiqué, sauf cas exceptionnel. Il peut rester indiqué dans certaines situations difficiles comme les polyvalvulopathies pour préciser la part respective dans le retentissement hémodynamique ou sur les cavités cardiaques des différentes atteintes valvulaires. L’angiographie ventriculaire gauche peut être effectuée avant dilatation mitrale lorsqu’il existe un doute sur la sévérité d’une fuite mitrale sur les données de l’examen clinique et des explorations non invasives. La coronarographie est pratiquée chez les patients pour lesquels on envisage une cure chirurgicale après l’âge de 50 ans, ou en présence de facteurs de risque d’athérosclérose ou de symptomatologie angineuse.

Tomodensitométrie

La planimétrie de l’orifice mitral est possible en tomodensitométrie, tout au moins chez les patients en rythme sinusal avec des cycles cardiaques réguliers ; le scanner est également performant pour détecter les thromboses atriales ou auriculaires gauches lorsqu’il existe une suspicion clinique et une contre-indication à l’échographie transœsophagienne. Mais le principal intérêt concerne les sténoses mitrales dégénératives notamment celles associées à une sténose aortique, pour lesquelles la planimétrie est difficile en raison de l’importance des calcifications et le temps de demi-pression faussé par l’augmentation des pressions de remplissage gauches. Le scanner permet par ailleurs d’évaluer l’extension épicardique et myocardique des calcifications qui ont une implication thérapeutique dans les rares cas où l’on envisage une sanction chirurgicale (Figure S5-P3-C7-18).

Figure S05-P03-C07-18

Rétrécissement mitral dégénératif très calcifié en tomodensitométrie.

IRM

L’appréciation de la sévérité de la sténose mitrale est également possible en IRM, les paramètres évalués étant les mêmes qu’en échographie, à savoir la planimétrie de l’orifice et l’évaluation du gradient moyen. Cela dit, sauf cas particulier, l’apport par rapport aux ultrasons est négligeable et ces examens ne sont pas effectués en routine.

Traitement [71]

Les modalités de la prise en charge dépendent des données cliniques, de l’anatomie valvulaire, des possibilités locales de traitement. L’évaluation initiale du patient inclut l’interrogatoire, l’examen clinique, l’électrocardiogramme de surface, la radiographie thoracique, les analyses biologiques standard et une échocardiographie-Doppler transthoracique.

Traitement médical

Le traitement médical est habituellement réservé aux patients symptomatiques, pour lesquels il existe des arguments paracliniques pour un retentissement hémodynamique. Le traitement médicamenteux vise à réduire les conséquences hémodynamiques de l’obstruction valvulaire. Chez les patients en rythme sinusal, le traitement bêtabloquant réduit la fréquence cardiaque au repos et à l’effort, et est susceptible d’améliorer les symptômes à l’exercice en diminuant la pression capillaire pulmonaire. Cela dit, la capacité d’effort n’est pas améliorée et certains travaux suggèrent une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires en cas d’hypertension artérielle pulmonaire sévère. Le régime sans sel et le traitement diurétique peuvent améliorer la dyspnée et sont indiqués en cas d’insuffisance cardiaque périphérique. La fibrillation auriculaire est un tournant évolutif de la valvulopathie. Elle nécessite un traitement anticoagulant, un contrôle de la fréquence cardiaque par digoxine, bêtabloquants ou inhibiteurs calciques. Une cardioversion doit être discutée ainsi qu’une levée de l’obstacle mitral. Chez les patients en rythme sinusal, le traitement anticoagulant est indiqué lorsqu’il existe des antécédents emboliques, si un thrombus intra-atrial est présent (niveau de recommandations 1c) ; il doit être considéré lorsqu’il existe des marqueurs de risque thromboemboliques représentés par un contraste spontané intra-atrial, une forte dilatation atriale gauche (diamètre > 50 mm en mode TM ou volume > 60 ml/m2) (niveau de recommandations 2aC). L’aspirine et les autres agents anti-agrégants ne sont pas validés dans ce contexte.

