S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie III (Chapitre archivé)

S05-P03-C05 Troubles du rythme – Partie III (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C05 Partie III

Troubles du rythme

Partie III : Troubles de la conduction

Jean-Claude Daubert et Philippe Mabo

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
Lien vers la mise à jour

 

Les troubles de la conduction intracardiaque sont fréquents, en particulier chez le sujet âgé, du fait des lésions dégénératives du tissu nodal. Ils peuvent entraîner une bradycardie paroxystique ou permanente et avoir des conséquences cliniques sévères, dominées par les troubles de conscience transitoires (syncopes et équivalents), l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythme induits. Hors cause aiguë potentiellement réversible, ils peuvent faire discuter une indication de stimulation cardiaque définitive qui constitue le seul traitement efficace. Après un rappel de l’anatomie du tissu nodal avec quelques corrélations électrophysiologiques, ce chapitre traitera pour l’essentiel des dysfonctions sinusales et blocs sino-atriaux, et des blocs atrioventriculaires. Les blocs intra-atriaux sont étudiés plus succintement. Les blocs fasciculaires ou blocs de branche ne sont pas abordés ici.

Rappel de la conduction intracardiaque normale

Les voies de conduction (tissu nodal) permettent une activation coordonnée du myocarde à partir du pacemaker naturel, le nœud sinusal (Figure S5-P3-C5-12).

Fig_05-03-05_12

Anatomie des voies de conduction.

Nœud sinusal

Le nœud sinusal décrit par Keith et Flack est situé à la face antérieure de la jonction de l’oreillette droite et de la veine cave supérieure. Il a la forme d’une massue à grosse extrémité supéro-gauche et à extrémité inféro-droite plus mince. Il est constitué d’une abondante trame collagène qui s’infiltre entre des cellules de petite taille, pauvres en myofibrilles, nettement distinctes des cellules myocardiques environnantes, avec un arrangement plexiforme caractéristique.

Jonction sino-atriale

Elle est le siège d’un délai de conduction important lié à la transition entre les cellules pacemaker sinusales et les cellules du myocarde auriculaire commun.

Voies de conduction intra-atriales ou faisceaux internodaux

Même si elles sont anatomiquement et histologiquement difficiles à individualiser, il est admis qu’il existe des voies de conduction préférentielles entre le nœud sinusal et le nœud atrioventriculaire. Sur la base de corrélations anatomo-électrophysiologiques, James a décrit trois voies internodales postérieure, moyenne et antérieure cheminant dans le septum interatrial. À sa pénétration dans la partie supérieure et antérieure du septum, la voie antérieure donne naissance à un contingent de fibres destinées à l’oreillette gauche, le « faisceau de Bachmann » qui permet une activation céphalocaudale préférentielle de l’oreillette gauche.

Nœud atrioventriculaire

Décrit par Tawara, il est situé dans la base de l’oreillette droite entre l’orifice du sinus coronaire en arrière, le septum membraneux en avant et l’insertion de la valve septale de la tricuspide en bas. De forme ovalaire, mesurant 6 mm de long et 2 mm de large, il est constitué de cellules enchevêtrées caractéristiques. Les voies d’entrée dans le nœud de Tawara forment deux groupes différents : postérieur et supérieur. Les fibres postérieures pénètrent dans le nœud par sa partie postérieure près de l’insertion de la valve tricuspide, à distance de la jonction avec le faisceau de His. Le groupe supérieur est formé de fibres atriales verticales appartenant aux faisceaux internodaux antérieur et moyen ; elles pénètrent le nœud dans sa partie toute antérieure près de la jonction nodohisienne. Ces deux contingents de fibres ont des propriétés électrophysiologiques différentes qui constituent le substrat des réentrées nodales (voie lente et voie rapide).

Faisceau de His

Il prolonge le nœud de Tawara dans sa partie antérieure et se dirige en avant et légèrement en bas, longeant le bord inférieur du septum membraneux. Il passe sous l’angle formé par l’insertion des valves tricuspides septale et antérieure, ce qui explique son abord aisé par voie endocavitaire pour enregistrer son activité électrique. Il est long de 10 mm environ et son diamètre est étroit, de 2 mm. Il est constitué de deux portions de longueur égale : une portion postérieure, prolongement direct du nœud qui pénètre le noyau fibreux central, et une portion antérieure d’où s’échappent les premiers rameaux de division (filets antérieurs) des branches droite et gauche. La portion antérieure se situe au contact immédiat du myocarde septal. Le faisceau de His est formé de longues fibres strictement parallèles, expliquant la conduction très rapide à ce niveau.

