S08 Urgences médicales

S08 Urgences médicales

S08

Urgences médicales

 

Pierre Hausfater et Bruno Riou

Ces affections, regroupées pour leur caractère soudain et inopiné, ont en commun de dépendre essentiellement de l’environnement et du contexte de l’action. La compréhension de leurs mécanismes pathologiques et la connaissance des premières mesures thérapeutiques sont essentielles, car leur pronostic peut être grave. L’atteinte presque constante des fonctions respiratoires, circulatoires et/ou neurologiques met souvent en jeu le pronostic vital.

Hypothermie [1], [2], [3], [4]

Le corps humain se trouve en hypothermie si sa température centrale chute en dessous de 35 °C. Plus la température est basse, plus les signes cliniques sont importants. En revanche, le pronostic ne dépend pas de la température. Au-dessus de 32 °C, on parle d’hypothermie modérée. Entre 28 °C et 32 °C, l’hypothermie est importante et nécessite une surveillance réanimatoire. Au-dessous de 28 °C, l’hypothermie est sévère et le risque de mort subite est grand, la prise en charge doit être spécialisée.

Stade ultime des pathologies liées à l’exposition à la chaleur, le coup de chaleur est une maladie de pronostic sévère et exceptionnelle en France en condition climatique habituelle. La vague de chaleur du mois d’août 2003 en France a été responsable d’une catastrophe sanitaire ayant entraîné un excès de 15 000 décès, notamment dans la population des personnes âgées dépendantes [4]. La connaissance de cette pathologie est primordiale, car elle requiert des thérapeutiques spécifiques (réfrigération active) qui peuvent en modifier le pronostic. Pour des raisons physiopathologiques, on distingue le coup de chaleur environnemental (ou classique), en rapport le plus souvent avec une vague de chaleur exceptionnelle et touchant préférentiellement la population âgée, et le coup de chaleur d’exercice survenant lors d’une épreuve sportive et/ou militaire intense (marathon, entraînement militaire) dans des conditions climatiques de forte chaleur et touchant des sujets jeunes parfois mal entraînés ou mal acclimatés.

L’utilisation des biomarqueurs a permis une amélioration considérable de la gestion de problèmes médicaux fréquents et graves en médecine d’urgence. Les premiers progrès sont venus de la pathologie cardiovasculaire. La sécurisation de la prise en charge diagnostique par l’utilisation de stratégies composites incluant les biomarqueurs a imposé ces outils comme des éléments fondateurs de la rationalisation de la prise en charge : plus sûre pour le patient et permettant d’épargner des ressources précieuses. Le modèle idéal a été porté par l’utilisation du dosage des D-dimères dans le diagnostic de la maladie thrombo-embolique. En effet, l’algorithme décisionnel a été construit en rationalisant le recours aux différents outils selon le risque clinique estimé d’avoir la maladie. Ce type de stratégie a ensuite été décliné avec des biomarqueurs différents selon le type de syndrome d’intérêt, avec des succès variables en rapport avec les biomarqueurs, les maladies, les malades. Il n’en reste pas moins vrai que nombre de biomarqueurs sont aujourd’hui inclus dans les référentiels. Il convient donc de bien connaître le respect des indications et les limites des procédures pour appréhender au mieux ces outils.

Le traumatisme crânien (TC) est un motif fréquent de consultation en structure d’urgences. Son incidence varie entre 100 et 450/100 000 habitants par an selon les pays, 235/100 000 en Europe. Les principales causes de traumatismes crâniens sont les chutes (52,5 %), les accidents de la voie publique (AVP) (26,3 %) et les agressions (14,2 %). Dans une forte proportion, ce sont des traumatismes crâniens dits bénins (ou légers) ayant, par définition, un score de Glasgow (GCS) entre 13 et 15. Le recueil des mécanismes lésionnels, des éléments anamnestiques et de la clinique est primordial pour classer et évaluer la gravité de ces traumatismes crâniens. De cette évaluation dépendront les indications d’imagerie puis d’hospitalisation.

