S05-P03-C03 Cardiomyopathies et génétique (Chapitre archivé)

S05-P03-C03 Cardiomyopathies et génétique (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C03

Cardiomyopathies

Partie VII : Cardiomyopathies et génétique

Philippe Charron, Pascale Richard et Michel Komajda

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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Initialement qualifiées d’idiopathiques, les cardiomyopathies sont désormais définies par la Société européenne de cardiologie [233] comme des maladies du myocarde avec anomalies structurales et fonctionnelles, en l’absence de maladie coronaire, d’hypertension, de valvulopathie ou de cardiopathie congénitale suffisante pour l’expliquer. Contrairement à la classification américaine [220], la dernière classification européenne des cardiomyopathies [233] conserve la subdivision classique, selon le phénotype morphologique et fonctionnel (Figure S05-P03-C03-33), en cardiomyopathie hypertrophique (CMH), dilatée (CMD), restrictive (CMR), ventriculaire droite arythmogène (CVDA/DVDA) et non classifiée (telle que la non–compaction du ventricule gauche [NCVG]). Elles sont ensuite subdivisées en cardiomyopathies familiales/génétiques ou non familiales/non génétiques, puis dans le premier cas, en fonction du gène ou du sous-type, témoignant de l’origine fréquemment génétique de ces pathologies.

Figure S05-P03-C03-33

Classification européenne des cardiomyopathies CMD : cardiomyopathie dilatée ; CMH : cardiomyopathie hypertrophique ; CMR : cardiomyopathie restrictive ; DVDA : dysplasie ventriculaire droite arythmogène ; NCVG : non-compaction du ventricule gauche. (Modifié d’après Elliott P, Andersson B, Arbustini E et al. Classification of cardiomyopathies : a position statement from the European Society of Cardiology working group on myocardial and pericardial diseases. Eur Heart J, 2008, 29 : 270-276.)

Mode de transmission

Les cardiomyopathies rencontrées chez l’adulte, l’adolescent et le grand enfant sont très largement à transmission autosomique dominante (Figure S05-P03-C03-34) [261], [267]. Cela signifie que la maladie affecte aussi bien les femmes que les hommes, qu’elle est habituellement transmise par l’un des deux parents, lui-même affecté par la maladie, et que le risque de transmission à la descendance est de 50 % pour chaque enfant. Parfois, la présentation est inhabituelle devant un cas apparemment isolé ou sporadique, sans autre atteinte dans la famille. Les analyses génétiques permettent cependant d’identifier une mutation causale chez les patients avec cardiomyopathie « sporadique » dans un nombre grandissant de cas. Dans le cadre de cardiomyopathies à transmission autosomique dominante, deux mécanismes peuvent rendre compte de cette situation :

Figure S05-P03-03-34

Les trois principaux modes de transmission. a) Transmission autosomique dominante (50 % de risque pour la fratrie/descendance). b) Transmission autosomique récessive (25 % de risque pour la fratrie). c) Transmission liée à l’X (si malade dans la fratrie et mère conductrice : 50 % des garçons dans la fratrie et 50 % de conductrices chez les filles).

– une mutation transmise par l’un des parents qui n’a lui-même pas encore développé la maladie (cas d’expression cardiaque retardée) ou qui ne la développera jamais (on parle de pénétrance incomplète, cas fréquent dans la DVDA) ;

– la survenue d’une néomutation ou mutation de novo (cas assez fréquent dans la CMH, par exemple). Dans ce dernier cas, la mutation, absente chez les deux parents, est apparue pour la première fois dans la famille à la génération du patient avec la cardiomyopathie (ou plus exactement dans un gamète de l’un des parents).

D’autres modes de transmission sont plus rarement rencontrés, en particulier dans les cardiomyopathies à expression néonatale (maladies métaboliques, souvent récessives ou liées à l’X) ou syndromiques (maladies mitochondriales par exemple).

Fréquence des formes familiales et génétiques

La fréquence des formes familiales, objectivées par une enquête familiale cardiologique exhaustive, varie de 20 à 60 % selon le type de cardiomyopathie [224], [242], [247], [249], [261], [262], [267]. Cependant, dans la mesure où les cas sporadiques peuvent relever d’une origine génétique et mendélienne, la fréquence des formes génétiques apparaît donc très supérieure. Dans la CMH, et aussi la DVDA, la maladie est considérée comme étant quasiment toujours d’origine génétique. Dans la CMD, la CMR ou la non-compaction du ventricule gauche, la fréquence apparaît inférieure mais n’a pas été évaluée précisément.

Dans la CMD, les enquêtes échographiques réalisées systématiquement chez les apparentés de patients avec CMD apparemment idiopathique ont permis de déterminer que la maladie est familiale dans 20 à 35 % des cas [249], [254]. Différents modes de transmission sont décrits, avec une nette prédominance de formes autosomiques dominantes, à côté de formes autosomiques récessives, récessives liée à l’X, mitochondriales ou non classifiées. Dans une étude italienne, les pourcentages étaient respectivement de 64, 16, 10, 0 et 10 % [251]. Dans une autre étude, les formes liées à l’X représentaient 8 % des cas masculins [231].

Dans la non-compaction du ventricule gauche, les deux modes autosomiques dominants et liés à l’X sont prédominants. Notons que la non-compaction du ventricule gauche est une entité nosologique encore floue avec des recouvrements entre cardiomyopathies, qui apparaissent notamment par la coexistence fréquente dans les familles de patients développant un type différent de cardiomyopathie.