Branches droite et gauche

La branche droite est un faisceau compact et arrondi qui poursuit la direction du faisceau de His, puis rejoint l’endocarde septal droit. Son cheminement est superficiel, expliquant sa sensibilité aux traumatismes. Elle s’engage ensuite dans la bandelette ansiforme et se termine près du pilier antérieur de la tricuspide.

La branche gauche a une structure plus complexe. Son origine ressemble à un ruban très large mais mince. Les fibres se dispersent ensuite en éventail sous l’endocarde septal gauche plus ou moins regroupées en deux contingents, l’un antérieur qui rejoint le pilier antérieur de la mitrale, l’autre postérieur qui se dirige vers le pilier postérieur. Les notions d’hémibloc antérieur gauche et d’hémibloc postérieur gauche répondent à une classification électrocardiographique plus qu’à une réalité anatomique ou histologique.

Dysfonctions sinusales et blocs sino-auriculaires

Définition

On regroupe sous ce terme les anomalies ECG liées à une anomalie de l’automatisme sinusal ou à un vrai trouble de conduction sino-atrial. Seul l’enregistrement direct du potentiel sinusal permet de différencier les deux mécanismes, mais sa réalisation est difficile et sans réelles conséquences pratiques.

Diagnostic types

Bloc sino-auriculaire du 1er degré

Il ne peut être identifié que par l’enregistrement direct du potentiel sinusal (délai de conduction sino-atrial) et ne peut donc être reconnu sur l’ECG de surface.

Bloc sino-auriculaire du 2e degré

Il a deux formes principales :

– le blocage à période fixe, habituellement 2/1 avec alternance de rythme sinusal normal et d’intervalles PP égaux au double de l’intervalle normal ;

– les périodes de Wenckebach sino-atrial dont la forme la plus caractéristique (décrite par Lutembacher) réalise un raccourcissement progressif de l’intervalle PP jusqu’à un intervalle plus long, mais inférieur au double de l’espace précédent qui est le plus court de la période (Figure S5-P3-C5-13).

Fig_05-03-05_13

Bloc sino-atrial du 2e degré. Avec allongement progressif de l’intervalle P-P sur trois cycles jusqu’à l’absence d’une onde P.

Bloc sino-auriculaire du 3e degré

Il s’exprime par une bradycardie jonctionnelle (40-50 batt/min), habituellement régulière sans ondes P visibles, ou avec ondes P antérogrades négatives en DII-DIII-aVF (rythme dit du « sinus coronaire » (Figure S5-P3-C5-14) traduisant un échappement nodal postérieur), ou avec ondes P rétrogrades habituellement négatives en DII-DIII-aVF (Figure S5-P3-C5-15).

Fig_05-03-05_14

Bloc sino-atrial de haut degré. Avec alternance de bradycardie jonctionnelle (rythme du sinus coronaire avec ondes P antérogrades négatives en D2-D3-aVF) et de cycles sinusaux longs et irréguliers.

Fig_05-03-05_15

Bradycardie jonctionnelle majeure (30 batt/min). Avec ondes P rétrogrades 1/1 favorisées par une hyperkaliémie (6,5 mmol/l) avec ondes T amples et positives.

Pauses sinusales

Une dysfonction sinusale paroxystique (arrêt sinusal ou bloc de sortie sino-atrial) peut s’exprimer par des pauses cardiaques brutales sans activité sinusale visible (Figure S5-P3-C5-16). Elles sont rarement très longues, interrompues après quelques secondes par un échappement jonctionnel ou ventriculaire.

Fig_05-03-05_16

Pause sinusale de 5,5 secondes, liée à une dysfonction sinusale organique.

Syndrome bradycardie-tachycardie (ou maladie rythmique atriale ou « maladie de l’oreillette »)

Les dysfonctions sinusales ou blocs sino-auriculaires sont souvent associées à des arythmies atriales paroxystiques, une fibrillation auriculaire ou des tachycardies atriales organisées. Les deux anomalies atriales (bradycardie et tachycardie) peuvent alterner ou non de façon aléatoire. Les épisodes de tachycardie peuvent survenir préférentiellement dans les périodes de bradycardie, en particulier à la suite de pauses ou à l’inverse, les pauses sinusales peuvent survenir à l’arrêt d’un épisode de tachycardie. L’identification du type de relation bradycardie-tachycardie a une importance pratique : en cas d’arythmies bradycardie-dépendantes, la stimulation atriale pourra avoir un effet préventif ; en cas de pauses post-tachycardie, le traitement premier de l’arythmie (anti-arythmiques ou, mieux, traitement curatif par ablation) doit être discuté.