Définitions et classifications

Plusieurs classifications sont proposées afin d’évaluer la gravité et les risques de complications secondaires des traumatismes crâniens.

Définitions

On distingue les hémorragies digestives hautes (HDH) des hémorragies digestives basses (HDB). Les HDH sont des hémorragies digestives dont la lésion est située en amont de l’angle duodénojéjunal (angle de Treitz). Les HDH représentent 80 % des hémorragies digestives et se manifestent soit par une hématémèse (vomissement de sang), soit par un méléna (sang noir émis par l’anus), voire des rectorragies (sang rouge émis par l’anus), en cas d’hémorragie abondante. Les HDB sont des hémorragies digestives dont la lésion est située en aval de l’angle duodénojéjunal. Elles représentent 20 % des hémorragies digestives et se manifestent par un méléna ou des rectorragies. Classiquement, les lésions situées en amont de l’angle colique droit provoquent un méléna, les lésions en aval des rectorragies.

Les accidents d’exposition (AE) à un agent viral sont classés en fonction de leur contexte de survenue en :

– professionnels : chez les professionnels de santé dans le contexte de soins (AE-professionnels) ;

– non professionnels : même s’ils peuvent survenir dans un contexte professionnel autre (pompiers, police, personnel d’entretien…), il s’agit d’accidents en dehors du milieu de soins. Les principaux sont :

– sexuels (AE-sexuels), parfois classés en « volontaires » et « liés à une agression sexuelle (viol) » ;

– accidentels (AE-accidentels) : ils comprennent tous les accidents d’exposition survenant chez des enfants et chez des professionnels, en dehors du monde de la santé (personnel de ménage, policiers, entre autres) ;

– ceux survenant chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (AE-UDIV).

Nous ne disposons plus en France de données concernant le nombre ou la qualité des prescriptions des traitements post-AE. Il a été estimé que 15 000 à 20 000 personnes consultent chaque année dans les suites d’un accident d’exposition. Au service d’accueil des urgences de l’hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris), nous avons constaté une augmentation du nombre de consultations pour accident d’exposition (+300 %), avec pour les AE-sexuels une hausse de 75 %, notamment chez les hommes ayant des rapports avec des hommes (+126 %), mais aussi chez les hétérosexuels (+46 %) [0]. Les AE-UDIV sont exceptionnellement en cause (< 1 %).

Les états de mal épileptiques (EME) (status epilepticus pour les auteurs anglo-saxons) sont l’une des principales urgences thérapeutiques en neurologie, et ont fait l’objet de recommandations formalisées d’experts (RFE) sous l’égide de la Société de réanimation de langue française [2], [4].

Définitions

Un état de mal épileptique se définit schématiquement par l’absence d’arrêt d’une crise d’épilepsie. En effet, la grande majorité des crises ont la particularité de s’interrompre spontanément après 1 à 2 minutes. La durée précise de la crise au-delà de laquelle se définit l’EME reste un sujet de débat. De façon générale, l’EME peut se définir par des crises continues ou par la succession de crises sans récupération d’un état antérieur (crises subintrantes) durant au moins 30 minutes. Du fait de sa gravité, l’EME tonico-clonique généralisé requiert une définition spécifique impliquant une prise en charge plus précoce. Cette définition « opérationnelle » fait référence à des crises continues ou subintrantes durant au moins 5 minutes. Les crises sérielles avec récupération de la conscience antérieure peuvent évoluer vers un état de mal, mais n’entrent pas dans la définition de celui-ci. Un EME larvé (subtle status epilepticus) correspond à l’évolution défavorable d’un EME tonico-clonique généralisé non traité ou traité de façon inadéquate. Il se caractérise par l’atténuation, voire la disparition des manifestations motrices chez un patient comateux contrastant avec la persistance d’un EME visible sur l’électro-encéphalogramme (EEG). Ce type d’EME est très rare en France, où les équipes médicalisées interviennent rapidement. Un état de mal est réfractaire quand il n’a pas répondu aux deux premières lignes de traitement (benzodiazépines et anti-épileptiques) à doses efficaces. Un état de mal est super-réfractaire lorsqu’il résiste à la troisième ligne de traitement (anesthésiques).