Pénétrance et histoire naturelle

La pénétrance d’une mutation est définie comme le pourcentage de porteurs de mutation qui expriment le phénotype (ici la cardiomyopathie présente sur l’échographie). Le concept concerne en fait le risque cumulé pendant la vie. La pénétrance peut être complète (100 % des porteurs de mutation développent la maladie au cours de leur vie) ou incomplète (en particulier dans la DVDA). Pour les maladies auto-somiques récessives, la pénétrance est habituellement complète avant l’âge adulte, alors que pour les maladies autosomiques dominantes, la pénétrance est incomplète ou plutôt progressivement croissante avec l’âge (dans la CMH, 50 % environ des porteurs de mutation ne développent la maladie qu’après l’âge de 20 ans et environ 95 % l’ont développée à l’âge de 50-60 ans dans l’étude française rétrospective) [225]. Dans certaines populations ou régions géographiques du globe (comme les Pays-Bas), la pénétrance des mutations peut apparaître faible en relation avec un effet fondateur et une forme moins sévère de la maladie [229]. De façon générale dans les cardiomyopathies, et chez le porteur de mutation, la maladie évolue schématiquement en trois phases. La première phase, pouvant se prolonger chez l’adulte, est totalement silencieuse sur le plan cardiaque (pas de symptôme et pas de cardiomyopathie). La deuxième phase est celle de l’apparition de la maladie avec son expression cardiaque (repérable sur l’échographie par exemple), alors qu’il n’y a encore aucun symptôme. Cette deuxième phase peut s’étendre sur plusieurs années avant l’apparition des symptômes et/ou des complications, qui constituent la troisième phase.

Dans 10 à 20 % des cas selon les phénotypes, une pénétrance plus élevée peut être observée (maladie dès la naissance ou dans l’enfance). Elle peut être due à la présence de mutations hétérozygotes composites (une mutation sur chaque allèle du même gène) ou de mutations doubles hétérozygotes (une mutation hétérozygote sur deux gènes différents).

Gènes des cardiomyopathies

Il existe une large hétérogénéité génétique au sein des cardiomyopathies, avec par ailleurs un recouvrement important des gènes en cause (Tableau S05-P03-C03-VII) [224], [242], [247], [249], [261], [262], [267]. Pour une cardiomyopathie donnée, un grand nombre de gènes ont été identifiés comme responsable de la maladie (une seule mutation dans un gène donné au sein d’une famille, mais le gène et/ou la mutation ne sont pas forcément les mêmes d’une famille à l’autre) (Figure S05-P03-C03-35 et voir Tableau S05-P03-C03-VII). Les mutations sont de nature variable (faux sens, non-sens, petite insertion ou délétion, altération des sites d’épissage…) et se situent sur l’ensemble des régions codantes ou régions d’épissage du gène concerné, sans localisation préférentielle. Les gènes en cause codent des protéines variées (sarcomériques, desmosomales, filaments intermédiaires, membranaires), et certains gènes sont impliqués dans plusieurs types de cardiomyopathies. Enfin, il est important de souligner que nos connaissances ne sont pas complètes et que, au total, les gènes rapportés ne concernent pas la totalité des familles répertoriées.

Dans la CMH, plus de 1 500 mutations différentes ont été répertoriées au sein d’une quinzaine de gènes [224], [262] qui sont majoritairement des gènes codant pour des protéines du sarcomère. Dans la plupart des études, les deux gènes prédominants sont MYBPC3 (la protéine C cardiaque de liaison à la myosine) et MYH7 (la chaine lourde ß de la myosine), qui représentent plus de 80 % des mutations dans l’expérience française [255]. Les autres gènes sarcomériques pouvant être impliqués sont surtout TNNT2 (troponine T cardiaque), TNNI3 (troponine I), MYL2 et MYL3 (les chaînes légères régulatrices et essentielles de la myosine). Finalement, des mutations sont retrouvées dans l’ensemble des gènes sarcomériques chez 40 à 70 % des patients (60 % dans l’expérience française).

Tableau S05-P03-C03-VII (suite).

CMH

CMD

DVDA

CMR

Non classées, NCVG

Phénotype parfois associé

Syndromique

PTPN11

Syndrome
de Noonann, syndrome Léopard

FXN

Ataxie de Friedreich

TAZ ou G4,5

X

X

X

Syndrome
de Barth

Protéines membranaires

CAV3

X

X

Myopathie

LMNA

X

X

X

Myopathie

EMD

X

Myopathie

TMEM43

X

LAMA4

X

PSEN2

X

TMPO

X

Réticulum sarcoplasmique

JPH2

X

PLN

X

X

X

RYR2

X

X

Tachycardies ventriculaires catécholergiques

CASQ2

X

Tachycardies ventriculaires catécholergiques

Protéines cytosoliques

Filament intermédiaire, DES

X

X

X

Myopathie

CRYAB

X

Myopathie

CTF1

X

Dystrophine, DMD

X

Myopathie

DTNA

X

SGCD

X

Myopathie

RBM20

X

Kinase, MYLK2

X

Protéines du desmosome

DSC2

X

X

DSG2

X

X

DSP

X

X

Syndrome
de Carvajal

PKP2

X

X

JUP

X

Syndrome
de Naxos

Canaux ioniques

SCN5A

X

X

Syndrome
de Brugada, syndrome
du QT long

ABCC9

X

Facteur de transcription

EYA4

X

Surdité

GATAD1

X

CMD : cardiomyopathie dilatée ; CMH : cardiomyopathie hypertrophique ; CMR : cardio-myopathie restrictive ; DVDA : dysplasie ventriculaire droite arythmogène ; NCVG : non-compaction du ventricule gauche.