Incompétence chronotope atriale

Au-delà de la bradycardie basale, la dysfonction sinusale/bloc sino-auriculaire chronique s’accompagne volontiers (environ 50 % des cas) d’une limitation d’accélération du rythme cardiaque à l’effort. L’incompétence chronotrope peut être absolue (aucune accélération) ou relative. Dans ce cas, l’accélération est rarement linéaire, mais plutôt erratique avec alternance de phases d’accélération et de plateaux et parfois, une décélération brutale en récupération. Lorsqu’elle est asymptomatique, l’incompétence chronotrope atriale doit être respectée d’autant que chez le coronarien, elle peut masquer une ischémie myocardique latente.

Diagnostic différentiel

Il existe plusieurs pièges diagnostiques à connaître. Les principaux sont :

– les extrasystoles atriales bloquées qui simulent volontiers un bloc sino-auriculaire du 2e degré. L’analyse soigneuse de la repolarisation sur plusieurs dérivations permet d’identifier l’onde P’ ectopique non conduite, dans l’onde T du cycle précédant la pause (Figure S5-P3-C5-17) ;

– l’arythmie sinusale respiratoire, banale chez le sujet jeune avec un système nerveux autonome encore immature. La bradycardie inspiratoire peut être prononcée et inquiéter à tort. Un enregistrement ECG prolongé avec alternance inspiration profonde-expiration permet de rassurer ;

– la microfibrillation atriale qui peut simuler un bloc sino-auriculaire du 3degré avec bradycardie jonctionnelle lorsque l’activité atriale n’est pas visible. Ces états proches de la paralysie atriale témoignent d’altérations majeures et diffuses du myocarde atrial. Au besoin, un enregistrement endocavitaire confirmera la persistance d’une activité fibrillatoire atriale de très faible amplitude.

Fig_05-03-05_17

Extrasystoles atriales bloquées visibles dans la fin de l’onde T du cycle précédent (D3), simulant un bloc sino-atrial du 2degré.

Étiologie

Il faut distinguer les formes aiguës et transitoires des formes chroniques.

Causes aiguës

Elles associent les surcharges médicamenteuse (digitaliques, amiodarone, bêtabloquants, inhibiteurs calciques à tropisme myocardique, sels de lithium…), les désordres électrolytiques, en particulier l’hyperkaliémie qui altère en premier la fonction sinusale et la conduction sino-atriale, rarement l’ischémie myocardique aiguë, exceptionnellement une cause infectieuse (maladie de Lyme…). L’anomalie rythmique est habituellement régressive après suppression de la cause, ne justifiant pas de traitement continu.

Le syndrome vasovagal doit être mis à part. Les pauses sinusales sont fréquentes et parfois prolongées, contribuant avec la vasoplégie à entraîner syncopes ou malaises. Les pauses sont habituellement précédées d’un ralentissement sinusal progressif témoignant de la stimulation vagale intense (Figure S5-P3-C5-18). Le contexte est évocateur.

Fig_05-03-05_18

Très longue pause sinusale (11 secondes), précédée d’un allongement progressif de l’intervalle PP, typique d’un phénomène vasovagal.

Formes chroniques

Elles sont pour l’essentiel d’origine dégénérative, liées au vieillissement. L’âge moyen des patients implantés avec un stimulateur pour dysfonction sinusale/bloc sino-auriculaire est de 80 ans environ. Dans un contexte clinique évocateur, il faut savoir penser à des causes particulières : amylose, hypothyroïdie…

Conséquences cliniques

Les dysfonctions sinusales/blocs sino-auriculaires chroniques peuvent être peu symptomatiques, voire asymptomatiques. Sauf cas particulier, ces formes bien tolérées doivent être respectées.

Lorsqu’elles sont symptomatiques, il s’agit de signes neurologiques transitoires plus souvent lipothymies que syncopes vraies, ou de signes directement liés à la bradycardie : asthénie, intolérance à l’effort qui peut révéler une incompétence chronotrope atriale.

Chez les sujets âgés, les symptômes peuvent être atypiques : irritabilité, sensations vertigineuses, troubles de mémoire, difficultés de concentration… avec une relation de cause à effet plus difficile à établir.

Les dysfonctions sinusales/blocs sino-auriculaires peuvent être cause d’insuffisance cardiaque en cas de bradycardie permanente et soutenue, surtout si existe une conduction ventriculo-atriale.

Prise en charge

Après avoir éliminé une cause aiguë et réversible, une indication de stimulation cardiaque permanente peut se discuter chez les patients symptomatiques lorsqu’un lien de cause à effet entre anomalie électrique et symptômes est certain ou hautement probable. Ce lien peut être difficile à établir en cas de symptômes atypiques.