Définitions

D’après l’American Thoracic Society [5], la dyspnée aiguë est avant tout décrite comme « une sensation d’inconfort respiratoire, variable en intensité ». La dyspnée est l’un des motifs les plus fréquents de consultation aux urgences, et c’est l’un des symptômes majeurs des affections respiratoires et cardiaques, mais d’autres causes sont également à prendre en compte (neurologiques, musculaires, métaboliques, infectieuses…).

Physiopathologie, mécanismes

Les mécanismes physiopathologiques de la dyspnée sont complexes et mettent en jeu un ensemble de récepteurs pulmonaires et bronchiques, associés à des stimuli centraux. Depuis le consensus de 1999, l’avancée des connaissances en neurophysiologie a permis de mieux cerner les différents effecteurs physiologiques [16].

Il est possible de les classer en deux catégories :

– les récepteurs périphériques, dont les voies afférentes sont composées des récepteurs pulmonaires et bronchiques associés à des récepteurs de la paroi thoracique et à des chimiorécepteurs ;

– les récepteurs centraux.

L’arrêt cardiaque reste un vrai problème de santé publique. Sa prévalence est d’environ 350 000 par an en Amérique du Nord et près de 50 000 en France. Le taux de survie moyenné, toutes ces études confondues, est inférieur à 5 %. En France, il est aux alentours de 4 % [8], [22]. La réanimation de ce symptôme touche tous les publics. Sa précocité est le garant du meilleur pronostic possible. Dans le contexte extrahospitalier, elle concerne le grand public qui doit être formé dès le plus jeune âge à la connaissance de la chaîne de survie. À l’hôpital, elle fait partie de la formation que doit avoir tout agent et qui est nommée attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU). Celle-ci passe par la formation continue de la structure hospitalière qui doit s’enquérir de la certification du personnel.

Dans tous les cas, les premiers maillons de cette chaîne de survie sont fondamentaux et passent par la reconnaissance de l’arrêt cardiaque, l’appel à l’aide, le massage cardiaque externe immédiat et la défibrillation précoce.

Ce chapitre s’appuie sur les dernières recommandations américaines et européennes [11], [19].

Les dernières évaluations françaises en population générale confirment un niveau de consommation de substances psychoactives (SPA) significatif [2]. Il est, pour des raisons méthodologiques, difficile de comparer les chiffres actuels avec les consommations d’il y a 20 ou 30 ans ou de celles des pays limitrophes. Il paraît plus judicieux d’en constater l’importance et la relative stabilité malgré les campagnes de prévention, le niveau de dommages que ces consommations provoquent et les solutions sanitaires, politiques et sociales pour en limiter les risques et dommages.

Les services d’accueil des urgences (SAU) sont un lieu réputé de rencontre des usagers de substances psychoactives, à la fois pour des raisons médicales évidentes (intoxication, sevrage « sauvage », complications médicochirurgicales ou des consommations), psychiatriques (tentatives de suicide, troubles du comportement, demandes d’aide) et sociales (précarité, lieu de soin réputé « gratuit », difficultés ou obstacles sociaux d’accès à la filière de soins ambulatoires).

Bien que la présence des usagers de substances psychoactives au sein d’un SAU soit théoriquement indiscutable, elle a mauvaise réputation auprès des soignants qui se sont destinés à travailler aux urgences. Le « comportement auto-infligé » qui génère un trouble urgent peut provoquer l’agacement et des contre-attitudes avec un gradient d’acceptation indiscutable de la part des soignants : la douleur thoracique du grand fumeur est mieux acceptée que le trouble du comportement provoqué par une intoxication alcoolique aiguë (IEA). L’intoxication alcoolique aiguë et sa prise en charge usuelle au SAU illustrent de manière caricaturale ce mélange d’accueil brutal et culpabilisant et d’intérêt médical limité qui favorise la sortie rapide du patient et/ou sa fugue.