Chez l’enfant, les formes génétiques non sarcomériques représentent <25 % des cas de CMH [230] avec trois sous-groupes : les maladies métaboliques (chef de file : la maladie de Pompe, gène GAA), les maladies neuromusculaires (chef de file : la maladie de Friedreich, gène FXN) et les maladies syndromiques (chef de file : le syndrome de Noonan, gène PTPN11 notamment). Chez l’adulte, les formes non sarcomériques sont mal évaluées, mais représentent sans doute moins de 10 % des cas, avec comme principales causes la -maladie de Danon (gène LAMP-2), la maladie de Fabry (gène GLA), l’amylose génétique (gène TTR), la surcharge en glygogène par atteinte du gène PRKAG2.

Dans la CMD, des mutations ont été décrites dans plus de vingt-cinq gènes différents [249], ces gènes codant des protéines structurales (dystrophine, δ-sarcoglycane), des protéines des filaments intermédiaires (desmine), de la membrane nucléaire (lamines A/C) ou encore des protéines sarcomériques, identiques à celles impliquées dans les cardiomyopathies hypertrophiques (gènes MYBPC3, MYH7, TNNT2, TNNI3, TPM1, ACTC), des protéines de la bande Z (gènes CARP, MYPN) ou, plus récemment, une protéine impliquée dans l’apoptose et l’autophagie (gène BAG3) [266] (voir Tableau S05-P03-C03-VII et Figure S05-P03-C03-33). Parmi les gènes décrits, aucun d’entre eux ne prédomine et leur analyse ne permet de trouver l’anomalie causale que dans une faible proportion de patients (<20 % des formes familiales) [239] même si l’analyse du gène de la titine (gène TTN) est susceptible d’augmenter ce pourcentage (des mutations tronquantes sont retrouvées chez <25 % des patients). La présence d’un tableau clinique particulier accroît notablement la probabilité d’identifier une mutation. Il peut s’agir de l’association d’une CMD avec une atteinte musculaire squelettique mineure ou infraclinique (taux élevé et permanent de CPK plasmatiques) orientant vers des mutations du gène de la dystrophine (transmission liée à l’X) [231]. Dans d’autres familles (avec transmission autosomique dominante), il s’agit de l’association d’une CMD avec des troubles de conduction de type bloc auriculoventriculaire ou dysfonction sinusale sévère, survenant habituellement avant le stade de dysfonction myocardique, et conduisant souvent à implanter un pacemaker, orientant vers des mutations du gène des lamines A/C (LMNA) [224].

Figure S05-P03-C03-35

Représentation schématique du cardiomyocyte et des protéines impliquées dans les cardiomyopathies. (Modifié d’après Baylor College of Medicine, Texas’s Children Hospital [Professeur J.A. Towbin], www.bcm.edu/…/Cytoskeleton_Small_Cap.gif.)

Dans la DVDA, les mutations sont retrouvées principalement dans des gènes codant pour les protéines des desmosmomes, jonctions intercellulaires essentielles à l’intégrité tissulaire, avec <50 % de mutations retrouvées au total dans l’expérience française [237], qu’il y ait un contexte familial ou pas. Les gènes principaux sont la plakophiline 2 (PKP2), la desmogléine 2 (DSG2), la desmoplakine (DSP), la desmocolline 2 (DSC2) et la plakoglobine (JUP). Quelques mutations ont également été retrouvées dans des gènes non liés aux desmosomes comme RYR2 (récepteur cardiaque de la ryanodine type 2), TGFB3 (transforming growth factor β3) TMEM43, LMNA (lamines AC/), TTN (titine), DES (desmine) et PLN (phospholamban).

Variabilité d’expression et relations phénotype-génotype

La plupart des cardiomyopathies à transmission autosomique dominante sont caractérisées par une grande variabilité dans l’expression de la maladie (le phénotype), notamment l’âge de début de la cardiomyopathie, le degré des symptômes, le risque de complications.

La variabilité entre familles peut être due en bonne partie à la nature du gène et de la mutation en cause, et on parle alors de corrélations entre le phénotype et le génotype. Il faut noter que les corrélations ont été établies pour certaines mutations seulement et à partir d’études habituellement rétrospectives, portant sur des effectifs souvent réduits. Dans la CMH, les mutations du gène de la troponine T et certaines mutations du gène de la chaîne lourde β de la myosine (MYH7) sont ainsi associées à un risque important de mort subite prématurée, alors que les mutations du gène de la protéine C cardiaque sont associées habituellement à une expression retardée et une évolution moins sévère [224], [244]. Dans la CMD, les mutations du gène des lamines A/C (ou LMNA) sont aussi associées à un fort taux de mort subite (par arythmie ventriculaire ou par bloc auriculoventriculaire précoce) [260].