Il n’existe pas de traitement pharmacologique efficace.

Les recommandations internationales les plus récentes (ESC 2013) [20] sont résumées dans le Tableau S05-P03-C05-II où la classe I désigne les indications cliniques solidement établies par les preuves, la classe IIb les indications qui peuvent éventuellement se discuter, mais ne reposent sur aucune preuve solide et la classe III, les situations où il existe un consensus pour ne pas implanter.

Tableau S05-P03-C05-II Recommandations internationales pour les dysfonctions sinusales (DS) et blocs sino-auriculaires (BSA).

Recommandations

Classe

Niveau preuve

DS/BSA avec bradycardie permanente et symptômes clairement en rapport avec la bradycardie

I

B

DS/BSA avec symptômes en rapport avec une bradycardie intermittente documentée

I

B

DS/BSA avec bradycardie permanente ou intermittente et symptômes possiblement en rapport avec la bradycardie

IIb

C

DS/BSA asymptomatique ou en rapport avec une cause réversible

III

C

(Modifié d’après 2013 ESC guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronisation therapy. Eur Heart J, 2013, 34 : 2281-2329.)

Le choix du type de stimulateur et du mode de stimulation est critique dans cette indication. L’oreillette doit être impérativement stimulée soit avec un dispositif double chambre, soit éventuellement chez des patients sélectionnés (conduction intrinsèque normale) avec un dispositif simple chambre atrial. Si un dispositif double chambre est choisi, un algorithme de protection ventriculaire (commutation automatique de mode [CAM]) doit être activé afin de respecter la conduction intrinsèque et prévenir toute stimulation ventriculaire inutile. Le (ou les) capteur(s) d’asservissement ne doivent être activés que s’il existe une incompétence chronotrope atriale symptomatique. Ces recommandations sont résumées dans l’arbre décisionnel de l’ESC 2013 (Figure S5-P3-C5-19).

Fig_05-03-05_19

Arbre décisionnel de l’European Society of Cardiology 2013. Modes de stimulation proposés par ordre préférentiel selon la situation : DDDR : stimulation double chambre avec asservissement et commutation automatique de mode ; DDDR : stimulation double chambre avec asservissement ; DDD + CAM : stimulation double chambre avec commutation automatique de mode ; AAIR : stimulation atriale seule avec asservissement. AAI : stimulation atriale seule.

Troubles de la conduction intra-atriaux

Ils sont en rapport avec une fibrose extensive, régionale ou diffuse du myocarde atrial et se reconnaissent sur l’ECG par une augmentation de la durée de l’onde P associée à des anomalies morphologiques diverses.

Types et siège

Les formes les plus caractéristiques sont :

– les blocs intra-atriaux droits, avec une onde P sinusale très lente (habituellement supérieure à 120 ms), souvent peu voltée, monophasique mais crochetée avec plusieurs composantes. L’intervalle PR est souvent allongé, soit du seul fait du trouble de conduction intra-atrial, soit parce qu’il existe un trouble de conduction nodal associé ;

– l’onde P dite « mitrale », avec une onde P de durée prolongée (supérieure à 100 ms) et des anomalies morphologiques caractéristiques : bicéphale en D2 ++ avec une phase terminale lente et fortement négative en V1. Cet aspect est très évocateur de dilatation atriale gauche avec important retard d’activation de l’oreillette gauche ;

– les blocs interatriaux, dont la forme la plus accomplie est le « bloc du faisceau de Bachman ». Sur l’ECG de surface, la durée de l’onde P est très longue (supérieure à 120 ms, pouvant atteindre 200 ms). Son aspect est biphasique α en D2, D3 et VF avec un retour temporaire à la ligne iso-électrique entre les deux composantes. Dans le plan frontal, l’axe du vecteur terminal de l’onde P est dévié vers la gauche au-delà de 30° et il existe un gradient supérieur à 90° entre le vecteur initial lié à l’activation céphalocaudale de l’oreillette droite et le vecteur terminal lié à l’activation retardée et rétrograde (caudo-céphalique) de l’oreillette gauche. Il est généralement admis que ce syndrome ECG très particulier est dû à une fibrose extensive du toit de l’oreillette, interrompant la conduction antérograde dans le faisceau internodal antérieur (Figure S5-P3-C5-20).

Fig_05-03-05_20

Bloc interatrial dit du faisceau de Bachmann. Avec onde P très lente (200 ms), polyphasique, d’aspect ++ en D1 et ± en D2-D3, avec un gradient de 120° entre les vecteurs initial et terminal de P. L’enregistrement endocavitaire mesure un délai très long de 140 ms entre l’oreillette droite et l’oreillette gauche (sinus coronaire moyen).