La douleur thoracique est un motif fréquent de recours à la médecine d’urgence. Les sociétés savantes de médecine d’urgence et de cardiologie recommandent que la prise en charge d’une douleur thoracique soit initiée par une structure d’urgence avec un appel systématique à la régulation. De ce fait, la douleur thoracique concerne les trois champs de la médecine d’urgence que sont : la régulation, le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et les urgences.

Quelle que soit la structure d’urgence dans laquelle est pris en charge le patient, le médecin urgentiste va avoir deux objectifs :

– mettre en place une démarche diagnostique permettant de retrouver une étiologie. Cette démarche étiologique repose sur une bonne connaissance épidémiologique et sémiologique des douleurs thoraciques et une maîtrise des examens complémentaires adaptés aux différentes probabilités cliniques ;

– évaluer le pronostic des patients afin de traiter et d’orienter rapidement les patients vers les filières adaptées.

Les douleurs abdominales aiguës sont un motif de recours aux urgences très fréquent. Elles peuvent révéler un grand nombre de pathologies médicochirurgicales, dont certaines sont extra-abdominales (Tableau S08-P01-C12-I). Elles sont à l’origine de 4 à 10 % des passages d’adultes aux urgences. Le taux d’hospitalisation suite à ce motif de recours est de l’ordre de 30 %, ce qui est plus élevé que le taux moyen d’hospitalisation qui est de 20 % dans les services d’urgences français (20 %). Cela témoigne de l’incertitude diagnostique et de la gravité potentielle des pathologies révélées par des douleurs abdominales. La prévalence des affections sévères, notamment chirurgicales, augmente avec l’âge, qui est un facteur de gravité indépendant. Les douleurs abdominales, motif de recours aux urgences, sont à l’origine de 40 % des interventions chirurgicales réalisées en urgence. La littérature rapporte plus de soixante-dix causes de douleurs abdominales aiguës. Cependant, moins d’une dizaine d’affections recouvrent 90 % des causes de douleurs abdominales aboutissant à une hospitalisation (Tableau S08-P01-C12-II). La prévalence des pathologies dépend du mode de recrutement des patients ayant des douleurs abdominales. Si l’appendicite prédomine dans les séries chirurgicales (Tableau S08-P01-C12-III), les affections urologiques et hépatobiliaires sont plus fréquentes dans le recrutement par les services d’urgence [2], [3]. Dans tous les cas, la démarche du médecin des urgences est d’emblée guidée par l’élimination des pathologies mettant en jeu le pronostic vital, en particulier les urgences chirurgicales à opérer. Une fois ces urgences éliminées, la démarche diagnostique nécessite un interrogatoire et un examen clinique ciblé. En cas d’élément de sévérité ou d’incertitude diagnostique, la réalisation d’une tomodensitométrie abdominopelvienne est souvent utile et a modifié les modalités de prise en charge et de surveillance de ces malades [4].

Les céphalées sont un motif fréquent de consultation et de recours aux urgences [9]. Leurs nombreuses causes se divisent en deux catégories opposées (Tableau S08-P01-C13-I). Les céphalées primaires représentent 80 % des céphalées, et sont dominées par la migraine, les céphalées dites de tension musculaire et l’algie vasculaire de la face. Ces maladies neurologiques se manifestent par des céphalées récurrentes par activation du système nociceptif céphalique en l’absence de lésion sous-jacente. Leur diagnostic est purement clinique. Les céphalées secondaires sont symptomatiques de causes variées. Aux urgences, environ 20 % des céphalées sont secondaires, et 5 % révèlent une cause grave [7], [9].