Il existe par ailleurs une variabilité importante au sein d’une même famille de cardiomyopathie, suggérant le rôle d’autres facteurs modulant le phénotype. Dans certains cas, la sévérité et/ou la précocité du phénotype est liée à la présence d’une seconde mutation causale, dans le même gène ou dans un gène différent, (5 % des patients avec une CMH et 4 % des patients avec une DVDA dans l’expérience française) [237], [255]. D’autres facteurs génétiques de type polymorphismes génétiques pourraient également avoir un rôle. Enfin, des facteurs environnementaux, comme l’activité sportive intensive pendant de nombreuses années ou des événements inflammatoires et/ou infectieux (myocardite) sont de plus en plus suspectés de jouer un rôle modulateur.

Quelle information donner à un patient atteint de cardiomyopathie ?

L’objectif pour le clinicien est d’intégrer les connaissances nouvelles en prenant en compte l’origine génétique probable ou certaine de la maladie pour organiser et optimiser la prise en charge du patient et de sa famille. Le niveau d’évidence scientifique est suffisamment important pour que diverses sociétés savantes aient édicté des recommandations de prise en charge en ce sens [220], [226], [232], [236], [238], [254bis]. La mission est triple :

– apporter au patient et à sa famille l’information la plus pertinente ;

– organiser le bilan cardiologique et la surveillance au sein de la famille ;

– discuter la réalisation d’un test génétique et utiliser les résultats pour optimiser la prise en charge de la famille.

Ces missions sont intégrées au sein d’un conseil génétique [236], [238], et la première étape est l’information à fournir à la famille, qui porte sur différents aspects :

– informer sur l’origine génétique de la cardiomyopathie. Après analyse attentive de l’histoire familiale, du phénotype des patients et de l’arbre généalogique le clinicien doit déterminer et dire s’il existe une probabilité très grande, forte ou faible d’une origine génétique au sein de la famille, quel que soit le contexte familial ou non de la maladie. En présence d’une CMH ou d’une DVDA l’origine génétique est quasi certaine, même en l’absence de contexte familial (car possibilité de mutation de novo ou de pénétrance incomplète en présence de cas apparemment sporadique). En présence d’une CMD « sporadique » il faut rester prudent et dire que la maladie est génétique dans au moins un tiers des cas ;

– informer sur le mode de transmission et identifier les apparentés à risque au sein de la famille. L’analyse de la famille et du phénotype permet de déterminer le mode de transmission (le mode autosomique dominant peut être affirmé en cas de transmission père-fils), d’indiquer par conséquent le risque de transmission pour la descendance (50 % de risque pour chaque enfant en cas de mode autosomique dominant) ;

– informer sur les manifestations cardiaques de la maladie, son histoire naturelle, la possibilité d’expression très retardée. Ces informations sont particulièrement importantes pour les apparentés au sein de la famille. Indiquer les trois phases de la maladie (asymptomatique et sans expression cardiaque ; asymptomatique mais avec expression échographique ; symptomatique) et la grande variabilité selon les individus (notamment la durée des phases) ;

– informer sur l’intérêt d’un bilan cardiologique et d’un suivi au sein de la famille (voir plus loin). Cela est lié au bénéfice d’une prise en charge précoce. L’expression retardée explique l’utilité de poursuivre la surveillance même en cas de premier bilan cardiaque normal ;

– informer sur la possibilité d’apparition ou d’aggravation de la maladie au cours de la grossesse. Ce risque maternel (avéré pour la CMD et la CMH), associé au risque de transmission à l’enfant, doit faire l’objet d’une information (avant la grossesse si possible) et conduire à la planification d’une surveillance médicale spécifique pendant la grossesse et après l’accouchement. La présence d’une CMD conduit même à déconseiller toute grossesse (à la différence des autres cardiomyopathies, habituellement) ;

– informer sur la possibilité d’analyses génétiques. Indiquer les coordonnées d’une consultation spécialisée afin de discuter le test génétique ;

– informer sur l’existence d’associations de patients atteints de cardiomyopathie (www.ligue-cardiomyopathie.com), de sources médicales d’information (telles que le site Orphanet de l’Inserm [www.orpha.net] et le site du centre national de référence [www.cardiogen.aphp.fr]) et, si nécessaire, les coordonnées d’une consultation spécialisée dans la prise en charge des cardiomyopathies (centres de compétence listés sur www.cardiogen.aphp.fr).

Organiser la surveillance cardiaque au sein de la famille

Le dépistage cardiologique des apparentés se justifie en raison :

– de l’histoire naturelle de la maladie comportant une phase asymptomatique parfois très prolongée (parfois à l’âge adulte moyen) ;

– des implications médicales du diagnostic précoce : mise en place d’une surveillance cardiologique régulière, modification de l’hygiène de vie incluant une modification ou contre-indication de l’activité sportive, parfois initiation d’un traitement médicamenteux destiné à prévenir les complications de la maladie (inhibiteur de l’enzyme de conversion dans la CMD), discussion d’un défibrillateur prophylactique selon la stratification du risque rythmique ;

– des données génétiques moléculaires pas toujours disponibles (en l’absence de test génétique effectué chez le cas index, ou en cas d’analyse négative chez celui-ci) [220,  226, 232, 236, 238, 246, 248, 252].