Étiologie

Les blocs intra-atriaux peuvent s’observer dans des affections très diverses : cardiopathies hypertensives, cardiomyopathies hypertrophiques évoluées valvulopathies mitrales, cardiopathies congénitales opérées (cicatrice d’atriotomie étendue), etc., mais ils peuvent être isolés.

Conséquences cliniques

Elles sont doubles :

arythmies atriales : les blocs intra-atriaux et interatriaux sont associés à une prévalence élevée d’arythmies atriales volontiers récidivantes et réfractaires aux anti-arythmiques. Il s’agit plus souvent de tachycardies atriales organisées de type flutter atypique (circuits septaux ou atriaux gauches) que de fibrillation auriculaire ;

insuffisance cardiaque : en créant un asynchronisme atrioventriculaire mécanique dans le cœur gauche, les blocs intra-atriaux et surtout interatriaux peuvent favoriser la survenue d’une insuffisance cardiaque, voire la créer. Ce phénomène peut en particulier s’observer dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée du sujet âgé.

Prise en charge

La stimulation bi-atriale permanente (ou resynchronisation atriale) à l’aide de deux sondes placées dans l’oreillette droite haute et dans la partie moyenne du sinus coronaire a été proposée chez des patients très symptomatiques pour corriger les désordres électromécaniques induits par un bloc inter-atrial de haut degré. La validité de ce traitement n’a pu être formellement établie.

Blocs atrioventriculaires

Ce terme regroupe les troubles de conduction de tout degré, allant du simple délai au bloc complet, prenant naissance à l’un des trois étages de la jonction atrioventriculaire :

– le nœud de Tawara : blocs nodaux ou suprahisiens ;

– le tronc du faisceau de His : blocs tronculaires ou intrahisiens ;

– les branches du faisceau de His : blocs infrahisiens.

Types et siège

Bloc atrioventriculaire du 1er degré

Il correspond à un simple retard de conduction, habituellement dans le nœud de Tawara et se caractérise par un allongement de l’intervalle PQ ou PR supérieur à 200 ms chez l’adulte. Il peut être très long, jusqu’à 600 ms avec, si le rythme cardiaque s’accélère, une onde P difficilement visualisable, car se projetant dans la repolarisation du cycle précédent (Figure S5-P3-C5-21). Ces PR très longs peuvent créer une désynchronisation mécanique atrioventriculaire importante dans le cœur gauche et être mal tolérés (Figure S5-P3-C5-22).

Fig_05-03-05_21

Bloc atrioventriculaire du 1er degré avec PR très long (520 ms). L’onde P se projette dans la fin de l’onde T du cycle précédent.

Fig_05-03-05_22

Conséquences hémodynamiques d’un bloc atrioventriculaire de haut degré. En rythme sinusal, le flux de remplissage mitral est bref et monophasique du fait de la fusion des ondes A et E. La correction de l’asynchronisme atrioventriculaire dans le cœur gauche par stimulation DDD avec un délai atrioventriculaire standard de 150 ms double la durée du flux mitral, fait réapparaître une onde A parfaitement individualisée et synchronisée, en même temps que la vitesse maximale du flux d’éjection aortique augmente parallèlement.

Blocs atrioventriculaires du 2e degré

Il en existe trois formes principales :

type 1 de Mobitz ou périodes de Wenckebach : il se caractérise par un allongement progressif de l’intervalle PR jusqu’à survenue d’une onde P bloquée et d’une pause relative, après quoi une autre séquence identique recommence (Figure S5-P3-C5-23). La durée de chaque séquence est variable, mais inclut au minimum trois ondes P. Le bloc auriculoventriculaire II de type Mobitz 1 est habituellement de siège nodal ;

Fig_05-03-05_23

Bloc atrioventriculaire du 2e degré type 1 de Mobitz. L’intervalle PR s’allonge de 200 ms sur le premier cycle à 320 ms sur le second, avant le blocage de la troisième onde P, puis la séquence reprend à l’identique.