La perte de conscience, ou perte de connaissance brève (PCB), représente, selon les études, 1 à 5 % des admissions aux urgences. Son incidence augmente avec l’âge avec un pic à 20 ans et à 80 ans. De la simple syncope vasovagale à la cardiopathie ischémique aiguë, le diagnostic est parfois évident d’emblée, pouvant constituer une urgence vitale, mais reste le plus souvent incertain à la sortie des urgences. Le pronostic varie selon les causes et les comorbidités. Trois sociétés savantes encadrent par leurs recommandations la prise en charge des PCB : la Société française de médecine d’urgence (SFMU) en 2005 par l’« Actualisation de la prise en charge des malaises au service d’urgence » [10], la Haute Autorité de santé (HAS) en 2008 par « La prise en charge diagnostique et thérapeutique des syncopes » [3], et enfin en 2009, la Société européenne de cardiologie (ESC) par les Guidelines for the diagnosis and management of syncope [5]. Nous aborderons dans ce chapitre la démarche diagnostique des PCB.

La thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire sont les deux manifestations principales et souvent intriquées de la maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE). Les facteurs de risque sont identiques (immobilisation, chirurgie, grossesse, post-partum, cancer, traitements hormonaux, thrombophilies biologiques), mais les patients ayant présenté un premier épisode thrombo-embolique avec une manifestation donnée (TVP ou embolie pulmonaire) sont plus susceptibles d’avoir la même manifestation clinique en cas de récidive. L’incidence globale de la MVTE est de 1,8 cas pour 1 000 habitants, 1,2 pour la TVP et 0,6 pour l’embolie pulmonaire, et elle augmente considérablement avec l’âge puisqu’elle atteint 1 cas pour 100 habitants de plus de 75 ans [3]. La gravité de la MVTE à la phase aiguë est principalement liée au risque de défaillance hémodynamique secondaire à une hypertension artérielle pulmonaire aiguë et au risque hémorragique secondaire au traitement anticoagulant.

La démarche diagnostique de la MVTE doit ainsi être rigoureuse : ne pas suspecter ou écarter à tort un diagnostic de TVP ou d’embolie pulmonaire expose à un risque de récidive fatale chez un patient non traité, investiguer ou porter un diagnostic par excès expose à un risque d’accident iatrogène [9].

Le traitement de la douleur aux urgences est une obligation légale, et une priorité de santé publique, du fait de sa fréquence très élevée et de sa sévérité. Pourtant, elle est peu ou mal prise en charge et l’usage des opiacés est soit trop limité, soit inadéquat. Soulager est pourtant un impératif médical : le sous-traitement de la douleur peut engager le pronostic vital à court terme par stress cardiovasculaire et respiratoire, en particulier chez le patient âgé (polytraumatismes, infarctus du myocarde). De plus, le sous-traitement de la douleur aboutit à des modifications de la perception nociceptive lors de stimulations ultérieures ou à une chronicisation. Diminuer l’intensité de la douleur n’est donc pas un objectif secondaire de la prise en charge du patient aux urgences, c’est une priorité thérapeutique. Ce chapitre a pour but de refaire le point sur les outils de l’analgésie de la douleur spontanée de l’adulte en urgence. Le praticien doit intégrer à sa pratique une nouvelle « culture douleur », car la prise en charge du « symptôme douleur » aux urgences est de plus en plus complexe. Même au cœur de l’aigu, le soulagement ubiquitaire de l’intensité douloureuse ne suffit plus, il faut individualiser les prises en charge, y intégrer les nouveaux traitements étiologiques ciblés, les dernières avancées scientifiques. Le médecin des urgences doit apporter une réponse immédiate avec une double exigence d’efficacité et de sécurité, mais il doit aussi commencer la prise en charge à moyen terme, à distance de la consultation d’urgence (relais antalgiques, orientations, etc.). Les douleurs liées aux soins sont aussi très importantes à prendre en compte et à anticiper (40 à 50 % des patients sont exposés), mais leurs traitements ne seront pas développés ici.