Le dépistage cardiologique s’adresse à tous les apparentés à risque significatif au sein de la famille (essentiellement tous les apparentés au premier degré dans les formes à transmission dominante). Le bilan cardiologique préconisé par la Société européenne de cardiologie [226] (Tableau S05-P03-C03-VIII) consiste en un ECG et une échographie, à partir de l’âge de 10 ans dans la plupart des cardiomyopathies, et en répétant les examens, même si le premier bilan cardiaque est normal (tous les un à deux ans entre 10 et 20 ans puis tous les deux à cinq ans entre 20 ans et 60 ans). Dans le cas de la CMD, le renouvellement est préconisé seulement en cas de forme familiale avérée.

Tableau S05-P03-C03-VIII Organisation de la surveillance cardiologique familiale selon le type de cardiomyopathie.

CMH

CMD

DVDA

CMR

NCVG

Examens

ECG

 

Échographie

ECG

 

Échographie
(ECG-
Holter si trouble conductif chez le propositus)

ECG

 

Échographie

 

ECG-Holter

 

ECG à haute amplification

ECG

 

Échographie

 

(ECG-Holter si trouble conductif chez le propositus)

ECG

 

Échographie

Âge de début

10-12 ans

Petite -enfance (sauf lamino-pathie :
10-12 ans)

10-12 ans

10-12 ans

Nouveau-né

Périodicité

Tous les 1 à 2 ans entre 10 et 20 ans

 

Tous les 2 à 5 ans après 20 ans

Tous les 1 à 2 ans avant 10 ans

 

Tous les 1 à 2 ans entre 10 et 20 ans

 

Tous les 2 à 5 ans après 20 ans

Tous les 1 à 2 ans entre 10 et 20 ans

 

Tous les 2 à 5 ans après 20 ans

Tous les 1 à 2 ans entre 10 et 20 ans

 

Tous les 2 à 5 ans après 20 ans

Tous les 1 à 3 ans avant 20 ans

 

Tous les 2 à 5 ans après 20 ans

Âge d’arrêt

50-60 ans

50-60 ans

50-60 ans

50-60 ans

50-60 ans

CMD : cardiomyopathie dilatée ; CMH : cardiomyopathie hypertrophique ; CMR : -cardiomyopathie restrictive ; DVDA : dysplasie ventriculaire droite arythmogène ; NCVG : non-compaction du ventricule gauche.

(Modifié d’après Charron P, Arbustini E, Arad M et al. Genetic counselling and testing in cardiomyopathies : a position statement of the European Society of Cardiology working group on myocardial and pericardial diseases. Eur Heart J, 2010, 31 : 2715-2726.)

Conformément à la loi, les apparentés ne peuvent être contactés directement par l’équipe médicale en charge du cas index, mais seulement via le cas index et après information de celui-ci sur l’importance de cette démarche et sa responsabilité dans la prévention de la maladie au sein de sa famille. Une fiche (support écrit d’information) peut être remise au cas index afin de permettre une diffusion plus facile de l’information au sein de sa famille.

Préconiser la réalisation d’un test génétique moléculaire

Le test génétique est préconisé dans le cadre de la pratique médicale afin d’améliorer la prise en charge du patient et de sa famille. La discussion d’un test génétique doit être intégrée dans une démarche globale et via une consultation spécifique de conseil génétique [220, 226, 232, 236, 238, 254bis].

Diagnostic moléculaire

La stratégie d’identification d’une mutation chez un patient atteint de cardiomyopathie commence par une prise de sang chez celui-ci, après recueil écrit de son consentement éclairé. Après extraction de son ADN, la stratégie conventionnelle est focalisée sur l’analyse des gènes principaux qui sont possiblement impliqués chez le patient en fonction des informations cliniques détaillées transmises (arbre généalogique et mode de transmission, phénotype principal, atypies du bilan cardiaque et extracardiaque pouvant orienter vers des étiologies spécifiques). L’étude moléculaire a longtemps reposé sur l’analyse séquentielle des gènes ciblés, portant sur les séquences codantes de ces gènes (et les jonctions introns-exons de façon à analyser les sites d’épissage), par une méthode directe d’identification de mutation (le séquençage traditionnel de type « -Sanger »), parfois précédée d’une méthode indirecte de détection (comme la technique HRMA). Du fait de l’hétérogénéité génétique et de la technologie traditionnelle de séquençage mentionnée ici, la phase d’analyse génétique et d’identification de la mutation causale chez le patient atteint (cas index) est donc longue. Cette analyse prend habituellement environ 6 mois pour l’analyse des principaux gènes d’une cardiomyopathie (voir la nomenclature dans l’encadré S5-P3-C3-1). De plus, une mutation n’est pas identifiée chez 100 % des cas de patients/familles du fait de nos connaissances encore incomplètes. La probabilité d’identifier la mutation causale dans une famille de cardiomyopathie est bonne dans la CMH (environ 60 %), satisfaisante dans la DVDA (environ 50 %), modeste dans la CMD familiale (environ 20 % des CMD de phénotype conventionnel, la titine n’étant pas analysée en pratique par cette stratégie du fait de la longueur du gène). En revanche, lorsque la mutation causale est identifiée dans une famille (chez le cas index), il est extrêmement simple (une amplification PCR/séquençage), rapide (quelques jours ou semaines) et fiable (100 % de fiabilité) de déterminer le statut génétique des apparentés au sein de cette famille.