Commissurotomie mitrale per cutanée

Cette technique, proposée à la fin des années 1980, a progressivement remplacé la commissurotomie chirurgicale. Il s’agit d’une méthode sûre, efficace, susceptible d’entraîner une amélioration à court et long terme des symptômes et du statut hémodynamique chez un large spectre de patients. La commissurotomie mitrale per cutanée (CMP) doit être discutée en première intention chez les patients symptomatiques, mais peut être également proposée dans des cas sélectionnés chez des patients asymptomatiques pour lesquels il existe un risque de décompensation hémodynamique ou un risque thrombo-embolique. La principale contre-indication à la procédure est représentée par la thrombose de l’oreillette gauche. S’il existe une thrombose de l’auricule, un traitement anticoagulant peut être instauré pendant une durée de 2 mois environ, et la CMP peut être tentée si une nouvelle ETO montre la disparition du thrombus.

Cette stratégie est possible chez les patients cliniquement stables, si l’anatomie laisse penser que la CMP est réalisable avec des chances raisonnables de réussite. Dans les autres cas, la présence d’une thrombose atriale est une indication chirurgicale. L’insuffisance mitrale modérée contre-indique en général la CMP. Celle-ci est néanmoins possible lorsque le risque chirurgical est élevé. Enfin, une valvulopathie associée, notamment une valvulopathie tricuspide organique ou une fuite tricuspide fonctionnelle sévère avec retentissement clinique et échographique avec dilatation des cavités droites et de la veine cave, est plutôt du ressort chirurgical.

La dilatation peut être effectuée selon différentes méthodes, mais la plus commune et la mieux évaluée est celle utilisant un ballon d’Inoue par voie trans-septale. Dans la majorité des cas, la dilatation est réalisée sous anesthésie locale, le cathétérisme trans-septal étant réalisé sous contrôle de la scopie et l’évaluation du résultat est réalisée par échographie transthoracique. Le mécanisme d’action du ballon est la séparation des commissures fusionnées (Figure S5-P3-C7-19) et, dans la majorité des cas, le bénéfice hémodynamique est immédiat avec une surface qui est en règle doublée, une chute du gradient de pression transvalvulaire et des pressions pulmonaires. Les critères habituels de bons résultats, sont une surface finale de plus de 1,5 cm2 sans fuite significative, avec une ouverture commissurale. Le taux d’échec est de l’ordre de 1 à 2 % dans les équipes entrainées. La mortalité est faible, inférieure à 1 % en rapport avec une perforation cardiaque ou bien chez des patients en état général précaire. Les complications emboliques sont elles aussi rares, la plus critique étant l’embolie cérébrale susceptible de nécessiter une prise en charge neurologique vasculaire en urgence. L’hémopéricarde lié au cathétérisme trans-septal peut justifier une procédure de drainage percutané en urgence. La complication principale est l’insuffisance mitrale traumatique, dont l’incidence est comprise entre 2 et 15 % avec une déchirure qui peut être paracommissurale ou, plus rarement, centrale, intéressant alors le bord libre de la valve antérieure ou de la valve postérieure (Figure S5-P3-C7-20). La chirurgie en urgence pour fuite mitrale massive mal tolérée au plan hémodynamique est très rare, de l’ordre de 1 à 2 % des cas. La constatation d’un shunt atrial au point de ponction trans-septal est banale et habituellement sans conséquence hémodynamique.

Figure S05-P03-C07-19

Commissurotomie mitrale per cutanée. Échocardiographie transthoracique coupe petit axe. Ouverture bicommissurale.

Figure S05-P03-C07-20

Déchirure du bord libre de la valve mitrale postérieur. Échocardiographie transœsophagienne avant (a) et après dilatation (b).