– type 2 de Mobitz : il se traduit par la survenue inopinée d’une (ou plusieurs) onde P bloquée sans allongement de l’intervalle PR sur les cycles précédents (Figure S5-P3-C5-24). L’intervalle RR qui comprend l’onde P bloquée est le double des intervalles précédents. Les blocs auriculoventriculaires II de type 2 de Mobitz sont de siège intrahisien ou infrahisien ;

Fig_05-03-05_24

Bloc atrioventriculaire du 2degré type 2 de Mobitz. Blocage soudain d’une onde P, sans allongement de l’intervalle PR sur les cycles précédents.

blocs du 2e degré à période fixe : la forme la plus fréquente correspond au blocage d’une onde P sur deux (bloc 2/1) avec pour conséquence un rythme ventriculaire lent qui correspond à la moitié du rythme atrial (Figure S5-P3-C5-25). On peut aussi observer des blocs 3/1, voire 4/1. Dans tous les cas, l’intervalle PR des complexes conduits est fixe ; il peut être normal ou prolongé. Les blocs auriculoventriculaires II à période fixe ont un siège variable ;

Fig_05-03-05_25

Bloc atrioventriculaire du 2degré à période fixe 2/1. L’intervalle PR plutôt long sur les cycles conduits et les QRS fins évoquent une origine nodale.

– l’arythmie ventriculophasique : dans les blocs auriculoventriculaires II, le rythme atrial (en général, sinusal) est habituellement régulier. Il peut arriver que les intervalles PP qui « contiennent » un complexe QRS soient plus courts que les autres. L’explication électrophysiologique de ce phénomène n’est pas claire.

Blocs atrioventriculaires du 3e degré ou blocs complets

Toutes les ondes P sont bloquées. Il existe une dissociation complète entre les ondes P (normales, voire rapides) et le rythme ventriculaire lent et régulier, pris en charge par un foyer automatique de substitution. Plus le siège du bloc est distal, plus le rythme de sub-stitution sera lent. Lorsque le bloc siège au niveau du nœud, le foyer de substitution est jonctionnel avec des rythmes de 40-50 batt/min (Figure S5-P3-C5-26). Lorsque le bloc est infrahisien, le rythme d’échappement est lent, aux alentours de 30 batt/min (Figure S5-P3-C5-27). La morphologie des complexes QRS renseigne aussi sur le siège du trouble de conduction : si les QRS sont fins, le foyer d’échappement est situé au-dessus de la bifurcation du faisceau de His : il est donc nodal ou intrahisien. Si les QRS sont élargis, il peut s’agir d’un bloc distal avec foyer d’échappement intraventriculaire ou plus rarement d’un bloc nodal ou intra-hisien associé à un bloc de branche. En cas de bloc distal, il peut exister plusieurs foyers de substitution avec alternance de plusieurs morphologies de QRS.

Fig_05-03-05_26

Bloc atrioventriculaire du 3degré : toutes les ondes P sont bloquées. Le rythme d’échappement assez rapide (50 batt/min) et les QRS fins évoquent une origine nodale.

Fig_05-03-05_27

Bloc atrioventriculaire du 3degré : toutes les ondes P sont bloquées. Le rythme d’échappement assez lent (35 batt/min) et les QRS élargis (140 ms) évoquent une origine distale.

Cas particulier : bloc atrioventriculaire et fibrillation atriale

Un rythme ventriculaire lent et régulier chez un patient en fibrillation atriale indique un bloc atrioventriculaire complet.

Blocs atrioventriculaires paroxystiques

Les blocs tronculaires et infrahisiens peuvent évoluer sur un mode paroxystique avec la survenue brutale de plusieurs ondes P bloquées sans échappement ventriculaire. Le blocage survient parfois à l’occasion d’une extrasystole atriale. La pause peut être longue et entraîner un arrêt circulatoire. C’est l’un des deux principaux mécanismes de syncopes chez les patients avec bloc atrioventriculaire.

Pièges diagnostiques

Les pièges diagnostiques sont peu nombreux. Le principal est représenté par les phénomènes de conduction cachée. Des extrasystoles hisiennes qui ne dépolarisent ni le ventricule, ni l’oreillette et sont donc invisibles sur l’ECG de surface, peuvent provoquer le blocage inopinée d’une onde P et simuler un bloc de type Mobitz 2. Le diag-nostic est souvent redressé par l’observation sur le même tracé d’extrasystoles hisiennes conduites. Ce phénomène n’est pas physiologique ; il témoigne de lésions organiques du tissu hisien.