Tableau S05-P03-C03-ENC1

Nomenclature utilisée pour le rendu d’un résultat génétique.

1. Gène impliqué et son numéro de séquence de référence (NM_…).

2. Mutation identifiée, avec nomenclature au niveau de l’ADNc (c.) et de la protéine (p.). Par exemple :

• Substitution :

– c.123A>G : sur l’ADNc, la base adénine en position 123 est remplacée par la guanine ;

– p.Pro252Arg : sur la protéine, l’acide aminé proline en 252 est remplacé par l’arginine ;

– p.Leu856* : substitution de la leucine en 856 de la séquence protéique en codon stop direct (* ou X).

• Délétion :

– c.546delT : délétion du nucléotide thymine en 546 de l’ADNc ;

– c.586_591del : délétion de six nucléotides sur l’ADNc ;

– p.Arg548del : délétion de l’arginine en position 548.

• Duplication :

– c.546dupT : duplication du nucléotide T en position 546 de l’ADNc ;

– c.586_591dup : duplication du segment 586591 de l’ADNc ;

– p.Gly4_Gln6dup : duplication des acides aminés à partir de la glycine en position 4 jusqu’à la glutamine en position 6 de la séquence protéique.

• Décalage du cadre de lecture :

– Thr1264fsX15 : décalage du cadre de lecture (fs) à partir de la thréonine 1264 avec formation d’un codon stop prématuré 15 acides aminés plus loin.

3. Statut hétérozygote ou homozygote du variant.

4. Évaluation du caractère pathogène :

– variant déjà décrit dans la littérature/bases de données ;

– variant absent des bases de données d’exomes/génome sur témoins « sains » ;

– prédiction des logiciels in silico ;

– nature de la variation et sa localisation dans le gène/la protéine.

La stratégie d’identification de mutation causale chez le cas index est désormais bouleversée par l’utilisation des nouvelles technologies de séquençage à haut débit (NGS pour next generation sequencing) [241, 253bis] dans le domaine du diagnostic moléculaire. Cette technologie permet l’analyse simultanée de nombreux gènes, quelle que soit leur taille, et génère une quantité très importante d’informations à un prix devenu compétitif avec celui du séquençage conventionnel « Sanger ». En fonction des approches choisies il est possible de séquencer soit l’exome entier (séquences codantes de tous les gènes, soit environ 1-2 % du génome entier) ou le génome entier (le coût reste encore excessif pour un usage diagnostic), soit de sélectionner les divers gènes décrits comme responsables d’un phénotype donné (séquençage ciblé d’un large panel de gènes). Cette dernière stratégie est la plus prometteuse à court terme, avec des données préliminaires déjà rapportées dans les cardiomyopathies [235, 245, 250, 256], permettant non seulement une efficacité plus grande, mais aussi d’intégrer l’outil génétique dans la stratégie étiologique générale de prise en charge d’une cardiomyopathie.

Quelle que soit la stratégie utilisée pour l’analyse du cas index, et a fortiori en cas d’utilisation du séquençage à haut débit, un écueil majeur est l’interprétation des variants génétiques identifiés et la validation du caractère causal ou pathogène des variants. Divers critères permettent de différentier un polymorphisme génétique rare d’une mutation pathogène : l’absence du variant dans les populations contrôles/bases de données d’exomes/génomes ; le type de mutation et la prédiction in silico des conséquences protéiques ; la conservation selon les espèces de l’acide aminé concerné en cas de mutation faux sens ; la coségrégation dans la famille entre le variant et la maladie ; la présence éventuelles d’études expérimentales sur les conséquences fonctionnelles du variant. Dans certains cas, l’interprétation reste difficile et le variant génétique est dit de « signification incertaine ».

Bénéfice médical attendu

Le test génétique constitue un outil diagnostique complémentaire qui peut représenter une aide pour le clinicien, dans des situations variées comme le test diagnostique, pronostique, prédictif ou parfois prénatal.

Test génétique diagnostique

Affirmer le diagnostic d’une cardiomyopathie ne nécessite habituellement pas de preuve moléculaire, même si dans le cas de la DVDA le test génétique a été intégré dans le score diagnostique général. Dans quelques cas, cependant, le test peut se révéler très utile. Il peut s’agir d’un patient avec un tableau clinique particulier faisant évoquer une maladie rare pour laquelle la certitude diagnostique s’impose en raison des implications thérapeutiques qui en découlent (par exemple, débuter une enzymothérapie substitutive devant une CMH en cas de maladie de Pompe ou de maladie de Fabry ; discuter une transplantation hépatique en cas d’amylose génétique liée à la transthyrétine). Parfois, il s’agit de diagnostic clinique douteux, en raison d’anomalies cardiaques modérées, faisant discuter une forme débutante de cardiomyopathie ou bien un « cœur d’athlète » physiologique chez le sportif de haut niveau (la distinction est ici cruciale) [257]. L’apport du test génétique est alors important pour aider à une distinction cruciale, compte tenu des implications professionnelles.

Recommandations européennes [226].

• Le test génétique est approprié pour le diagnostic d’une cardiomyopathie rare ou particulière, surtout en présence d’anomalies cliniques atypiques et suggestives.

• Le test génétique n’est pas indiqué pour le diagnostic d’une forme douteuse de cardiomyopathie, à l’exception de cas particuliers dans le contexte d’équipe experte.

