S06 Pathologie vasculaire

S06 Pathologie vasculaire

S06

Pathologie vasculaire

 

Patrice Cacoub et Pascal Priollet

Coordonnateurs

Un anévrysme se définit comme une perte de parallélisme des parois artérielles. Cette définition amène d’emblée à critiquer toutes les autres utilisant des critères de taille absolue comme le diamètre. En effet, cette perte de parallélisme agit en concentrant les charges hémodynamiques sur la paroi. Les petits anévrysmes sacciformes, bien que de petite taille, présentent un risque évolutif supérieur à celui des anévrysmes fusiformes réguliers de plus grande taille. Il est admis que 50 % de diamètre en plus par rapport à celui l’artère sus-jacente, objet de variations interindividuelles non négligeables, suffisent à définir un anévrysme. L’anatomie d’un anévrysme comporte un sac anévrysmal, zone de dilatation artérielle réunie au reste du réseau artériel par un collet proximal et un ou plusieurs collets distaux.

Les coarctations de l’aorte sont des rétrécissements, généralement congénitaux, siégeant le plus souvent au niveau de l’isthme, plus rarement au niveau de l’aorte thoracique descendante ou abdominale. La première forme, isthmique, est d’origine presque toujours congénitale. Elle constitue 5 à 8 % des malformations cardiovasculaires. La seconde, beaucoup plus rare, post-isthmique, est d’étiologie plus variée et discutée, dysembryogénétique ou acquise.

Elles consistent en une occlusion artérielle systémique, non pulmonaire, le plus souvent aiguë, par un corps étranger provenant d’en amont. Encore relativement fréquentes malgré leur raréfaction relative parmi les causes d’ischémie aiguë, les embolies artérielles posent un triple problème :

– local, car elles mettent en jeu la vitalité et le pronostic fonctionnel du territoire atteint ;

– général, car elles compliquent habituellement une affection cardiaque ou vasculaire générale qui domine le pronostic vital ;

– étiologique, car la recherche de la cause est une étape incontournable de la démarche thérapeutique.

Avec les progrès de l’antibiothérapie, les artériopathies infectieuses sont devenues rares mais conservent toute leur gravité. Connues de longue date, leurs causes ont évolué avec le temps. Autrefois liées à certaines infections systémiques comme la syphilis, elles sont aujourd’hui davantage post-traumatiques. En l’absence de traitement, l’évolution se fait toujours vers le décès par rupture artérielle ou septicémie. Sur le plan thérapeutique, l’évidence reste faible car la littérature manque d’études prospectives randomisée. Sur la base de l’expérience collective, le traitement repose sur l’association d’un traitement chirurgical local, d’une antibiothérapie de longue durée et de l’éradication de la porte d’entrée. La résection large des segments artériels infectés fait discuter une revascularisation immédiate ou différée. Celle-ci doit être discutée au cas par cas, notamment en fonction de la localisation de l’artériopathie infectieuse et de la collatéralité existante. Elle fait alors appel à l’utilisation de substituts vasculaires résistants à l’infection, comme les veines autologues et les allogreffes artérielles. Le traitement endovasculaire par endoprothèse ou stent couvert peut être utilisé comme traitement d’attente, notamment dans le cadre urgent de la rupture artérielle. La recherche d’une porte d’entrée septique à distance et d’autres localisations sur le système artériel est impérative pour éviter les récidives et limiter la morbi-mortalité tardive.

Les artériopathies iatrogènes et toxiques sont mal connues des médecins, en raison notamment de la multiplicité des causes, des prises médicamenteuses, des interactions et des mécanismes parfois complexes des troubles vasomoteurs.

Sémiologie clinique

La symptomatologie fonctionnelle survient après une période de latence de quelques heures à quelques semaines, voire après plusieurs années de consommation du médicament. Il peut aussi s’agir d’un médicament dont la toxicité n’apparaîtra que lors de la prise d’un autre médicament modifiant son métabolisme hépatique (action inhibitrice enzymatique hépatique). Le phénomène de Raynaud ne comporte souvent qu’une phase syncopale. S’il persiste, notamment lorsque le diagnostic n’est pas fait, il peut apparaître des troubles trophiques distaux. L’acrorhigose, trouble vasomoteur banal, se traduit par une sensation permanente de froideur des extrémités. Le livedo réticulaire, parfois associé à une acrocyanose, se traduit par des marbrures cutanées, en mailles violacées, indolores, s’effaçant partiellement lors de la surélévation du membre ou de la vitropression. L’ergotisme se manifeste dans sa forme majeure par un spasme artériel diffus entraînant un refroidissement des extrémités, une claudication invalidante des membres inférieurs et supérieurs, une disparition des pouls distaux, voire des pouls proximaux. Les douleurs permanentes des extrémités de type causalgique associées à l’ischémie avaient été décrites dès le Moyen Âge sous le nom de « feu de saint Antoine ». Un spasme veineux peut s’associer au spasme artériel, entraînant une cyanose diffuse prédominant aux extrémités, et des veines sous-cutanées difficiles à ponctionner. Dans sa forme mineure, l’ergotisme associe une acrorhigose permanente et une érythrose distale.