Les intoxications aiguës représentent l’un des motifs les plus fréquents d’admission aux urgences et en réanimation [8]. En 2013, les principales expositions déclarées au centres antipoison américains étaient les suivantes : les analgésiques (11,5 %), les produits cosmétiques (7,7 %), les produits ménagers (7,6 %), les sédatifs (5,9 %), les antidépresseurs (4,2 %), les cardiotropes (3,9 %) et les pesticides (3,3 %). En France, dix-neuf des vingt principes médicamenteux les plus souvent incriminés dans des intoxications déclarées au centre antipoison de Paris, sont des produits psychotropes.

Une intoxication peut être grave pour plusieurs raisons :

– si les symptômes présentés sont sévères ;

– si une surveillance rapprochée est nécessaire, suite à une exposition à une quantité importante d’un toxique ;

– si le terrain sous-jacent reflète une plus grande vulnérabilité. Les intoxications graves doivent être systématiquement admises en réanimation.

La prise en charge comprend le traitement symptomatique, la décontamination digestive, les mesures d’épuration du toxique et les antidotes. Le diagnostic positif s’appuie sur l’identification du toxique. Le résultat des examens cliniques et biologiques doit toujours être considéré comme prééminent par rapport à celui des examens toxicologiques. Les analyses toxicologiques aideront le clinicien au cours de la démarche diagnostique, de l’évaluation du pronostic et de ses choix thérapeutiques.

Les premières urgences médico-judiciaires ont été créées à l’Hôtel-Dieu à Paris en 1985 [5] pour répondre à une demande judiciaire et ainsi permettre l’intégration de la médecine légale dans un établissement hospitalier. Cette expérience a été couronnée de succès et a été suivie d’autres projets similaires sur le territoire national. Pourtant, la médecine légale en France est longtemps restée hétérogène, tant par son organisation que par ses pratiques. Pour ces motifs, une longue réflexion a mené à la réorganisation de la médecine légale en France en 2010. La circulaire interministérielle du 27 décembre 2010 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine légale [2] reconnaît quarante-huit structures hospitalières de médecine légale du vivant et trente structures de médecine légale thanatologique.

Tout médecin sera confronté au cours de sa carrière à des situations médico-juridiques, qu’il s’agisse de victimes en détresse ou de sujets appréhendés par les forces de l’ordre. Les services d’urgence sont sollicités tout particulièrement. Le rôle du médecin est fondamental aussi bien dans l’empathie qu’il doit aux victimes que dans sa parfaite connaissance des droits et devoirs envers les personnes privées de liberté. Les différentes situations seront envisagées ici.

Avec plus de 14 millions de passages aux urgences en France par an (2004), les services d’urgence sont une des principales portes d’accès à l’hôpital pour de nombreux patients, dont les patients âgés. Les patients âgés représentent approximativement 10 à 20 % de tous les passages aux urgences [1] et 50 à 60 % des patients hospitalisés au décours du passage au service d’accueil des urgences. Or la prise en charge des patients âgés est difficile pour un certain nombre de raisons. D’abord, ces patients sont caractérisés par leur vulnérabilité. Ensuite, ils cumulent pathologies et traitements (sept en moyenne) qui favorisent le risque de pathologie iatrogène. Enfin, le contexte même de l’urgence rend cette prise en charge encore plus difficile car le temps manque pour reconstituer antécédents, traitements habituels, anamnèse et examen clinique exhaustif. Connaître les causes de ces difficultés et les mesures utiles pour améliorer la prise en charge urgente des patients âgés représente donc un enjeu important.

Il faut aussi savoir que les personnes âgées sont souvent perçues « négativement » par les médecins, comme consommateurs de temps et de ressources (ce qui est vrai) et vont attendre plus longtemps aux urgences que des sujets plus jeunes (ce qui est probablement délétère pour eux) [4].