Étiologie

Blocs atrioventriculaires aigus

Les causes aiguës sont dominées par l’ischémie myocardique aiguë. Complication précoce et relativement fréquente (environ 5 %) des syndromes coronaires aigus ST+, le bloc atrioventriculaire a une physiopathologie et une signification pronostique différentes selon la localisation de l’infarctus :

– dans l’infarctus inférieur, le bloc atrioventriculaire est de siège nodal. Lorsqu’il est présent dès le stade initial, il est souvent lié à une hypertonie vagale ; dans ce cas, il sera rapidement régressif, spontanément ou après administration IV de sulfate d’atropine. Sinon, son apparition est souvent progressive avec un degré croissant. Si le bloc devient complet, le rythme d’échappement est habituellement rapide (40-50 batt/min) et stable. Les pauses ventriculaires prolongées sont très rares. Dans la quasi-totalité des cas, l’évolution est régressive en quelques jours, exceptionnellement plus ;

– dans l’infarctus antérieur et/ou septal, le bloc atrioventriculaire est bas situé, infrahisien. Il témoigne de lésions myocardiques étendues. Son apparition est souvent annoncée par des troubles de conduction intraventriculaires à type de bloc de branche ou de bloc bifasciculaire. Le bloc atrioventriculaire, s’il survient, est brutal et d’emblée complet avec des pauses ventriculaires prolongées qui peuvent causer une syncope. Lorsqu’il est établi, le rythme de suppléance est lent (30-40 batt/min) et demeure instable, justifiant des indications larges d’électrostimulation provisoire. Associé à l’infarctus étendu, il contribue à fragiliser l’état hémodynamique et à favoriser l’insuffisance cardiaque aiguë. L’évolution peut être régressive, mais le pronostic dépend plus de l’atteinte myocardique que du trouble de conduction.

Le bloc atrioventriculaire périprocédural est une autre cause assez fréquente de bloc aigu, en particulier dans la chirurgie de remplacement valvulaire ou après geste interventionnel valvulaire (pose d’une endoval-ve aortique ou TAVI), ryhtmique (ablation endocavitaire), ou plus rarement coronaire (alcoolisation septale dans la cardiomyopathie hypertrophique obstructive). Il peut être définitif et imposer l’implantation précoce d’un stimulateur cardiaque. Lorsqu’il régresse, il le fait habituellement en quelques jours, parfois plus lentement jusqu’à 3 semaines.

Les autres causes aiguës sont plus rares : médicamenteuses (digitaliques, bêtabloquants, inhibiteurs calciques à tropisme myocardique, anti-arythmiques de classe I, tricycliques…), infectieuses (endocardites bactériennes, maladie de Lyme…).

Blocs atrioventriculaires chroniques

Ils sont en majorité d’origine dégénérative, survenant chez des sujets âgés sans cardiopathie figurée. L’âge moyen des patients appareillés en France pour bloc atrioventriculaire dépasse 80 ans. Il s’agit plus souvent de blocs distaux touchant les branches du faisceau de His, que de blocs nodaux.

Les blocs atrioventriculaires congénitaux peuvent être isolés (une cause immunologique est suspectée) ou associés à une malformation cardiaque : transposition corrigée des gros vaisseaux, communication interventriculaire, canal atrioventriculaire… L’anomalie rythmique peut être découverte à la naissance ou plus tardivement si le bloc est isolé avec une bonne tolérance. Il s’agit habituellement de blocs haut situés, nodaux ou hisiens.

Toutes les cardiopathies figurées peuvent se compliquer en cours d’évolution de bloc atrioventriculaire, en particulier les valvulopathies calcifiées, surtout aortiques, les cardiomyopathies dilatées, les atteintes cardiaques des myopathies, les cardiopathies ischémiques…

Il faut enfin signaler les blocs atrioventriculaires volontairement induits par radiofréquence pour le contrôle d’arythmies atriales à cadence ventriculaire rapide, mal tolérées.

Conséquences cliniques

Blocs atrioventriculaires asymptomatiques

Il n’est pas rare qu’un bloc atrioventriculaire, en particulier s’il est de siège nodal et de degré incomplet, n’entraîne pas de gêne fonctionnelle significative dans la vie quotidienne. Sauf cas particulier, il doit être respecté.

Syncopes et lipothymies

C’est le symptôme le plus fréquent et le plus grave. Typiquement, les syncopes sont inopinées avec une perte de connaissance brutale entraînant la chute et volontiers un traumatisme, une durée brève (« syncopes à l’emporte-pièce ») et une récupération immédiate sans signes post-critiques. Cette description est très évocatrice d’une cause cardiaque rythmique, en particulier d’un bloc atrioventriculaire paroxystique. Toutefois, il existe d’autres mécanismes de syncopes chez les patients avec bloc atrioventriculaire. Une bradycardie soutenue peut provoquer un allongement important de la repolarisation ventriculaire (intervalle QT) et la survenue de tachycardies ventriculaires multidirectionnelles ou « torsades de pointes », initiées par des extrasystoles ventriculaires à couplage tardif (R/T). Les accès sont habituellement brefs, spontanément résolutifs n’entraînant que malaises ou syncopes brèves, mais ils peuvent parfois dégénérer en fibrillation ventriculaire. Des désordres hydro-électrolytiques (hypokaliémie) et des imprégnations médicamenteuses (produits qui allongent le QT) sont souvent associés à la bradycardie pour déclencher le trouble du rythme.