Les tumeurs malignes primitives de la veine cave inférieure sont exceptionnelles, et se résument pratiquement aux léiomyosarcomes de la veine cave inférieure. Depuis la première description par Perl en 1871, un peu plus de 200 cas de léiomyosarcomes de la veine cave inférieure ont été rapportés dans la littérature. Le diagnostic clinique en est difficile, voire impossible, et la grande majorité des premières descriptions étaient faites après laparotomie ou après vérification autopsique. Les techniques d’imagerie non invasive, notamment l’échographie, le scanner et la résonance magnétique nucléaire (IRM), ont permis un diagnostic plus précoce de ces tumeurs malignes vasculaires. Malgré un diagnostic plus précoce et des traitements plus lourds, le pronostic reste redoutable et les survies prolongées très rares.

La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) est une pathologie fréquente, multifactorielle, source majeure de morbidité et de mortalité. La thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire en représentent deux facettes indissociables. Une embolie pulmonaire complique une TVP aiguë, le plus souvent des membres inférieurs, dans plus de 70 % des cas, avec une mortalité à court et moyen termes élevée, estimée à 10 % dans les premières semaines et à 25 % à 1 an. À distance de l’épisode aigu, l’évolution est marquée, d’une part, par le risque de récidive thrombo-embolique avec sa propre morbi-mortalité et, d’autre part, par le risque de développement d’une maladie post-thrombotique des membres inférieurs ou d’une hypertension pulmonaire post-embolique.

Cette pathologie grave à incidence croissante a vu récemment son diagnostic et sa thérapeutique notablement modifiés et facilités par l’adoption de stratégies diagnostiques simplifiées et par l’avènement des anticoagulants oraux d’action directe.

L’insuffisance veineuse chronique (IVC) est définie par l’ensemble des manifestations cliniques liées à un dysfonctionnement fonctionnel ou physique du système veineux. Il en résulte une stase et une hyperpression veineuse responsable de modifications cutanées et de symptômes veineux. C’est une affection fréquente, polymorphe, qui regroupe différents tableaux cliniques qui vont de la simple « jambe lourde » aux troubles trophiques sévères handicapants. Le clinicien qui la prend en charge doit en maîtriser tous les aspects cliniques, diag-nostiques et thérapeutiques. L’insuffisance veineuse chronique ne doit jamais être négligée, son évolution vers la chronicité justifie d’un suivi régulier de ces patients avec une prise de décision adaptée pour chaque tableau évolutif. Elle accompagne le patient tout au long de sa vie, une réalité à ne pas méconnaître. Elle fait actuellement l’objet de nombreuses publications et recommandations, preuve de sa place de plus en plus importante dans les affections vasculaires périphériques. Le médecin vasculaire a une expertise reconnue dans ce domaine, trop longtemps sous-estimé et sous-traité.

Les lymphœdèmes des membres sont la conséquence d’un dysfonctionnement du système lymphatique responsable d’une stase de la lymphe, puis d’une augmentation de volume du membre atteint. Les lymphœdèmes peuvent être classés schématiquement en lymphœdèmes primaires, c’est-à-dire, sans notion d’intervention sur le système lymphatique, en particulier les aires ganglionnaires, et les lymphœdèmes secondaires à des lésions des voies lymphatiques, essentiellement après traitements de cancers comprenant chirurgie et/ou radiothérapie. Il s’agit de maladies chroniques avec un retentissement psychique, social et fonctionnel parfois important. La prise en charge, symptomatique, est nécessaire pour éviter l’aggravation, les complications et améliorer la qualité de vie.