Des études randomisées sur de faibles effectifs suggèrent que la dilatation mitrale a des résultats comparables à la commissurotomie à cœur fermé chez les patients ayant une anatomie favorable [64]. Les résultats cliniques à long terme sont globalement bons, mais dépendent étroitement de la qualité du résultat immédiat : en cas de bons résultats, les taux de survie sont excellents, la majorité des patients sont améliorés fonctionnellement et la chirurgie secondaire rarement nécessaire à court terme. Quand une détérioration clinique survient, elle est essentiellement liée à une resténose définie par une perte de plus de 50 % du résultat initial avec une surface valvulaire de moins de 1,5 cm2. Une redilatation peut être envisagée si la resténose s’accompagne de symptômes, survient à distance d’une procédure initialement réussie et si le mécanisme prédominant est une refusion commissurale.

Sélection des patients

Les recommandations récentes suggèrent de sélectionner les patients sur des critères cliniques et anatomiques. Chez les patients symptomatiques, la dilatation est le traitement de première intention lorsque l’anatomie est favorable, d’autant plus qu’il s’agit de sujets jeunes susceptibles de bénéficier éventuellement d’une nouvelle dilatation en cas de resténose permettant de retarder l’échéance chirurgicale. Chez les patients dont l’anatomie est intermédiaire, ce qui est habituellement le cas en Europe, l’indication de dilatation mitrale est individualisée en fonction des critères cliniques et du risque d’une éventuelle chirurgie. Lorsque les caractéristiques cliniques sont favorables (patient relativement jeune, en rythme sinusal), la dilatation permet en règle de retarder l’échéance de remplacement valvulaire de plusieurs années. En l’absence de symptôme, une dilatation mitrale peut être envisagée en cas d’anatomie favorable, lorsqu’il existe un risque de complication thromboembolique (antécédents emboliques, fibrillation auriculaire permanente ou paroxystique, forte dilatation atriale avec contraste spontané) ou de décompensation hémodynamique (HTAP de repos > 50 mmHg ou 60 mmHg à l’effort, nécessité de chirurgie extracardiaque majeure ou prévision d’une grossesse).

Chirurgie mitrale

Les trois techniques chirurgicales sont la commissurotomie à cœur fermé, la commissurotomie à cœur ouvert, et le remplacement valvulaire. La commissurotomie à cœur fermé et à cœur ouvert donne de bons résultats supérieurs à 15 ans chez une majorité de patients, particulièrement chez ceux opérés avant l’âge de 40 ans [69]. La chirurgie à cœur ouvert peut comporter, en plus du geste valvulaire, une ligature de l’auricule pour réduire le risque thromboembolique, une mobilisation des cordages, éventuellement une chirurgie rythmique de type Maze. Le remplacement valvulaire est la procédure habituelle chez les patients les plus âgés avec les lésions anatomiques les plus sévères, avec les cardiopathies les plus évoluées en fibrillation auriculaire ou en cas de valvulopathie associée (insuffisance tricuspide sévère, maladie mitrale).

Situations particulières

Grossesse

Elle entraîne des modifications hémodynamiques (augmentation de la volémie, tachycardie, augmentation du débit cardiaque dès le premier trimestre, atteignant 50 % du débit basal à partir du 5e mois jusqu’au terme), susceptibles de décompenser la cardiopathie.

L’accouchement par voie basse s’accompagne d’une nouvelle augmentation du débit cardiaque secondaire aux contractions utérines. Parallèlement à ces modifications hémodynamiques, se produisent une hyperagrégation plaquettaire, une activation de l’hémostase secondaire, une diminution de la protéine S et une altération de la fibrinolyse, toutes modifications responsables d’une augmentation du risque thrombo-embolique.