Test génétique pronostique

En cas de corrélations phénotype-génotype, l’identification du gène et de la mutation causale chez un patient avec cardiomyopathie permet d’apporter quelques informations pronostiques supplémentaires (identification de sous-groupes à haut risque ou bas risque de complications) qui peuvent orienter la stratégie thérapeutique (et notamment conduire à l’implantation d’un défibrillateur prophylactique). Cette situation est illustrée dans la CMH, en cas de mutation du gène de la troponine T, et de certaines mutations de la ß-myosine. Dans la CMD, l’identification d’une mutation du gène des lamines A/C (LMNA) implique une mortalité élevée [260] en rapport avec un haut risque de mort subite, à la fois par troubles conductifs sévères et précoces (justifiant un stimulateur cardiaque précoce) et par troubles du rythme ventriculaire précoces, parfois avant même la dysfonction myocardique (conduisant à discuter précocement un défibrillateur) [253263] Récemment, au travers d’un registre européen de 269 patients porteurs de mutations du gène des lamines A/C (Figure S05-P03-C03-36), plusieurs facteurs prédictifs de mort subite ont été identifiés (FEVG < 45 %, tachycardie ventriculaire non soutenue, sexe masculin, mutation d’épissage ou « tronquante ») permettant de préciser le stade où le défibrillateur peut être implanté de façon prophylactique [265]. Enfin, dans les diverses cardiomyopathies, l’identification de plusieurs mutations pathogènes est associée à un plus grand risque de complications [237, 255, 258, 269]. Les données restent cependant à valider pour la plupart d’entre elles d’où le faible niveau des recommandations actuelles.

Recommandations européennes [226].

Le test génétique n’est pas recommandé de façon systématique pour la stratification pronostique d’une cardiomyopathie, mais doit être considéré chez des patients sélectionnés et dans le contexte d’équipe experte.

Figure S05-P03-C03-36

Exemple de l’influence des facteurs génétiques sur le pronostic de la cardiomyopathie dilatée. Survie sans événement rythmique majeur chez 269 porteurs de mutation du gène des lamines A/C. Courbes de survie de Kaplan-Meier (critère composite : mort subite ou mort subite récupérée ou choc approprié de défibrillateur) selon la présence de quatre facteurs de risque (FR) indépendants : tachycardie ventriculaire non soutenue, fraction d’éjection ventriculaire gauche < 45 %, sexe masculin, mutation du gène LMNA de type tronquante (codon stop, insertion/délétion, épissage : en opposition à une mutation de type faux sens). (Modifié d’après van Rijsingen I, Arbustini E, Elliott PM et al. Risk factors for malignant ventricular arrhythmias in lamin A/C mutations carriers : the European lamin A/C registry. J Am Coll Cardiol, 2012, 59 : 493-500.)

Test génétique prédictif chez l’apparenté

Quand la mutation est identifiée chez le cas index d’une famille donnée, alors un test génétique prédictif peut être proposé aux apparentés asymptomatiques ayant un bilan cardiologique normal, pour déterminer leur statut génétique et guider ainsi la prise en charge. La démarche concerne surtout les maladies autosomiques dominantes, du fait de l’expression cardiaque volontiers retardée. En l’absence de mutation chez l’apparenté, la surveillance cardiologique de celui-ci devient inutile, de même que celle de ses descendants (Figure S05-P03-C03-37). Chez l’apparenté porteur de la mutation, la poursuite d’une surveillance cardiologique est impérative. D’autres mesures peuvent parfois être discutées à ce stade précoce : restriction d’alcool dans la CMD, restriction d’activité sportive dans les diverses cardiomyopathies. Quelques études de modélisation médico–économique ont été réalisées dans le cas de la cardiomyopathie hypertrophique [240, 268] et valident le ratio coût/efficacité de la stratégie de surveillance familiale fondée sur le test génétique plutôt que sur le bilan cardiaque seul, malgré un excès de coût initial, car permettant de mieux cibler la surveillance des apparentés. L’impact psychologique du test génétique prédictif ne doit cependant pas être négligé [222, 227, 234]. L’annonce d’une mutation peut conduire à une angoisse importante, lié à la quasi-certitude de développer la maladie et au risque de la transmettre. Conformément aux dispositions légales, les enjeux médicaux, socioprofessionnels et psychologiques doivent être abordés largement avec le consultant, préalablement au test, au sein d’une équipe pluridisciplinaire déclarée au ministère de la Santé ou à l’Agence de biomédecine. Concernant l’enfant, du fait d’enjeux plus complexes et en accord avec les recommandations générales en médecine [221], la conduite à tenir doit être guidée par l’intérêt de l’enfant, et pas seulement la demande des parents, et l’âge à partir duquel le test génétique est proposé est habituellement 10 à 12 ans.

Figure S05-P03-C03-37

Enjeux médicaux du test prédictif. (Dans le cas habituel d’une transmission autosomique dominante.)

Recommandations européennes [226].

• Le test génétique est approprié pour le diagnostic prédictif chez les apparentés asymptomatiques d’un patient avec cardiomyopathie, quand la mutation causale a été préalablement identifiée dans la famille.• Le test génétique est par conséquent préconisé chez tout cas index avec cardiomyopathie, comme condition permettant ensuite le test prédictif chez les apparentés.• Le test génétique prédictif chez l’enfant peut être considéré à l’âge où l’examen cardiologique est considéré comme utile, soit l’âge de 10-12 ans dans la majorité des cas.