Le phénomène de Raynaud est un acrosyndrome paroxystique vasculaire caractérisé par des vasospasmes itératifs et transitoires des extrémités [5]. Historiquement, ce symptôme fut décrit pour la première fois en 1892 dans la thèse du Docteur Maurice Raynaud. Son incidence varie de 5 à 10 % et il existe une prédominance féminine avec un sex-ratio de trois femmes atteintes pour un homme. On différencie le phénomène de Raynaud des autres acrosyndromes vasculaires avant de lui rechercher une étiologie. Lorsqu’il est idiopathique et non évolutif, il s’agit de la maladie de Raynaud. Le traitement symptomatique associe des règles de prévention des crises et, si nécessaire, un traitement médicamenteux. L’objectif de la prise en charge est de limiter le handicap fonctionnel en diminuant la fréquence des crises et en limitant la douleur liée au vasospasme.

Les différentes anomalies vasculaires congénitales, tumeurs vasculaires et malformations vasculaires, sont aujourd’hui bien identifiées. Nous exposerons les données les plus récentes et les stratégies thérapeutiques évolutives concernant ces anomalies vasculaires.

Sont d’actualité l’identification des mutations génétiques sporadiques ou héréditaires, l’évolution des explorations non invasives appliquées à cette pathologie, que sont les ultrasons, l’IRM et la tomodensitométrie avec reconstruction.

Les traitements médicamenteux font partie intégrante de cette prise en charge : les anticoagulants anti-Xa, les bêtabloquants et, plus récemment, la place d’un immunosuppresseur la rapamycine (sirolimus).

Tous ces éléments ont permis de mieux cibler les différentes orientations thérapeutiques, que sont la sclérothérapie, le laser et l’embolisation artérielle. La chirurgie a largement bénéficié de ces progrès, permettant une chirurgie palliative ou curatrice en fonction du caractère segmentaire ou non de ces lésions.

Von Winiwarter a décrit pour la première fois en 1879 un patient présentant les signes cliniques se rapportant à une thrombo-angéite oblitérante. Par la suite, en 1908, Léo Buerger a publié une description très détaillée des caractéristiques de cette maladie, ce qui lui a valu l’appellation de maladie de Buerger. Il s’agit d’une vasculopathie thrombosante non athéromateuse d’origine inflammatoire touchant le sujet jeune et étroitement liée à l’intoxication tabagique [2]. Elle touche les artères de petit et moyen calibre et les veines des membres supérieurs et inférieurs (Figure S6-P1-C12-1). L’atteinte est le plus souvent distale.

Les ulcères de jambe concernent 2 % de la population générale, avec une prévalence liée fortement à l’âge : exceptionnels avant l’âge de 40 ans, ils touchent près de 5 % des patients de plus de 80 ans.

Définition

Un ulcère de jambe est défini par sa chronicité (plus de 4 semaines d’évolution malgré des soins locaux corrects) et par sa topographie (dans une zone située entre le genou et jusqu’à 2,5 cm sous les malléoles). Les plaies du pied sont ainsi exclues de la définition des ulcères de jambe.

Le diagnostic positif est donc relativement simple. La difficulté est liée à la recherche de l’étiologie de l’ulcère de jambe et à l’évaluation globale du malade afin de proposer une prise en charge optimale.

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est une maladie fréquente qui touche environ 20% des sujets de plus de 65 ans. Cette maladie est due à la formation de plaque d’athérome dans la partie interne de la paroi des artères des membres inférieurs. Au fil du temps, les plaques d’athérome ont tendance à augmenter de volume et à obstruer progressivement davantage la lumière vasculaire. Cette obstruction partielle ou totale explique la survenue de douleur à la marche (claudication d’effort) puis au repos. L’AOMI peut également se révéler très bruyamment avec un tableau d’ischémie aiguë. La douleur est liée à une ischémie par diminution de l’apport en sang et donc en oxygène. L’on se basait autrefois sur les signes fonctionnels et les signes physiques dont l’abolition des pouls pour porter le diagnostic d’AOMI. La méthode la plus performante à l’heure actuelle pour dépister et diagnostiquer une AOMI est la mesure des pressions distales de cheville en doppler puis le calcul des indices de pression systolique à la cheville (IPSc) au repos associé à l’étude de l’aspect des flux distaux jambiers. L’IPSc est une technique sensible et spécifique pour diagnostiquer une AOMI. Les différentes méthodes diagnostiques possibles expliquent les fréquences différentes de l’AOMI selon les publications. Une bibliographie exhaustive de l’AOMI figure dans une analyse comparative des données et recommandations des Sociétés Européennes et Américaines de Médecine Vasculaire et de Chirurgie Vasculaire, analyse réalisée au sein de la Société Française de Médecine Vasculaire (SFMV) en 2020