Le rétrécissement mitral est la valvulopathie pour laquelle le risque de complications gravidiques est le plus élevé, l’augmentation du débit cardiaque, la tachycardie contribuant à l’augmentation du gradient transmitral et à l’hypertension artérielle pulmonaire. Les complications gravidiques cardiaques peuvent être un mode de révélation d’un rétrécissement mitral jusque-là méconnu. Toute sténose inférieure à 1,5 cm2 est susceptible de décompensation en cours de grossesse. L’élévation du gradient est corrélée au risque de détérioration hémodynamique, de même que le niveau d’hypertension artérielle pulmonaire. La perspective d’une grossesse est une indication de commissurotomie mitrale per cutanée chez les femmes asymptomatiques ayant une sténose serrée, compte tenu du risque élevé de décompensation. Dans l’attente de la dilatation, la grossesse doit être contre-indiquée. En cours de grossesse, les indications dépendent essentiellement de la tolérance fonctionnelle et hémodynamique. Un ralentissement de la fréquence cardiaque par traitement bétabloquant est indiqué en cas de symptômes ou d’hypertension artérielle pulmonaire supérieure à 50 mmHg. Le traitement diurétique doit être transitoire. La dilatation mitrale doit être réalisée de préférence à partir du 6e mois, ce qui correspond à la fin de l’organogenèse, avec des précautions particulières (protection plombée de l’abdomen), par une équipe expérimentée. Le risque principal est la fuite traumatique susceptible de nécessiter une chirurgie sous circulation extracorporelle, grevée d’une mortalité fœtale élevée.

Resténoses mitrales

On entend sous ce terme les récidives de sténose mitrale après chirurgie ou dilatation mitrale percutanée. La resténose doit être différenciée des résultats insuffisants, ce qui suppose une amélioration de la fonction valvulaire et de l’état hémodynamique pendant une certaine durée après la procédure initiale. L’incidence de la resténose se situe entre 5 et 40 % à 9 ans après dilatation mitrale per cutanée initialement réussie. Les facteurs prédictifs de bons résultats à distance de la dilatation sont la qualité du résultat initial, l’âge, la classe fonctionnelle et l’anatomie valvulaire. Anatomiquement, les lésions sont plus sévères que lors de la première intervention, et le mécanisme de la resténose peut être soit une refusion commissurale, soit une rigidité valvulaire avec des commissures restant ouvertes (Figure S5-P3-C7-21). Selon le mécanisme de la resténose se discutera soit une chirurgie de remplacement valvulaire, soit une redilatation mitrale percutanée, qui permet dans une majorité de cas une amélioration fonctionnelle avec un taux de survie sans réintervention de 50 % à 10 ans.

Figure S05-P03-C07-21

Resténose mitrale par rigidité valvulaire avec persistance d’une ouverture partielle des commissures. Échocardiographie transœsophagienne.

Sténose mitrale du sujet âgé

Des séries autopsiques rapportent une incidence de 2 à 5 % des valvulopathies rhumatismales chez les patients âgés. Approximativement un tiers ont une sténose mitrale, deux tiers une fuite prédominante, la combinaison des deux dysfonctions étant la règle.

Il s’agit de sténoses mitrales le plus souvent calcifiées (Figure S5-P3-C7-22) découvertes tardivement, souvent à l’occasion d’une complication à type de fibrillation auriculaire ou d’accident embolique. Il importe de différencier les sténoses rhumatismales des formes dégénératives avec des calcifications extensives de l’anneau et de la base des feuillets mitraux, dont l’extrémité reste relativement souple où il n’existe habituellement pas de fusion commissurale. Habituellement, il s’agit de cardiopathies évoluées avec manifestation d’hypertension artérielle pulmonaire, insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire permanente et dilatation bi-atriale. En l’absence de contre-indication ou de calcifications massives, la commissurotomie mitrale per cutanée peut être tentée en cas de risque opératoire élevé, avec des résultats acceptables pour un bénéfice qui est habituellement moins prolongé que pour les autres patients.

Figure S05-P03-C07-22

Rétrécissement mitral calcifié du sujet âgé. Échocardiographie transthoracique.