Diagnostic prénatal

Certains couples souhaitent réaliser un diagnostic prénatal (analyse du statut génétique du fœtus en début de grossesse par amniocentèse ou biopsie de trophoblaste) pour envisager une interruption médicale de grossesse en cas de mutation. La législation précise que la démarche ne peut s’envisager que si l’affection recherchée est « d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic», ce qui est rarement le cas pour les cardiomyopathies (il existe souvent une thérapeutique efficace, les maladies ne sont par ailleurs pas systématiquement associées à un mauvais pronostic et certaines ne débuteront que tardivement au cours de la vie). Le diagnostic prénatal est donc discuté au cas par cas [228], au sein d’une équipe pluridisciplinaire, et il est rarement retenu en fin de compte. Les alternatives doivent être expliquées (telles que l’adoption, la procréation avec don de gamètes), alors que la majorité des couples optera pour une grossesse conventionnelle. Le diagnostic pré-implantatoire représente une alternative prometteuse[243] mais un parcours encore long et incertain, puisque suppose une fécondation in vitro pour n’implanter que l’embryon non porteur de la mutation.

Recommandations européennes [226].

Considérant les enjeux médicaux, le test génétique n’est pas approprié pour le diagnostic prénatal pour la plupart des cardiomyopathies, sauf dans des cas particuliers et dans le contexte d’équipes expertes.

Équipe spécialisée et pluridisciplinarité

Le test génétique constitue un outil complémentaire qui doit s’intégrer dans une démarche globale. La pratique du test génétique doit par ailleurs s’entourer de précautions pour préserver le consultant de répercussions négatives éventuelles. Le test génétique pose en effet des problèmes spécifiques, touchant l’individu dans sa nature intime et dans ses liens avec sa famille [221, 222, 226, 227, 234, 264]. Il peut avoir des répercussions personnelles et familiales, et être source de discriminations. C’est pourquoi des textes de loi régissent la pratique des tests génétiques en France (loi de bioéthique révisée le 6 août 2004, puis le 7 juillet 2011, décrets du 23 juin 2000, du 4 avril 2008 et du 20 juin 2013).

La discussion du test génétique et sa réalisation doivent donc prendre en compte ses différentes dimensions médicales, socioprofessionnelles, psychologiques, éthiques et médicolégales. La prise en charge fait appel le plus souvent à une équipe pluridisciplinaire expérimentée, pouvant associer selon les cas le cardiologue, le généticien (ou le conseiller en génétique), le psychologue, l’obstétricien, l’assistante sociale, etc.

Le conseil génétique comporte différentes étapes qui commencent par l’étape diagnostique (analyse attentive de l’histoire familiale, du phénotype des patients et de l’arbre généalogique sur au moins trois générations). Vient ensuite l’étape d’information ou de conseil prétest (information sur les enjeux du test génétique, l’histoire naturelle de la maladie et les ressources thérapeutiques, l’anticipation des conséquences du test génétique tant sur la plan médical que familial, psychologique, socioprofessionnel). Une consultation à ce stade auprès d’une psychologue de l’équipe peut être nécessaire. Dans le cas de la discussion d’un test génétique prédictif, les textes de loi mentionnent explicitement que celui-ci doit être proposé par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire déclarée au ministère de la Santé ou à l’Agence de biomédecine. L’étape suivante est celle de la décision par le consultant de faire le test génétique (ou de reporter sa décision) et la signature du formulaire de consentement, avant le prélèvement sanguin, puis vient l’étape de rendu du résultat et de conseil post-test (interprétation du résultat et organisation de la prise en charge pour le consultant, ainsi que pour ses apparentés). L’étape finale du conseil génétique est celle de la transmission de l’information aux apparentés (ou parentèle) qui a fait l’objet en 2013 d’un décret d’application précisant les modalités et donnant notamment au cas index une responsabilité plus grande dans cette mission d’information aux apparentés.

Pour faciliter cette prise en charge spécialisée et pluridisciplinaire des maladies dites rares, le ministère de la Santé a souhaité structurer un fonctionnement national en réseau (le plan national maladies rares), au travers de la désignation d’un centre de référence pour les maladies cardiaques héréditaires (incluant les cardiomyopathies), à vocation nationale, et de centres de compétence, à vocation régionale (coordonnées sur le site du centre de référence : www.cardiogen.aphp.fr). Ces centres sont à la disposition des cliniciens pour aider à la prise en charge tant génétique que cardiologique des cardiomyopathies.

Recommandations européennes [226]

• Le conseil génétique est approprié pour tout patient avec une cardiomyopathie (et sa famille), sauf si une cause acquise a été démontrée.

• Le conseil génétique doit être délivré par un professionnel formé à cette tâche.

• Le conseil génétique doit être délivré dans le contexte d’une prise en charge pluridisciplinaire, idéalement au sein d’un centre spécialisé dans la prise en charge des cardiomyopathies héréditaires, surtout lorsqu’il s’agit de discuter un test génétique prédictif chez un apparenté ou bien un test prénatal.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Charron P, Richard P, Komajda M (Cardiomyopathies et génétique). Cardiomyopathies. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, Éd. 2021 Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C03.