Insuffisance cardiaque

En l’absence de cardiopathie figurée, le bloc atrioventriculaire même de haut degré est rarement responsable d’insuffisance cardiaque. En revanche, lorsqu’il s’associe à une cardiopathie, la bradycardie et la perte du synchronisme atrioventriculaire constituent des facteurs majeurs de décompensation de la cardiopathie ou d’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Cela est particulièrement vrai lorsque la performance cardiaque dépend largement de la qualité du remplissage ventriculaire et donc de la fonction atriale gauche.

Troubles neuropsychologiques

Chez les sujets âgés, un bloc atrioventriculaire peut se révéler par des troubles cognitifs, des troubles de l’humeur et du comportement… tous symptômes qui peuvent faire craindre une démence débutante. Dans quelques cas heureux, la correction de la bradycardie apportera une amélioration inespérée.

Prise en charge

Blocs atrioventriculaires aigus

Une électrostimulation provisoire par sonde endocavitaire est nécessaire en cas de bloc atrioventriculaire de haut degré responsable d’une bradycardie soutenue et mal tolérée : syncopes ou malaises sévères, signes de bas débit, torsades de pointe… La perfusion d’isoprénaline IV (Isuprel) peut être utile en attente. Pour limiter le risque de complications (infection, thrombose…), la sonde endocavitaire doit être retirée dès que la régression du bloc atrioventriculaire est confirmée.

Indications de stimulation cardiaque permanente

Elles sont aujourd’hui régies par les recommandations très simplifiées de l’ESC 2013. La recommandation de classe IIa peut être étendue aux blocs atrioventriculaires du 1er degré avec PR très long, responsable de symptômes d’effort invalidants (Tableaux S05-P03-C05-III et S05-P03-C05-IV).

Tableau S05-P03-C05-IV Choix du type de dispositif et du mode de stimulation pour les blocs atrioventriculaires.

Recommandations

Classe

Niveau preuve

Dispositif monochambre avec fonction d’asservissement (VVIR) en cas de fibrillation atriale permanente

I

C

Préférer un dispositif et un mode double chambre chez les patients avec activité atriale sinusale

IIa

B

Préférer un dispositif triple chambre (resynchronisation cardiaque) chez les patients avec insuffisance cardiaque et FEVG abaissée

IIa

B

Tableau S05-P03-C05-III Recommandations de l’European Society of Cardiology 2013 pour les blocs atrioventriculaires.

Recommandations

Classe

Niveau preuve

Bloc atrioventriculaire acquis du 2e ou du 3e degré symptomatique

I

C

Bloc atrioventriculaire acquis du 2e degré type 1, symptomatique ou de siège intra- ou infrahisien

IIa

C

Bloc atrioventriculaire aigu de cause réversible

III

C

Ces recommandations sont précisées dans un arbre décisionnel (Figure S5-P3-C5-28) qui propose un choix préférentiel du dispositif et du mode programmé selon que la bradycardie est permanente/persistante ou intermittente et que l’activité atriale est sinusale ou non (FA). Lorsqu’elle est sinusale, une variante est établie selon qu’il existe (DS+) ou non (DS–) une dysfonction sinusale associée au bloc atrioventriculaire.

Fig_05-03-05_28

Recommandations de l’European Society of Cardiology 2013 pour le choix du dispositif et du mode de programmation. Modes proposés par ordre préférentiel pour chaque situation : DDDR : stimulation double chambre avec asservissement ; DDD : stimulation double chambre sans asservissement ; DDD + CAM : idem avec commutation automatique de mode ; VDD : stimulation ventriculaire déclenchée par la détection atriale (sonde atrioventriculaire unique) ; VVIR : stimulation ventriculaire seule avec asservissement ; VVI : stimulation ventriculaire seule sans asservissement.

Conclusion

Devant toute anomalie de conduction récemment découverte, il faut :

– exclure une cause aiguë, potentiellement réversible ;

– se méfier des pièges diagnostiques, en particulier pour les pathologies sinusales ;

– en cas d’indication de stimulation cardiaque définitive, choisir le dispositif et adapter le mode de stimulation aux besoins de chaque patient en tenant compte de son âge, de ses besoins d’activité, du type d’anomalies de conduction à corriger et de l’éventuelle cardiopathie associée.

Bibliographie

20. 2013 ESC guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronisation therapy. Eur Heart J, 2013, 34 : 2281-2329.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Daubert JC, Mabo P (Troubles de la conduction). Troubles du rythme. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C05.