Rétrécissement mitral et hypertension artérielle pulmonaire sévère

Certains rétrécissements mitraux serrés développent une hypertension artérielle pulmonaire susceptible de dépasser dans certains cas la pression artérielle systémique. La pression capillaire pulmonaire moyenne est élevée, mais reste inférieure à la pression artérielle pulmonaire moyenne, les résistances artériolaires pulmonaires sont augmentées et il existe deux barrages, artériolaire pulmonaire et mitral. Ces formes se rencontrent avec une particulière fréquence dans les rétrécissements mitraux serrés de l’enfance, mais peuvent se voir à tout âge. L’hypertension artérielle pulmonaire imprime à la symptomatologie certaines caractéristiques : la dyspnée d’effort domine le tableau clinique, alors que les accidents d’œdème pulmonaire sont inhabituels. Au plan clinique, il existe un éclat de B2 au foyer pulmonaire. L’électrocardiogramme est habituellement en rythme sinusal avec une forte surcharge ventriculaire droite. La commissurotomie mitrale per cutanée peut être tentée, en particulier chez les sujets jeunes pour diminuer le niveau de pression pulmonaire et éventuellement autoriser une chirurgie à moindre risque lorsque le résultat de la procédure est insuffisant. Lorsque la levée de l’obstacle mitral est complète, la chute des pressions pulmonaires est habituellement rapide et spectaculaire avec une normalisation des résistances artériolaires pulmonaires.

Conclusion

Le rétrécissement mitral est la valvulopathie rhumatismale la plus fréquente, qui demeure prévalente dans les pays en voie de développement et représente encore 10 % des valvulopathies natives en Europe. La présentation clinique varie en fonction des conditions géographiques : il s’agit de sujets jeunes ayant des sténoses mitrales très serrées avec une mauvaise tolérance fonctionnelle et hémodynamique dans les pays en voie de développement, alors que dans les pays industrialisés le début est plus tardif et souvent plus insidieux à l’occasion d’une complication. La gravité potentielle des complications, sources de mortalité, justifie la poursuite de l’éradication du rhumatisme articulaire.

Dans tous les cas, la prise en charge a largement bénéficié du développement de la dilatation mitrale per cutanée qui est le traitement de première intention lorsque l’anatomie valvulaire est favorable ou intermédiaire et en l’absence de contre-indication.

La prédiction du résultat repose sur des critères composites à la fois anatomiques mais également cliniques.

Bibliographie

62. ACAR J, LABORDE JP, CORMIER B. Le rétrécissement mitral. In : J Acar. Cardiopathies valvulaires acquises. Paris, Flammarion Médecine-Sciences. 1985 : 253-279
63. BAUMGARTNER H, HUNG J, BERMEJO J et al. Echocardiographic assessment of valve stenosis : EAE/ASE recommendations for clinical practice. Eur J Echocardiogr, 2009, 10 : 1-25.
64. BEN FARHAT M, AYARI M, MAATOUK F et al. Percutaneous balloon versus surgical closed and open mitral commissurotomy: seven-year follow-up results of a randomized trial. Circulation, 1998, 97 : 245-250.
65. BOULETI C, IUNG B, LAOUÉNAN C et al. Late results of percutaneous mitral commissurotomy up to 20 years. Development and validation of a risk score predicting late functional results from a series of 912 patients. Circulation, 2012, 125 : 2119-2127.
66. CAMM AJ, KIRCHHOF P, LIP GY et al. Guidelines for the management of atrial fibrillation : the task force for the management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J, 2010, 31 : 2369-2429.
67. CHIANG CW, LO SK, KO YS et al. Predictors of systemic embolism in patients with mitral stenosis. A prospective study. Ann Intern Med, 1998, 128 : 885-889.
68. IUNG B, BARON G, BUTCHART E, et al. A prospective survey of patients with valvular heart disease in Europe : the Euro heart survey on valvular heart disease. Eur Heart J, 2003, 24 : 1231-1243.
69. SONG J-K, SONG J-M, KANG D-H et al. Restenosis and adverse clinical events after successful percutaneous mitral valvuloplasty : immediate post-procedural mitral valve area as an important prognosticator. Eur Heart J, 2009, 30 : 1254-1262.
70. WILKINS GT, WEYMAN AE, ABASCAL VM et al. Percutaneous balloon dilatation of the mitral valve: an analysis of echocardiographic variables related to outcome and the mechanism of dilatation. Br Heart J, 1988, 60 : 299-308.
71. VAHANIAN A, ALFIERI O, ANDREOTTI F et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012). The joint task force on the management of valvular heart disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J, 2012, 33 : 2451-2496.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Cormier B. Rétrécissement mitral. Valvulopathies. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C07.